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Actuel / La Suisse souffrirait-elle du «syndrome Schwab»?


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Klaus Schwab n’aurait jamais imaginé une fin de carrière aussi fracassante. Pas question de disserter ici sur le sort qui lui a été fait, sur l’avalanche de griefs qui s’est abattue sur lui. Plutôt s’interroger sur le profil psychologique de cet homme qui, à la tête du World Economic Forum (WEF), s’est vu comme un roi du monde. Audacieuse question: ses éminentes qualités paraissent finalement s’être retournées contre lui, et si un tel syndrome menaçait d’une certaine manière… la Suisse elle-même?



Quoi qu’il en soit la destinée de cet homme est plus que remarquable. Avec un but bien défini, une persévérance hors normes, quelques finances personnelles au départ, un talent évident dans les relations de haut niveau, il est parvenu à constituer une machine riche et puissante, avec six cents emplois à la clé et maintes activités annexes. Il lui a fallu des années pour donner à son rendez-vous de Davos une dimension d’abord européenne puis mondiale. On peut gloser sans fin sur sa prétendue idéologie. Il s’agissait avant tout de nouer des contacts prestigieux, de flatter l’égo des intervenants et des participants. Non, contrairement à ce que dénoncent sans relâcher ses contempteurs, le WEF n’a jamais marqué la marche du monde. Mais il a pris valeur de symbole. 

Klaus Schwab avait une haute idée de lui-même. Se voyant fondateur d’un tel aréopage, il se sentait tout puissant. Le patron absolu d’une fondation largement financée au fil des ans par une foule de donateurs. Lorsque les premières alarmes ont clignoté, la rupture avec la Russie, l’appel à se distancer de la Chine, l’émergence des BRICS, puis le tohu-bohu de Trump, ce patron-gourou fort âgé (87 ans) a tardé à prendre en compte les bouleversements en cours. Comme il a sous-estimé, depuis longtemps, les nouvelles exigences éthiques dans la gestion des collaboratrices et collaborateurs. Il a sans doute été stupéfait des reproches qui lui sont faits à cet égard, comme au sujet de l’implication de sa femme et de son fils dans toutes les affaires d’une fondation nullement comparable à une entreprise familiale. 

Et si la Suisse tirait quelques enseignements du «syndrome Schwab»?

La Suisse, comme lui, est très sûre d’elle. Une qualité, mais lorsqu’elle s’affirme au point d’exclure le doute, le danger guette. Nous considérons les secousses du temps présent avec lucidité, certes, mais avec la conviction que nous nous en tirerons mieux que les autres. Nos mérites politiques, économiques – bien réels! – nous mettront à l’abri du pire, pense-t-on. 

Pas si sûr. Voyons froidement le tableau. L’économie encore bien portante y voit plusieurs ombres. La politique américaine vise à attirer les investissements par milliards, pas seulement du côté des pharmas. Depuis des années, l’épargne helvétique file en masse vers les Etats-Unis, surtout pour financer ce ménage-là à travers les bons du Trésor. Depuis belle lurette les banques suisses sont sous l’œil punitif de l’autorité américaine. Qui peut voir un effet réjouissant de cette servitude? La leçon? A force de miser sur le dollar, «la Banque nationale ne doit son salut qu’à l’or», titre l’Agefi. Dommage qu’en 2000 elle ait vendu la moitié de ce trésor. Notamment sur le conseil du professeur lausannois von Ungern-Sternberg. En voyant le prix de l’once à l’époque et celui d’aujourd’hui, multiplié par dix, on peut estimer ce qui a échappé au bilan actuel de la BNS: 130 milliards de francs!

Technologies, agriculture, défense: quel diagnostic en tirer?

La Chine nous submerge – et le fera de plus en plus en raison de la tension avec les USA – de produits aux prix dérisoires, vendus même à perte. Les commerçants de détail en savent quelque chose. Plus grave encore: sa montée en gamme dans les segments les plus sophistiqués constitue une concurrence accrue pour nos propres perles technologiques. Nos performances à cet égard sont indubitables, enviées par beaucoup. Mais pas dans tous les domaines. L’horlogerie suisse a raté le virage vers la montre connectée, pourtant si appréciée par les jeunes générations. Reste le rayon luxe. Mais la mythologie du bracelet qui donne l’heure est-il éternel? 

Les paysans suisses, c’est heureux, sont massivement soutenus par paiements directs et régulation des importations, variables selon les saisons et les besoins, ce qui est fort rare ailleurs. Jusqu’à quand cela restera-t-il possible? Les négociateurs américains mettent déjà le sujet au menu. L’UE, jusque là très compréhensive à cet égard, pourrait un jour s’en aviser lors des pourparlers bilatéraux.

Autre paradigme où, comme Schwab, nous tardons à voir tourner la roue du temps: l’armement. Les guerres actuelles démontrent que des armes nouvelles jouent un rôle plus déterminant que les vieux blindés et les avions: les drones de combat. Nous n’en produisons aucun. Nous n’avons aucun système de défense pour nous en défendre. Nos militaires regardent vers le passé et réclament toujours plus de milliards pour rester dans la tradition. De surcroît sans grandes retombées bénéfiques pour notre économie. Depuis peu, juste des miettes pour se mettre à jour. Dépenses stériles au moment où le Conseil fédéral coupe dans les budgets de la formation et de la recherche.

Le passéisme et l’excessive confiance en soi rassurent sur le moment, peu sur l’avenir. N’est-ce pas, Monsieur Schwab?

Pessimisme exagéré?

Peut-être. Il est vrai que notre société a mille atouts pour faire face aux périls. La créativité, le goût du labeur, des institutions qui permettent les rebonds – à la différence de certains voisins… –, une cohésion sociale qui tient bon malgré les déficiences. Oui, il y a bien là un génie helvétique! Mais à trop s’en gargariser, on risque de tousser.

Notre belle assurance, nourrie de l’histoire et du présent, ne dispense pas de se pencher sur nos points faibles, de réagir avec anticipation et imagination. Beaucoup le font, on les en félicite cas par cas. Mais en embrassant tous les soucis d’un regard large, il y a de quoi froncer les sourcils. Tout individu peut se sentir en pleine forme, courir sans s’essouffler, et mijoter en même temps une vilaine maladie qui reste longtemps discrète. Prévention! Hygiène de vie! Diagnostic précoce! clament les médecins. Merci, on a compris.

Alors au moins un exercice peut être salutaire: l’équilibrisme. Entre ce qui alarme et ce qui fait espérer. 

 

VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

1 Commentaire

@von 03.05.2025 | 19h15

«Je ne dirais pas que le Suisse est sûr de lui, c'est plutôt le contraire. Nous avons le complexe du petit: faire mieux que les autres et donner l'exemple. C'est ce que nous ont appris nos parents.

Notre pays est maintenant en grande mutation. Il est submergé par des forces nouvelles venues d'ailleurs qui viennent "prendre" plutôt que "donner". Les qualités traditionnelles attribuées au Suisse existent-elles toujours? Amour du travail bien fait, ponctualité, politesse, propreté, yodel ? Globalement, je n'en suis pas sûr.

Notre Parlement est noyauté par des groupes de pression, certains y ont la majorité absolue. De ce fait, l'intérêt du pays n'est pas toujours bien défendu, ce sont souvent les intérêts particuliers qui dominent.

Notre Conseil Fédéral ne donne pas une image rassurante de notre pays. Il semble influençable et tétanisé par la peur de faire une boulette. On se demande à quels pouvoirs il obéit. On l'a bien vu avec le CS, l'UNRWA, et maintenant avec les Américains et leurs petits copains. On dirait qu'on leur achète pour leur faire plaisir. Et le CF semble prêt à vendre l'indépendance du pays à l'UE pour plaire à l'économie...

Finalement, à qui appartient la Suisse?

Lorsqu'on examine l'actionnariat des grandes entreprises, on n'y voit presque plus que d'énormes fonds de placement étrangers. On comprend mieux maintenant, la menace d'Ermotti de faire quitter la Suisse à l'UBS. Les patrons à qui il doit sa place sont partout sauf en Suisse. L'UBS n'obéit plus qu'aux lois du capitalisme pur et dur. Tant qu'elle sera sûre que le pays la renflouera lorsqu'elle risquera de partir en faillite, elle restera. Sinon elle partira vers le plus offrant.

La mondialisation a sucé nos forces vives. Le patriotisme économique n'existe presque plus, ne restent que les petites entreprises familiales, dont entre autres les paysans et les artisans. Les petits donc, qui hélas ne font pas le poids face aux GAFAM et aux multinationales.

Reste donc la dernière question: si nous devions défendre la Suisse en cas d'agression, qui le ferait? Les jeunes se feraient-ils tuer sur place pour défendre leur pays, comme ceux de Gaza ?

Alors oui, j'exagère. Je suis sûr qu'il reste une majorité de citoyens qui aime leur pays et qui le défendraient s'ils le devaient. Il reste des parlementaires intègres, et les membres de nos élites ne sont pas tous des lavettes.

Reste que la Suisse est un tout petit pays qui, quoi qu'il fasse, se fera ratiboiser par n'importe-quel agresseur s'il se défend avec les mêmes armes que lui. La Suisse doit innover, se démarquer des autres, par exemple en conservant la neutralité qui lui a si bien réussi dans le passé. Et exceller dans des industries de niche locales, les drones ou l'informatique par exemple.

"Ce ne sont pas les forts qui gagnent, ce sont ceux qui s'adaptent". Et ça, s'adapter, le petit Suisse aux bras noueux sait le faire. Son histoire l'a inscrit dans ses gênes.

En conclusion, pas besoin de dépenser des fortunes pour s'armer, cela ne servirait à rien. Mais inculquer à tous les jeunes qui habitent ce pays de ne pas avoir peur, de s'adapter sans complexe aux menaces et de garder la volonté de défendre leur magnifique cadre de vie. Car, oui, il est exceptionnel ce pays, c'est le nôtre et il mérite qu'on le défende !
»


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