Média indocile – nouvelle formule

Actuel

Actuel / A Tchernobyl avec l’homme qui guérit la terre


PARTAGER

Se rendre à Tchernobyl en 2021 tient à la fois du «Voyage dans la cité fantôme» et du «Retour vers le futur». Cette année, la province ukrainienne de Tchernobyl a en effet célébré le 35e anniversaire de la catastrophe nucléaire d’avril 1986, qui a vu le réacteur numéro 4 entrer en fusion et relâcher dans l’atmosphère une radioactivité équivalant à environ 500 bombes d’Hiroshima.



La cité fantôme, c’est la ville de Pripyat, située à 15 kilomètres de Tchenobyl et à quelques kilomètres de la centrale, et dont les 50'000 habitants ont été évacués dans l’urgence sans avoir même eu le temps de boucler leurs valises. Aujourd’hui, le site, envahi par la végétation, les buissons, les animaux sauvages, frappé par la décrépitude des routes et des murs, avec sa fameuse roue géante rouillée et ses auto-tamponneuses abandonnées au milieu des débris, dégage un irrépressible sentiment de tragédie.

En déambulant entre les immeubles en ruines, le cœur se serre comme il se serre quand on visite les haies de barbelés d’Auschwitz ou les restes de l’école de Beslan. Comme à Pompei, la vie s’est subitement figée et le fantôme des milliers de gens frappés par la catastrophe semble encore errer dans les salles et les couloirs affaissés des immeubles.

Mais Tchernobyl est peut-être aussi une voie ouverte sur le futur. Il n’est pas impossible que cette ville martyre, devenue synonyme de catastrophe nucléaire dans le monde entier, renaisse un jour à la vie grâce à l’action d’une startup suisse active dans la décontamination des sols. Nous nous sommes rendus cette semaine sur le site, dans le laboratoire de l’Eco-Centre qui contrôle depuis les années 1990 l’état de la radioactivité sur les 2'000 km2 de la zone d’exclusion fermée au public, en compagnie des deux fondateurs de la société Exlterra, le Polono-Américain Andrew Niemczyk, et le Genevois Frank Muller, qui mènent depuis quelques mois une expérience inédite dans la zone contaminée.

Le Polonais est une personnage de légende. Echappé de l’école à treize ans, emprisonné après le coup d’Etat de 1981 qui a provisoirement mis fin à l’expérience du syndicat Solidarnosc, réfugié aux Etats-Unis en 1984 après avoir fui le régime du général Jaruzelski, Andrew Niemczyk est devenu une sorte de serial découvreur, inventant toutes sortes de techniques et de technologies aussi bien dans le domaine de l’acier que de l’agrologie. Sa spécialité, c’est la dynamique des fluides, et notamment de ceux qui circulent sous la terre, eaux et flots d’énergies. Grâce à un système de tubulures en polytéthylène (produit neutre pour l’environnement), il a été en mesure de régénérer aussi bien des sols qui manquaient d’eau que des sols qui manquaient de nutriments pour les arbres et la végétation, terrains de golfs, vignes, terres agricoles ou simples gazons.

Le projet, avec l’aide de Frank Muller qui apporte la dimension managériale et financière, est évidemment d’élargir le champ d’application de ces applications à des ensembles plus vastes et notamment à la décontamination des sites industriels ou nucléaires lourdement pollués. C’est le but de l’expérience menée à Tchernobyl. Sur un hectare de sol contaminé au Césium et au Strontium, il s’agit de prouver qu’il est possible de diminuer la radioactivité très rapidement, et même d’assainir la place complètement en cinq petites années au lieu des dizaines voire des centaines d’années habituellement prévues.

Bonne nouvelle, les résultats sont très encourageants, selon le directeur du Centre, Serhii Kirieiev. Les résultats officiels seront publiés dans une dizaine de jours à Genève. Reste maintenant à confirmer la tendance dans les années qui viennent pour établir un résultat indiscutable et passer à l’échelle supérieure.

Après tout, si une société suisse et le tandem Niemczyk-Muller, après être parvenus à faire pousser de l’herbe et des arbres sur des terres mortes, pouvaient assainir l’un des sites les plus pollués de la planète, qui s’en plaindrait?

VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

5 Commentaires

@Apitoyou 12.11.2021 | 08h42

«yves.lenoir@enfants-tchernobyl-belarus.org»


@Apitoyou 12.11.2021 | 08h52

«Je voudrais vous envoyer le graphique de l’évolution des cancers à Tchernobyl de 1986 à maintenant, mais je n’arrive pas à le coller dans ce commentaire , donnez moi une adresse de Bon pour la tête pour vous le communiquer . Ce graphique sert de commentaire.»


@lospinguinos 12.11.2021 | 17h14

«3 passages de l'article qui attirent mon attention... et quelques remarques et questions :

...Aujourd’hui, le site, envahi par la végétation, les buissons, les animaux sauvages,... => la végétation pousse bien sur les sols fortement contaminés !

...Sur un hectare de sol contaminé au Césium et au Strontium, il s’agit de prouver qu’il est possible de diminuer la radioactivité très rapidement, et même d’assainir la place complètement... => le Césium et le Strontium restent radioactifs longtemps quoi qu'on fasse : sont-ils donc dilués, ou exportés ? où ? en profondeur ?

...après être parvenus à faire pousser de l’herbe et des arbres sur des terres mortes... => mais ils poussent très bien, voir au début !!!»


@mariec 13.11.2021 | 12h56

«En réponse à @lospinguinos, de la part de Guy Mettan:
Concernant votre remarque sur le césium, je ne saurais vous en dire plus, n’étant pas physicien nucléaire. Pour le reste, diminuer la durée de vie des éléments radio actifs dangereux est précisément le but de l’expérience et de la technologie. Il faudrait voir si les responsables d’Exlterra souhaitent en dire plus sur leur méthode, qu’ils cherchent à protéger comme il se doit. Pour les sols, oui la végétation pousse bien sur certains sols contaminés à Tchernobyl, mais pas de façon uniforme. La vie sauvage reprend ses droits rapidement mais les arbres sont rabougris à certains endroits, tandis que d’autres ont été abattus avant d’être remplacés par de nouveaux. Idem pour les animaux sauvages dont les malades et les faibles sont vite remplacés. Le territoire est assez grand (deux tiers du canton de Vaud pour la seule partir ukrainienne), très sauvage et peu surveillé en dehors des voies d’accès. Enfin, à la fin d’article, il ressort clairement que je ne parle pas de sols morts à cause de la radioactivité mais pour d’autres raisons (sécheresse, excès ou manque de minéraux, etc.)"»


@Widus 18.11.2021 | 08h29

«Tchernobyl a été une catastrophe humanitaire mais rapidement une aubaine pour la faune et la flore.»


À lire aussi