A vif / Ma caisse-maladie veut-elle la peau de mon pharmacien?
«Recevez vos médicaments sur ordonnance par la poste», me propose-t-on. Et mon pharmacien, que va-t-il devenir? S’il disparaît, les services qu’ils proposent disparaîtront avec lui. Mon seul avantage dans tout ça? Une carte cadeau Migros de trente francs et la possibilité de collecter des points cumulus.
Je viens de recevoir une lettre de ma caisse-maladie me proposant de «commander des médicament confortablement» depuis chez moi, en utilisant les services de son «partenaire» la pharmacie en ligne Zur Rose. Celle-ci est une entreprise dont les activités suisses appartiennent depuis 2023 au groupe Medbase, une filiale de la Migros. Si j’accepte cette offre, je recevrai d’ailleurs une carte cadeau de trente francs du géant orange.
«Commandez facilement vos médicaments sur ordonnance médicale en ligne via Zur Rose. La livraison se fait en recommandé, dans un emballage discret et directement à votre domicile.» En tant qu’assuré de ma caisse, je bénéficie, entre autres, «de rabais attrayants» et d’une livraison gratuite «dans les deux jours ouvrés».
Disparition de la sociabilisation
Je ne vais pas accepter cette offre, pour plusieurs raisons. D’abord, pour rester fidèle à mon pharmacien qui est sympathique, fiable, toujours de bons conseils, à quelques minutes de chez moi – pas à deux jours, ce qui est pratique si j’ai mal à la tête et que j’ai un besoin immédiat d’antidouleur – et chez qui je peux aller, entre autres, faire prendre ma tension artérielle, demander conseil pour un bobo voire me le faire soigner, me faire vacciner contre l’hépatite A, la grippe, la rougeole ou l’encéphalite à tiques… Il connaît mon médecin, il sait quels médicaments je prends régulièrement. De plus, j’y croise parfois des connaissances, on échange quelques mots, on prend des nouvelles, on en donne. S’il disparaît – comme vient de le faire mon épicier – ses services et cette sociabilisation disparaîtront.
Ensuite, cette alliance commerciale entre une caisse d’assurance maladie et une pharmacie en ligne a des airs de concentration, ce qui ne laisse rien préfigurer de bon. Peut-être que bientôt je recevrai une offre pour un médecin en ligne – ne riez pas, ça existe déjà – qui m’auscultera à distance, à qui j’enverrai par la poste mes organes malades et qui me les renverra soignés «dans les deux jours ouvrés».
Au profit de qui?
Pouvoir commander ses médicaments en ligne peut être utile aux personnes à mobilité réduite, bien sûr. Sauf que mon pharmacien fait des livraisons à domicile et qu’il est sans doute plus agréable de recevoir sa visite ou celle d’une ami, d’un voisin ou d’un membre de sa famille lorsqu’on est très vieux et que l’on peine à sortir de chez soi.
Cette opération conjointe de ma caisse-maladie et de la pharmacie en ligne est exclusivement commerciale, n’a pour but que leurs seuls profits. Moi, mes uniques «gains» seraient les «points cumulus» que je pourrais collecter. Mon épicier a déjà disparu au profit de COOP, Migros & Co et de la vente en ligne, mon pharmacien est aujourd’hui clairement menacé.
Veut-on vraiment confier l’entier de nos besoins à quelques énormes entreprises qui pourront alors décider des prix, des prestations et de qui pourra en bénéficier?
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