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Actuel / Le sens de la fête


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Et tu chantes, chantes, chantes ce refrain qui te plaît, et tu tapes, tapes, tapes, c’est ta façon d’aimer… C’était la fête, c’était avant. Depuis près d’une année maintenant, les fêtes ne sont plus ce qu’elles étaient. Et parfois, elles ne sont plus du tout.



Les fêtes, tantôt interdites et réprimées. Tantôt permises mais aseptisées, distancées, tristounettes. Sauf exceptions, sauf dans la discrétion. Quand ceux qui ne se sont pas emprisonnés totalement d’eux-mêmes ont besoin de se retrouver, covid ou pas, ils le font quand même. Pourquoi? Parce que la fête, dans toutes ses formes, est un bien de première nécessité. Réflexion sur ce qu’est une fête, sur son sens.

Chacun sa fête

Des fêtes, il y en a pour tous les goûts. Pour tous les âges aussi. Des fêtes d’anniversaire pour enfants aux thés dansants du troisième âge. Des fêtes très organisées, très protocolaires. Ou des fêtes très improvisées, très informelles. Selon notre bon copain Le Robert, la fête est une «solennité religieuse célébrée certains jours de l’année» ou encore une «réjouissance publique et périodique en mémoire d’un événement». Ou simplement des «réjouissances en famille, entre amis».

Sans parler de la nécessité des célébrations religieuses ou des commémorations civiles, il paraît au moins évident que des «réjouissances en famille, entre amis», on ne peut pas s’en passer. Du moins si l’on a vie un peu normale; si l’on est un tant soit peu sociable. Quel que soit l’événement: un anniversaire, un mariage, une remise de diplômes, un pot de départ, ou même des retrouvailles, un moment à passer avec ses proches. 

Il est des fêtes qui s’appellent «teufs». Elles réunissent en général des jeunes, on y boit pas mal, et ça fait «boum, boum, boum» toute la soirée. Et il est des fêtes toutes calmes, autour d’un café et de macarons, dans un salon, l’après-midi. Tant qu’on est au moins deux, que l’on se réjouit et qu’il y a éventuellement un événement particulier à célébrer, c’est une fête. L’humain n’est-il pas, au demeurant, un animal social? Un animal dont l’existence vise le bonheur. Ce dernier qui se manifeste émotionnellement par la joie. Et se réjouir en société, c’est faire la fête. Donc tout le monde est concerné. Tout le monde en a besoin. Un bien de première nécessité, disais-je. CQFD. 

A la fête comme à la guerre!

C’est parce qu’elles sont nécessaires, que l’absence des fêtes se sent fortement. C’est peut-être aussi maintenant qu’on en mesure la valeur. Avant la crise sanitaire, les fêtes, c’était toujours sympathique, mais on trouvait ça normal. Désormais, soit on en rêve, soit on s’organise comme peut. Mais une fête appelle souvent à la largesse, pour que toute une famille ou tout un groupe soit réuni. La fête appelle aussi à la proximité entre les participants. Comme elle appelle au partage. On se sert dans un même plat lors d’un apéro, ou alors on «fait tourner», selon le contexte. Ce sont autant d’éléments qui sont mis à mal par les mesures sanitaires. 

A partir de là, il y a trois possibilités. Premièrement, on arrête net d’organiser des fêtes. Et on fait le constat dramatique de l’augmentation du nombre de personnes qui se sentent seules, voire qui deviennent dépressives. Deuxièmement, on trouve des manières de fêter tout en respectant strictement – cet adverbe commence à me donner la nausée… – les gestes barrière. Franchement, c’est possible. 

Mais souvent, la tristesse s’invite aussi. Quand on ne peut pas voir le visage de l’autre, ou quand on doit garder la distance, il est plus difficile d’être spontané et d’entrer en complicité. Sans compter que selon ces saintes mesures, les convives n’ont même pas le droit de chanter ensemble. Alors que l’interprétation déjantée des «Lacs des Connemara» ou d’«Alexandrie Alexandra» reste dans beaucoup de fêtes, le moment le plus précieux. Danser joue contre joue, ce n’est pas permis non plus. 

Le pire reste de prendre un repas avec d’autres personnes mais de n’avoir personne en face de soi et d’être à deux mètres de celui qu’on n’ose plus appeler un voisin de table. A ce taux-là, autant manger seul chez soi. Quoiqu’il y a peut-être encore plus malheureux: les apéros-zoom. Ils sont tellement conviviaux et géniaux qu’ils n’ont été en vogue que deux mois, en mars et avril 2020. La mode est vite passée. 

Expérience vécue, j’ai été tellement triste de voir mes amis en train d’essayer de festoyer en levant des verres derrière un écran à l’image médiocre que mon vin m’a semblé amer en bouche. Très amer. Carrément dégueulasse. Alors que c’était en réalité une excellente Malvoisie. En plus, je n’ai rien compris à ce que les gens disaient en se coupant la parole. Et je me suis ridiculisé à vouloir danser, seul chez moi, devant mon écran pour me mettre dans l’ambiance et faire comme les autres. Ça n’a pas été concluant.

Troisièmement, on laisse les mesures restrictives de côté. On organise des fêtes l’illégalité. On se laisse aller. On passe un bon moment, loin de l’angoisse  ambiante. Rien n’empêche de se laver soigneusement les mains. Rien n’oblige à postillonner dans tous les plats. Pourtant, le risque de la contravention salée plane. Il faut prendre des risques. Il faut se mobiliser: à la fête comme à la guerre! Ou pas… c’est compliqué. En tout cas, il faut bien vivre et respirer un bon coup, au risque de faire de ce monde un hôpital psychiatrique à ciel ouvert. 

Le sens de la fête

La fête est un bien un besoin humain. Elle est universelle. Elle est ce moment de légèreté qui unit et qui détend. Elle est ce jaillissement de vie, qui dresse un bras d’honneur à la morosité, au sentiment d’abandon et au désespoir. Le sens de la fête, c’est se retrouver à table avec sa famille pendant des heures. Avec les grands-parents qui racontent leur jeunesse folle, avec les jeunes qui partagent leurs rêves d’avenir. C’est avoir tous une seule et même raison de se réjouir: être ensemble. 

Le sens de la fête, c’est ponctuer sa vie d’instants d’intensité. Quand sous les lumières multicolores de la boule disco, on laisse aller son corps à l’abandon de la musique. On lève ses mains comme en louange. On s’éclate. Quand le moment arrive où l’on croise un regard. Où l’on s’apprivoise. On s’approche. On se plaît. On se regarde encore. Je lui caresse les cheveux, elle me caresse le cou. Et on s’embrasse au milieu de la piste… ou «sous les sunlights des tropiques». 

VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

1 Commentaire

@GFTH68 09.03.2021 | 21h34

«on devient si nostalgique...»