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Culture / Déesses profanées

Jacques Pilet

3 juin 2022

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«Déesses profanées», Shemsi Makolli, Editions de l’Aire, 64 pages.



C’est le titre d’un ouvrage qui émerge de la littérature romande avec une force insoupçonnée. Shemsi Makolli est né près de Pristina, au Kosovo. Lors de la guerre avec la Serbie, il s’enfuit, en 1990, en Suisse romande. Et passe de ses études de microtechnique… à la poésie. Dans sa langue, puis en français. Avec l’aide de sa compagne, Liliane Perrin, de son grand ami Bertil Galland qui signe la préface et de son éditeur, Michel Moret de L’Aire. C’est son troisième recueil. Qui ne conte pas fleurettes, évite les états d’âme à la mode, mais plonge dans une tragédie de l’époque, restée singulièrement actuelle par les temps de guerre qui courent à nouveau en Ukraine: les viols de guerre. Au Kosovo environ vingt mille femmes, le plus souvent très jeunes, ont subi cette déchirure indicible. A noter que nombre de Kosovars s’en sont aussi rendus coupables. Mais Galland le précise: Shemsi Makolli n’est ni historien ni dénonciateur. Il est poète. Persuadé que mieux valent les mots suspendus entre la réalité et l’imaginaire, entre le souvenir et l’oubli, entre les douleurs enfouies et les sentiments de culpabilité des témoins impuissants, proches ou éloignés. Il donne corps à cette conviction avec pudeur et crudité dans des pages que l’on parcourt une fois, que l’on reprend ensuite et qui ne nous quittent plus. 

«Comment le ciel

Peut-il supporter ces scène d’apocalypse

Toutes ces filles

La plupart encore adolescentes

Mains ligotées et jambes écartées

Avec les traces du passage sauvage

L’amusement de soldats déchaînés…

Devant vos souffrances

Le ciel n’a-t-il pas douté de lui-même?

Et moi devant mon cercueil vide

Je me demande combien pèse ma liberté

Et quel chemin je vais parcourir

Pour comprendre une infime part de ta douleur.»

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