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Actuel / La loi sur la transparence n’enchante pas tout le monde

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17 septembre 2020

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La loi sur la transparence concrétise la liberté d’information constitutionnelle, mais son application connaît certaines résistances.




Jean-Daniel Delley, Domaine Public


Avant, c’était lorsque les administrations pouvaient se prévaloir du secret pour refuser de manière discrétionnaire de communiquer sur leurs activités. Après débute par la reconnaissance légale du principe de la transparence, à savoir le droit de chacune et chacun d’accéder à tous les documents détenus par les services et les autorités, sauf exceptions dûment spécifiées par la loi.

La Suisse a mis du temps à se rallier à cette exigence de transparence qui pourtant ne fait que concrétiser la liberté d’information garantie par la Constitution fédérale (art.16 al.3). La Suède connaît ce droit d’accès depuis plus de deux cents ans. Et lorsque la Confédération se dote d’une législation en la matière en 2006, trois cantons (Berne, Soleure et Genève) l’ont déjà précédée. 

Il faut dire que le développement de l’internet et la numérisation des documents a accéléré ce mouvement qui vise à la fois à renforcer les droits démocratiques – la participation implique des citoyennes et des citoyens informés – et le contrôle des activités de l’État et des institutions publiques.

Mais cette véritable révolution de la culture administrative ne s’est pas réalisée du jour au lendemain. Une évaluation publiée en 2009 note ainsi que sept ans après l’entrée en vigueur de la loi cantonale sur l’information du public et l’accès aux documents, Genève ne dispose toujours pas d’une liste des institutions concernées par ce texte ni de systèmes de classements donnant aux personnes potentiellement requérantes une vision d’ensemble des documents détenus par ses administrations. 

D’une part, la loi reste encore peu connue de ces dernières et du public. D’autre part, la mention d’un droit d’accès manque trop souvent sur les sites officiels.

Lutte associative

Si aujourd’hui le principe de transparence est garanti par la loi aussi bien au niveau fédéral que dans les cantons, sa mise en œuvre se heurte parfois à la résistance des autorités publiques. L’association Loitransparence.ch, animée par des journalistes aussi bien alémaniques que romands, s’est précisément donné pour tâche de faciliter l’application de ce principe. 

Elle tient un registre de toutes les législations et réglementations en vigueur en Suisse et conseille les gens des médias sur les procédures à suivre. Elle répertorie également les principales affaires rendues publiques grâce à l’une ou l’autre loi sur la transparence, ainsi que la jurisprudence qui, en dernière instance, a permis l’accès à l’information.

Ainsi l’hebdomadaire Wochenzeitung a pu recevoir et publier les noms des quelque 150 entreprises helvétiques exportatrices de matériel de guerre, les types de biens et leurs destinataires. Mais ses journalistes ont dû lutter cinq années durant pour obtenir gain de cause: le Tribunal administratif fédéral a désavoué le Secrétariat à l’économie qui refusait l’accès à ces données sous prétexte de préserver le secret des affaires. 

De même Blick a révélé le taux de pollution par commune des nappes phréatiques, une information que la presque totalité des cantons préférait garder secrète. Ou encore la gravité de la pollution au mercure provoquée par l’entreprise Lonza en Valais: un consortium d’enquêteurs a mis la main sur l’historique de cette pollution montrant clairement que l’inaction des autorités, pourtant au courant, n’a fait qu’aggraver le problème.

Pharmas au-dessus de la loi?

Mais parfois la transparence peut rendre difficile l’action politique. Ainsi grâce aux données obtenues sur la base de la loi, des journalistes de la télévision suisse alémanique ont révélé le douteux compromis entre le Département fédéral de l’intérieur et Roche à propos de la fixation du prix d’un médicament anticancéreux. 

L’entreprise pharmaceutique exige un prix officiel élevé, une référence lui permettant de vendre plus cher à l’étranger. Mais elle accorde simultanément un substantiel rabais pour le remboursement par les assurances suisses. Le système ne fonctionne que si règne la confidentialité: aucun État n’accepterait de prendre comme référence un prix fictif et surfait. 

C’est pourquoi l’administration fédérale propose (Rapport explicatif, p.36 et suivantes) d’exclure de l’obligation d’informer les données relatives à la fixation du prix des médicaments. Cette proposition, on s’en doute, fâche Loitransparence.ch.  Mais dans l’actuel rapport des forces politiques, les intérêts des pharmas jouissent d’une protection assurée face à laquelle le principe de la transparence ne pèse guère.


Un article paru dans «Domaine Public» N° 2297, le 11 septembre 2020

VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

2 Commentaires

@LEFV024 26.09.2020 | 19h19

«Pourquoi protège-t-on les pharmas ?»


@Logonaute 02.10.2020 | 08h21

«Les pharmas ont un comportement de type mafieux, comme plusieurs ouvrages l'ont très bien décrit ces 20 dernières années. Les amendes qu'elles doivent épisodiquement payer, notamment aux États-Unis (près de 2 milliards rien que cette année pour Roche et Novartis) constituent des peanuts comparativement aux intérêts en jeu. L'État suisse coopère volontiers avec ce système, comme on l'a notamment vu durant la crise sanitaire et ce qu'il faudra bien appeler un jour "le scandale de l'hydroxichloroquine“. On a officiellement empêché les médecins d'en prescrire, pour ensuite voir l'autorisation par Swissmedic du Remdesivir, un traitement de Gilead dangereux, cher et, surtout, inutile. Le préposé fédéral à la protection des données et à la transparence s'en est publiquement offusqué au mois de juin, expliquant connaître des problèmes avec 2 offices fédéraux : l'administration des douanes et l'OFSP. Il me semble que des journalistes d'investigation pourraient s'y intéresser de plus près.»


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