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Chronique

Chronique / L’homme nouveau s’appelle Lolito


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La plume qui caresse ou qui pique sans tabou, c’est celle d’Isabelle Falconnier, qui s’intéresse à tout ce qui vous intéresse. La vie, l’amour, la mort, les people, le menu de ce soir.



Ce n’est que justice, que direz-vous. Les pages spéciales mode d’hiver «hommes» se multiplient dans les magazines et les catalogues des magasins de vêtements. Et my goodness, que ces «hommes» sont jeunes! Pâles, efflanqués, languissants, on craint de les voir s’envoler dans le vent d’automne et on n’a qu’une envie, les envoyer dévorer un steak à la brasserie du coin. Pire: en les reluquant, toutes les femelles au-dessus de 18 ans se sentent déjà prises en flagrant délit de voyeurisme cougar.

Il arrive donc aux hommes ce qui est arrivé aux femmes: les créatures sur les podiums, sur les affiches dans la rue, et sur les publicités pour des parfums ou des glaces, se sont mises à rajeunir, s’allonger, maigrir, créant à la fois un décalage absolu entre les filles sur papier glacé et leurs supposées alter egos dans la réalité, et une terrible dictature de l’apparence qui pousse désormais les filles réelles à tenter, en vain évidemment, de ressembler à ces créatures dites «modèles». Bientôt, les hommes sur les podiums et sur papier glacé n’auront plus rien à voir avec les hommes que nous côtoyons, avec qui nous vivons, nous faisons des enfants, et l’amour aussi. Bientôt, nous constaterons que tout comme aucune femme adulte ne peut enfiler les vêtements d'un créateur, aucun homme ne pourra enfiler ces mêmes vêtements.

C’est une bonne nouvelle, a priori. La confirmation qu’il y a une justice en ce monde et que les consultations pour troubles du comportements alimentaires – anorexie, boulimie, etc. – seront bientôt remplies autant de garçons que de filles. Peut-être même qu’à force de faire rajeunir les hommes sur papier glacé, on finira par confronter aux photographes et couturiers les mêmes accusations de quasi pédophilie qu’au début des années 2010, lorsque Vogue avait fait poser la jeune Thylane Blondeau, 10 ans, ultra maquillée, talons aiguilles et robe moulante fendue jusqu’au nombril, ou que Tom Ford s’était vu interdire une pub pour son parfum exhibant Dakota Fanning, alors adolescente, un flacon de parfum entre les jambes. Lequel Tom Ford avait aggravé son cas en déclarant: «Je ne suis pas du tout pédophile. Mais la jeunesse a une certaine pureté.»

Mais tout ceci n’arrange les affaires de personne.

Après avoir empoisonné, traumatisé, fait perdre leur confiance en elles et rendues malades des générations de jeunes filles, nous allons traumatiser et rendre malades des générations de jeunes hommes qui tenteront de ressembler en vain à un idéal de beauté destructeur car inatteignable. Est-ce ce que nous voulons laisser faire?

Certes, les vêtements tombent mieux sur des gringalets prépubères, et les créateurs font des économies de tissus en utilisant des prototypes de tailles 30 et 32 alors que la moyenne des tailles achetées tournent autour du 38-40, mais... où sont les hommes? Non pas les «vrais» hommes, ce qui ne veut rien dire, mais les hommes normaux, quotidiens, familiers, en chair et en os? Je ne connais aucune femme qui ait envie de fantasmer sur un garçon qui ressemble à son petit frère ou son fils, ou qui veuille déguiser son mari en toyboy prépubère. Pire: ces créatures pâles et éthérées me font mourir d’ennui et jeter mes chers magazines au feu.

It’s time for a Revolution.

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