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Des milliards et des milliards en plus pour l’armement. Tous les Etats européens ou presque veulent faire exploser leurs budgets militaires. Pour quels types de défense? pour quelle efficacité? Ils n’en savent rien mais croient dur comme fer que c’est pour leur bien. Cette fortune fantasmatique, c’est leur fétiche.



La photo du sommet de l’OTAN restera dans l’histoire. Tous les dirigeants européens − sauf un − alignés, soumis aux ordres du patron Trump, qu’ils couvrent de flatteries. Une honte. Accepter ainsi de consacrer 5 % du budget de chaque Etat aux armements, sans discussion, c’est une gifle à la démocratie. Les parlements de ces pays n’ont-ils rien à dire? Et les peuples qui ont de toutes autres attentes? Quelle hypocrisie aussi. Ces chefs d’Etat savent que le défi est impossible à financer alors qu’ils s’empêtrent dans les dettes publiques. Le but de cette lamentable démonstration n’était que de consacrer la vassalisation des «partenaires» des Etats-Unis. L’intérêt de ceux-ci est évident: ils seront les principaux fournisseurs. Un seul chef de gouvernement a sauvé l’honneur: Pedro Sanchez, l’Espagnol, qui s’est tenu à l’écart de la photo et n’a pas mâché ses mots: son pays n’a pas d‘ordre à recevoir de Washington, il a mieux à faire que dépenser des montagnes de milliards pour l’armement. Ce qui lui vaut un déferlement de menaces de Trump. Mais même les politiciens de Madrid qui veulent sa peau approuvent son propos.

Et tous les autres Européens? Quelle mouche les a piqués? Ils s’efforcent déjà de renforcer leur défense, si possible avec leurs propres industries. Pourquoi agiter ce chiffre intenable de 5 %? Ce qui pour certains dépasserait le budget de l’éducation! Ce qui creuserait les abîmes de la dette publique dont les intérêts atteignent déjà des montants affolants. 

Pourquoi parler de fétichisme?

Parce que l’on peut voir là un réflexe collectif, prêter à un argument simple une toute-puissance symbolique, une protection magique. Peu importent la réalité et la diversité des menaces. Acheter des ribambelles d’avions, de blindés, de canons, de missiles, d’anti-missiles… et tout ira bien. La Suisse fait de même, incapable de changer son fusil d’épaule et de types d’appareils, alors que le maudit F-35 s’envole vers des sommets de prix insondables. 

Pour donner quelque apparence de raison à cette fuite en avant ruineuse, on ressort la formule des Romains: «Si tu veux la paix, prépare la guerre». En 1909, la philosophe pacifiste autrichienne Bertha von Suttner (1843-1914), première femme à recevoir le prix Nobel de la paix en 1905, réfutait vigoureusement cette maxime. Elle considérait que l’escalade des armements nourrit celle des conflits. L’histoire, à cette époque, lui a donné raison. Elle considérait aussi que cette fixation sur les armes tend à détourner tout effort en faveur de la paix. La situation actuelle lui donne raison aussi. Les Européens n’œuvent pas en faveur de négociations avec la Russie. Même si Macron et Poutine se parlent au téléphone.

L’OSCE mise hors-jeu

Les cerveaux ainsi échauffés perdent des pans de mémoire. Plus personne n’évoque un beau chantier, pas si ancien. Lancé dans les années 70, baptisé en 1975 «OSCE», «organisation de sécurité et de coopération en Europe», dans la foulée de l’Acte final de Helsinki. La plus grande structure de sécurité au monde: 57 Etats d’Europe, d’Amérique et d’Asie centrale. Occidentaux et Russes s’y retrouvaient pour parler détente et commerce. Elle renforce ses structures en 1990 après le Sommet de Paris et assume des missions de surveillance sur plusieurs terrains conflictuels. Ainsi, lors de la guerre civile entre le gouvernement de Kiev et les populations de l’est russophone (2014-2022), l’OSCE a recensé les coups des uns et des autres, dénoncé les périls. Notamment sous la houlette d’une diplomate suisse. Ses rapports sont enterrés car ils contredisent le récit occidental officiel selon lequel tout a commencé avec l’agression russe de 2022.

L’Ukraine épuisée aspire, hors des cercles ultra-nationalistes, à un compromis, à la paix. La Russie, elle aussi affaiblie, n’aspire pas à autre chose. Bien loin de nourrir des plans d’invasion vers d’autres pays. Alors qu’elle avance avec peine dans le Donbass, à deux pas de chez elle.

Le bon sens voudrait qu’un Etat soit capable à la fois de renforcer raisonnablement sa défense et d’engager des pourparlers avec la partie adverse. C’est la ligne de l’OSCE aujourd’hui mise hors-jeu. Mais l’incendie émotionnel, le fétichisme des armes balaient cette approche. Une fois les opinions publiques travaillées par la propagande au fil des ans, il devient politiquement plus rentable, pour les dirigeants, d’en rajouter des couches, des peurs, des appels à l’humeur belliqueuse.

L’exemple patent et choquant de l’Allemagne 

Le chancelier allemand, peu soucieux du souvenir qu’a laissé son pays dans l’histoire du 20e siècle, multiplie les tirades antirusses, appuie les offensives ukrainiennes en Russie, parade devant ses détachements en Lituanie. Il veut que l’armée allemande soit la plus forte d’Europe. Coûte que coûte. Tant pis pour la dette. Tant pis pour les dépenses sociales sabrées. Son ministre des affaires étrangères ne cache pas qu’il espère la prolongation du conflit sur des années et promet de tout faire pour aider à cela. Tout sauf envoyer ses hommes se faire trouer la peau. Jusqu’au dernier Ukrainien? Au-delà de ces discours publics se trament des plans secrets. Exemple? En Roumanie, le Parlement – à la demande de qui? – examine un projet de loi qui permettrait à son armée de s’engager hors de ses frontières avec celles de l’OTAN. En clair: en Ukraine. La Moldavie peut-être.

Pourtant des points de résistance se dessinent

En Allemagne, la cheffe de l’AfD, Alice Weidel, rejointe par Sahra Wagenknecht, s’oppose à la politique incendiaire du gouvernement CDU-SPD et marque des points dans les sondages. Il a peu été dit que cette dirigeante nationaliste à la tête fort bien faite vient de rencontrer Poutine à Moscou. Pour parler de l’avenir russo-allemand une fois la guerre terminée… Par ailleurs la Hongrie et la Slovaquie freinent les sanctions antirusses de l’UE. Ce qui leur vaut les réprimandes de Bruxelles. Ce n’est pas tout. Le tout nouveau président de la Pologne, nationaliste et conservateur, soutient l’Ukraine mais lui demande des comptes: sur son passé – les massacres de Polonais par les ultra-nationalistes maintenant au pouvoir, et aussi sur son économie corrompue, sur ses exportations envahissantes et hors normes. Pas chaud du tout pour l’admettre rapidement dans l’UE. 

On peut regretter que ce soient des partis dits sulfureux qui prônent l’apaisement, le réalisme. Les autres, les convenables, les belles âmes démocratiques, les suiveurs de la Commission européenne, ont pourtant les moyens de couper l’herbe sous les pieds des gêneurs: s’engager, eux aussi, sur les chemins du dialogue et de la paix, aussi ardus soient-ils. 

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