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Média indocile – nouvelle formule

A vif


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Il arrive qu’un spectacle suscite des songeries qui traînent longtemps dans nos têtes. L’autre soir au théâtre de l’Arsenic à Lausanne, la chorégraphe Nicole Seiler s’amusait – elle en parlait avec légèreté à la radio – à mener le bal à l’aide de l’intelligence artificielle.



Triste bal en vérité, le mot n’est pas le bon. Dans la grande salle noire, un carré éclairé sur le sol, une table avec trois personnes le nez sur des ordinateurs. Et non pas un danseur et une danseuse mais deux «interprètes» comme il est dit. On comprend pourquoi après. Une voix électronique, atone, accueille le public, demande d’éteindre les téléphones pour éviter les interférences. Elle ne se taira pas pendant 60 minutes. Elle ordonne aux deux artistes d’entrer en scène et ne cessera de leur indiquer chaque geste, chaque pas. Leurs corps se trouvent transformés en choses dociles. Bannissant toute émotion. Lorsque la voix leur demande d’entremêler un bref moment leurs membres, ils arrivent à le faire sans la moindre sensualité. L’exercice est poussé jusqu’à la caricature. L’ordre tombe de sourire au public «comme dans une publicité». Il en résulte un rictus figé. Puis il leur est intimé de trembler. Et les silhouettes tremblent. Sans évoquer la peur, le désir ou la folie. La platitude de l’expression doit être poussée à son comble. Tout cela sur un fond sonore de bruits divers. Surtout pas de musique. Le mot est banni, sans doute parce qu’il évoque les muses.

Cette étrange exhibition télécommandée par l’intelligence artificielle via Bluetooth se veut-elle une satire de l’époque? Peut-être. Elle fait froid dans le dos. Serions-nous aussi aux ordres de quelques machines, sans forcément nous en rendre compte? Ce n’est pas une voix, mais mille aux mêmes propos qui nous exhortent sans cesse à obéir. Sur la manière de nous déplacer, de manger, de contenir nos discours, de trier les mots, de réagir à la chaleur et à la froidure. Sur ce qu’il faut dire à propos des tumultes du monde.

On y repense aussi en voyant la campagne d’affiches de Galaxus. Des bustes humains où la tête est remplacée par un objet de consommation courante, avec en prime un vague slogan sur la santé ou sur l’Europe, ou sur quelque lieu commun du moment. Bel exemple de chosification. Définition philosophique du terme: «fait de rendre semblable aux choses; de réduire l'homme à l'état d'objet.»

Merci à Nicole Seiler et à l’Arsenic pour ce spectacle. Sur le moment il suscite un ennui intense, propre à la gamberge intérieure. Et après coup, il nous interroge sur la société des marionnettes pâles et sages à laquelle nous sommes invités.

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