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Média indocile – nouvelle formule

Culture

Culture / Le réel est un mouvement qui ne s’achève pas


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«Et il n’est plus de place alors pour la peur», Joël Person, textes de Philippe Garnier, Callisto Mc Nulty et Frédéric Pajak, Les Cahiers Dessinés, 192 pages.



Celui ou celle qui regarde un dessin – ou toute autre expression non-marchande – aurait avantage à se demander ce qu’il se passe physiquement avant de se réfugier dans l’intellect. Les dessins de Joël Person font monter les larmes aux yeux. Ce n’est pas qu’ils sont particulièrement tragiques ou tristes mais plutôt qu’ils expriment la réalité. Laquelle ne doit pas être confondue avec le réalisme qui est une technique, voire un style. Or les dessins de Person, s’ils sont réalistes, sont avant tout réels: ils sont le fruit d’une vision. Au tout début du livre, le diptyque Le peintre et son modèle, une œuvre de 1982, donne un éclairage: la modèle est habillée et le peintre nu. C’est ainsi que Joël Person regarde le monde: nu. Ce qui fait de lui un voyant. Ce réel que voit, et nous donne à voir, Joël Person n’est pas celui des commentateurs moralisants qui s’agitent dans les médias. Il y a des portraits, des chevaux, des scènes d’abattoir, des manifestations de Gilets jaunes, des migrants, des orchestres… Pas la spectacularisation de tout ça, juste le réel. Dans le texte d’introduction, Philippe Garnier évoque l’«art de participation» que le critique Georges Duthuit (1891-1973) opposait à l’art de représentation. Les dessins de Joël Person participent au monde. Notamment parce qu’ils donnent souvent l’impression d’être inachevés; le réel est un mouvement qui ne s’achève pas, c’est le propos révolutionnaire de l’œuvre de Person, ce qui justement fait monter les larmes aux yeux, et ce n'est pas de la tristesse.

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