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Actuel / Pour Christine Angot


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La plume qui caresse ou qui pique sans tabou, c’est celle d’Isabelle Falconnier, qui s’intéresse à tout ce qui vous intéresse. La vie, l’amour, la mort, les people, le menu de ce soir.



Au début de l’histoire, nous avions deux victimes d’agressions sexuelles sur le même plateau de télévision. Au milieu de l’histoire, nous avons l’une des deux femmes qui s’énerve, engueule et fait pleurer l’autre. Désormais, c’est la méchante Christine Angot contre la gentille Sandrine Rousseau. Une pétition lancée par l'écrivaine Valentine Goby sur Change.org exige qu’ONPC fasse des excuses publiques à Sandrine Rousseau après ce qu’elle appelle «une séance de mise à mort», Marlène Schiappa, la secrétaire d'Etat chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, vient d'adresser un signalement au CSA et Léa Salamé évoque carrément une «chasse à l’homme».

Puisqu’il faut choisir son camp, je suis dans celui de Christine Angot. D’abord, parce qu’un invité de ONPC connait les règles du jeu, sait les risques qu’il prend, et qu’il n’y a aucune raison de prendre plus de gants avec l’auteure, par ailleurs porte-parole puis secrétaire nationale adjointe du parti Europe Écologie Les Verts, d’un livre portant sur la place publique une affaire d’agression sexuelle dans le monde politique qu’avec un homme ou une femme politique tout court ou un chanteur venu défendre son nouvel album.

Cynisme et brio

Ensuite, parce toutes les raisons qui m’ont toujours fait admirer Christine Angot, et trouver aberrante le décision de Ruquier de l’engager comme chroniqueuse d’une émission de télévision à la mode, se sont trouvées confirmées. Christine Angot, l’écrivaine taiseuse et cérébrale, n’est pas une femme de télévision. Elle est une piètre chroniqueuse, tant elle n’est pas une femme de l’oralité, de la théâtralité, de la mise en scène, tant elle ne joue pas le jeu de la télévision. Par contre, elle a été elle-même, absolument, tuant pour de bon la chroniqueuse pour laisser apparaître l’écrivaine incapable, Dieu merci, de compromis, et surtout la gamine violée par son beau-père pendant des années. En se comportant sur ce plateau de télé non pas comme une pro sachant ses nerfs garder, se contentant de commenter avec cynisme et brio, oubliant que tout cela n’est qu’un job et qu’on n’est pas sensé y jouer sa vie, elle a flingué sa carrière de chroniqueuse mais gagné en crédibilité sur tous les autres plans.

Enfin, sur le fond: Dieu qu’elle a raison, Angot! Dieu que cette dictature du «dire», du Parler, titre du livre que publie Sandrine Rousseau, est insupportable. Dieu que ce fantasme que le collectif, que le groupe, que le grégaire et le rassemblement, règle tout, est aberrant! Dieu que cette manière, encore et toujours, de victimiser les femmes ayant vécu une agression, est délétère, enfermant et contreproductif! Dieu que cette injonction à dénoncer les agresseurs, les violeurs, sous peine d’être soi-même coupable de ce qui arrivera peut-être à d’autres femmes, est tyrannique et moralisateur!

Angot a raison, hélas

Angot a eu la haine. Elle a ses raisons: Sandrine Rousseau, tout comme les autres femmes ayant porté plainte contre Denis Baupin, a reçu des sms salaces, des sextos, et a été tripotée. C’est tout. C’est drôlement moins grave que d’avoir été violée avec pénétrations et sodomies par son beau-père pendant deux ans quand on est ado. Et surtout, Angot, lorsqu’elle a commencé à en parler, après en avoir fait une œuvre littéraire dans L’Inceste en 1999, s’est faite moquer, humilier, et non pas accueillir avec une déférence hautement compassionnelle chez Laurent Ruquier.

Sandrine Rousseau est politiquement correcte, aujourd’hui. Angot, non. Angot met le feu à la maison. Les deux «se débrouillent», pour reprendre cette fois l’expression de l'écrivaine. Mais face à l’œil impitoyable de la caméra, face à leurs cauchemars la nuit, face à leurs larmes, elles sont seules. Angot a raison, hélas.

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