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Actuel / Un bateau électrique testé sur le Léman

Stephan Engler

19 janvier 2024

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Mobyfly, un prototype révolutionnaire, est actuellement en phase de test en conditions réelles sur le lac Léman. Ses nombreux atouts tels que sa motorisation entièrement électrique, sa technologie de pointe avec ses foils rétractables ainsi que son design épuré ne laissent pas indifférent. Ses concepteurs entendent œuvrer à la transition énergétique.



L’idée du projet est née en 2018 lors de plusieurs rencontres et discussions entre Sue Putallaz et Anders Bringdal à Genève. Mais l’aventure a réellement pris forme début 2020 avec l’arrivée du dernier co-fondateur, Ricardo Bencatel. Sue et Anders avaient déjà collaboré sur le projet Sea Bubbles, un petit taxi à foil électrique. Selon Sue qui vient du monde de l’urbanisme et du transport, la réalisation de Sea Bubbles est aboutie, mais pour avoir un impact réel sur la transition énergétique il fallait s’attaquer au transport de masse. Selon une étude réalisée en Suisse, 96% des émissions de CO2 sont dues aux entreprises de transport professionnelles, en comparaison la navigation de plaisance ne représente que 4% des émissions.

Le défi du transport à faible empreinte écologique

Le transport rapide par bateau («fast ferry market»), avec son ADN de rapidité et d’efficacité, peut s’inscrire dans le processus de la transition énergétique. De plus, le transport de masse est très intéressant pour les navettes avec des hydrofoils. Celui-ci représente plus de 2 milliards de passagers par année, soit équivalent au transport aérien. 

Les bateaux de loisirs ont été écartés du développement initial pour des raisons d’efficacité, c’est le secteur du transport de personnes qui a été retenu. Bien entendu à l’avenir, la plateforme technologique développée pourra être adaptée également au transport de marchandises et au secteur des loisirs individuels. 

Du projet au concret

Les compétences et l’expérience des co-fondateurs, qui ont tous noué des liens étroits avec le monde de la navigation, ont été déterminantes pour finaliser Mobyfly. Anders Bringdal possède cinq titres de champion du monde de planche à voile, Ricardo Bencatel a travaillé sur des systèmes de contrôle automatique de foil sur des voiliers de compétition pour deux équipes de la prestigieuse America’s Cup, Luna Rossa et Oracle Team USA.

Mais rien n’aurait pu se faire sans le financement d’investisseurs privés qui ont été séduits par ce projet et qui ont permis la création du prototype. Un autre soutien de choix est le Canton du Valais avec sa fondation The Ark qui soutient l’innovation et favorise le développement de nouvelles technologies.

La coque est construite au Portugal, il est prévu, à l’avenir, d’y construire toutes les coques de ce projet. Tous les autres matériaux et pièces sont dans la mesure du possible Swiss made ainsi que, bien sûr, la recherche et le développement. Dans cette démarche responsable il est important lors des commandes de construire au plus près du client afin de minimiser l’impact écologique et pour des questions de logistique des transports.

Les circuits courts à toutes les échelles sont privilégiés afin d’être le plus vertueux possible dans la réalisation. La vision de l’entreprise se veut globale et pas seulement opérationnelle. Pour cela l’équipe fondatrice est entourée d’une douzaine de personnes avec des compétences diverses, pour l'architecture navale, l'analyse de la performance hydrodynamique des coques, la recherche de l'équilibre... S'y associent des ingénieurs en motorisation et en électronique, une équipe marketing et commerciale, ainsi que des spécialistes de la certification du bateau pour les transports publics. Le prototype qui navigue actuellement est la plus petite des unités. Le Mobyfly 10 (10 mètres) est certifié aujourd’hui pour une capacité de 12 passagers. Selon le choix de l’agencement il est possible de transporter jusqu’à 20 personnes.

Navigation et technique

L'entreprise étant installée en Suisse, le choix du Léman comme lieu de mouillage et de test s'est imposé naturellement. Deux indispensables bornes de recharge rapide sont situées aux deux extrémités du lac, la première à la Société Nautique de Genève et la seconde dans la commune de Port-Valais au port du Bouveret où le bateau est amarré.

Au port, un coup d’œil suffit pour convenir que Mobyfly ne ressemble à rien de connu. En navigant vers la sortie du port il est encore plus flagrant que son design futuriste le classe dans une autre catégorie que les autres bateaux amarrés.

En navigation la première surprise est le très faible niveau sonore des moteurs électriques, à des années-lumières de l’habituel moteur diesel bruyant. Ceux-ci sont logés directement dans les deux arbres à hélice à tribord et bâbord, fixés aux foils rétractables. Les moteurs d’une dimension d’environ 60cm de long pour un diamètre de 17cm en fonction peuvent atteindre une température de 140 degrés. Leur refroidissement s’effectue de manière naturelle par immersion dans l’eau. Naviguer avec les foils apporte un confort inédit aux voyageurs dans la plupart des conditions de navigation. Le bateau est comme suspendu au-dessus de l’eau et créé un sillage quasi inexistant. L’hydrofoil à zéro émission peut transporter les passagers confortablement à une vitesse de 70km/h tout en utilisant 95% d’énergie en moins que les ferries diesel existants, et ce sans créer de vagues ni de pollution. Grâce à sa technologie, le bateau est d’une incroyable stabilité et possède une grande efficacité énergétique. Pour ce qui est de l’autonomie, une pleine recharge suffit pour parcourir 140km en navigation à haute vitesse: aux alentours de 26-28 nœuds, soit environ 50km/h.

A ce jour c’est la plus grande autonomie pour un bateau électrique. En termes d’énergie par passager, cet hydrofoil est plus efficace qu’un vélo électrique, seule la bicyclette traditionnelle fait mieux! Enfin, point très important pour l’opérateur, le coût de la maintenance est divisé par quatre, voire par cinq, par rapport à un bateau thermique.

Musique d'avenir

La victoire de MobyFly au prestigieux concours japonais Hack Osaka 2022 Startup Technology, ainsi que le prix des navires commerciaux lors de la cinquième édition des Foiling Week Awards en 2022, a permis à l’entreprise de gagner en visibilité et en reconnaissance. Plusieurs pays sont d'ores et déjà intéressés par l’acquisition de bateaux dans les années à venir: Malte, la Grèce, la Norvège, l’Italie, la France (et la Polynésie française), le Portugal et le Japon.

Sur les trois modèles développés, les livraisons prioritaires concernent la petite unité de 10 mètres jusqu’en 2025, les modèles plus grands de 20 et 30 mètres sont planifiés pour plus tard. Grâce à la qualité du concept s'adaptant aux impératifs à la fois technologiques et écologiques, Mobyfly va sans doute contribuer à modifier le transport par bateau.

Mobyfly et ses trois co-fondateurs, de gauche à droite: Ricardo Bencatel, directeur technique, Sue Putallaz, directrice générale et Anders Bringdal, directeur design. © S.E.

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