Culture / Un comédien romand pas comme les autres
Pour faire rire, il faut être profondément humaniste. La sensibilité, l’écoute, l’observation de son entourage, la bienveillance et l’esprit critique sont des atouts nécessaires pour pouvoir railler la vie et la société sans que ce soit blessant. Cette rencontre du jeudi matin sur une terrasse lausannoise prouve qu’il y a ici, «chez nous», des vrais comédiens sans chichi, sans censure et si terriblement humanistes, donc maîtres de leur art. Nous avons rencontré l'un d'eux, Mirko Rochat.
Parmi les comédiens romands, Mirko Rochat fait partie de ceux qui sont ouverts à tous les sujets. Très intéressé et encore plus investi à comprendre ce qui l’entoure, il garde son esprit critique en éveil.
Durant la crise du Covid, beaucoup ont constaté que le monde de l’art, qui aime pourtant la liberté sous toutes ses formes, était plutôt muet ou gêné, voire relayait les directives du gouvernement. Est-ce là son rôle? Chacun en décidera. Lorsqu'il s'agissait de trier ou de refuser des spectateurs, il n'en était pas question pour Mirko, c'était inacceptable. Cela ne correspondait pas à l'idée qu'il se faisait de son art et du partage. Le fait d'être ensemble. Il a donc pris la décision d'annuler ses propres spectacles. «Tout et tous ou rien!», disait-il.
Une décision qui a fait des vagues – sans mauvais jeu de mots –, et qui lui a valu des critiques. Est-ce condamnable de tenir à sa liberté de choix et d’opinion? Il en a souffert. Et si c’était à refaire? Il le referait. C’était viscéral, ancré, évident! Hors de question de se trahir.
Aujourd’hui il espère que les esprits s’apaisent, se retrouvent et se comprennent. Même dans la divergence. Chacun aura fait des choix. Mirko Rochat a assumé les siens.
Etait-il prédestiné à devenir comédien? Oui et non. Clown de classe dans sa petite école d'Apples (VD), il a toujours aimé la plaisanterie, le dérisoire. Faire rire était sa spécialité, son large sourire sa marque. Mais quand il fallut choisir un métier, il s'orienta vers le CFC d’horticulteur. Le rêve de devenir comédien n’était qu’une très, très lointaine contemplation. Durant 15 ans il a accueilli des clients dans sa boutique. Et c’est ainsi tout un monde qui est venu à lui: la dame âgée délaissée, le jeune homme babacool, des couples ennuyeux et des couples carriériste, les gays, les introvertis, les hystériques, les tatoués, les alcooliques, la mélancolique, le body-builder, la bande des filles teenager déchainée et cette équipe de gars bricoleurs et buveurs de bière. Notre société dans toute sa diversité, dans toute sa splendeur, un univers qui montre qu’il faut de tout pour le faire.
Jean-Luc Barbezat le repère dans des «Comedy clubs» où il fait ses premiers pas. En 2012, il lui offre la première partie et une place dans le Gala suisse du Montreux Comedy. Deux ans plus tard, Mirko se lance. Sur scène, il fait vivre des personnages. Il les invente, bâtit un contexte autour d'eux et les fait parler. La scène elle-même est sobre, il n’y a pas de décor envahissant. Il aime construire ses personnages avec les mimiques, les gestes, la voix. D’ailleurs, il possède ce talent mystérieux de faire parler son visage avec une palette d'expressions les plus improbables. Un vrai bonheur.
Entièrement autodidacte, il n’a pas suivi un seul cursus dans une quelconque école liée à l’art de la comédie. C’est peut-être là la raison de cette capacité à inventer et à créer des univers insolites et marrants avec une approche non-formatée, humaniste sans jamais blesser quiconque. En le voyant sur scène, on ne peut que soupçonner le travail derrière une heure et demie de spectacle.
Mirko Rochat sort son premier spectacle «Supermâle» en 2017. Le public est séduit. Fin 2019, il lance le deuxième, «En Toute Discrétion», mis en scène par Antonia de Rendinger. Puis la crise du Covid l'arrête net.
Maintenant que le passe sanitaire est une «vieille histoire fumante», depuis quelques mois, Mirko remonte sur scène avec ce spectacle. Et se retrouve face au problème que rencontre un comédien romand autodidacte et campé sur ses positions: la production. En Romandie, le monde du spectacle est petit. Faire la différence en tant qu’étranger au métier est un vrai défi. Mirko est un des rares qui utilise les réseaux sociaux dans sa stratégie de communication: Facebook, Instagram, Telegram, rien ne lui fait peur. Même pas les humains qui s’y trouvent, au contraire.
N’hésitez pas à faire un tour sur ses réseaux, sur son site internet et mieux encore, allez voir son spectacle pour juger si oui ou non cet article dit vrai: un comédien romand pas comme les autres, bourré de talents, profondément humaniste et surtout terriblement drôle.
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