Lu ailleurs / Pour ne plus sentir l’odeur du poisson, des Indiens l'achètent en ligne
Traditionnellement, les Indiens achètent leur nourriture dans les marchés, qui sont également des lieux de lien social. Des start-up se lancent dans le commerce en ligne de viande et de poisson. C’est plus hygiénique, plus rapide et meilleur pour la santé, argumentent-elles dans «The Times of India».
Pour les touristes, les marchés indiens sont «si authentiques» mais un peu effrayants. Des milliers de personnes s’y croisent, s’y bousculent, marchandent. Un peu effrayants mais également puants et dégoûtants dans les parties réservées aux bouchers et aux poissonniers, où l’on salit ses Birkenstock dans le sang des moutons et les entrailles des poissons, assailli par les mouches.
Au-delà des clichés et des émois touristiques, les marchés indiens ont, depuis des siècles, une fonction sociale. Non seulement on y achète des marchandises, mais en plus on prend des nouvelles des uns et des autres, on se transmet des informations.
Si la société indienne a longtemps préservé ses rites et ses modes de consommation, depuis quelques années elle succombe aux sirènes de la globalisation à l’occidentale. C’est ainsi que des supermarchés sont apparus, aseptisés et avec des prix affichés. Et qu'aujourd'hui des start-up se lancent dans la vente en ligne de viande et de produits de la mer.
«Propre et déjà découpé»
Elles s’adressent à la classe moyenne (moins d’un quart de la population), celle qui s’occidentalise avec le plus d’enthousiasme. «Mon père et mes oncles aiment aller au marché aux poissons, marchander dans l’odeur des étals. Moi, celui que j’achète en ligne m’arrive rapidement, propre et déjà découpé», témoigne Rumman Ahmed, 36 ans, rédacteur pour une société pharmaceutique de Bengalore, dans The Times of India. En contrepartie, il est d’accord de payer son poisson 60 à 70 roupies de plus par kilo (environ un franc suisse; le salaire moyen indien est d’environ 125 francs, ndlr).
Shan Kadavil, le PDG de Freshtohome - créée en 2015 et active à Bengalore, Mysore, Delhi et au Kerala, argumente, lui: «Dans un marché aux poissons normal, les produits sont présentés aux consommateurs au moins trois à quatre jours après avoir été pêchés. Les vendeurs gardent le poisson à l'extérieur pendant longtemps et ajoutent des produits chimiques comme de l'ammoniac et du formol pour lui conserver une apparence de fraîcheur».
Pour achalander les clients, les commerçants en ligne offrent de plus des produits déjà découpés en fonction des recettes traditionnelles (curry, biryani) et donnent la possibilité de n’acheter que certaines parties des animaux (ailes ou cuisses de poulet par exemple).
Bye bye les traditions exotiques?
Vu d’ici, voilà qui va rompre le charme des voyages organisés en Inde, les touristes occidentaux ayant tendance à préférer que les «autres» conservent les traditions exotiques qu’eux-mêmes ont abandonnées depuis longtemps. Vu de là-bas, cela va modifier l’organisation sociale et enrichir les investisseurs. Mais l’Inde est un grand pays, avec 1,3 milliard d’habitants, dont un tiers seulement vit en ville. Il faudra encore longtemps avant que le dernier marché paysan du Bihar (un des Etats le plus pauvre du sous-continent) ait disparu au profit du commerce en ligne.
«Ces start-up ne peuvent pas nourrir les attentes de tout le monde», conclut lucidement The Times of India.
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