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Culture

Culture / Joseph Boyden, l’écriture combative

Noémie Desarzens

2 juillet 2017

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Samedi, jour de la commémoration du 150e anniversaire du Canada, Joseph Boyden, pointure littéraire nord-américaine, dédicaçait à Oron son dernier roman, «Wenjack», l’histoire dramatique d’un jeune garçon amérindien. Rencontre.




Le rendez-vous avec Joseph Boyden est donné dans l’arrière-boutique de la librairie du Midi à Oron. L’homme a le visage hâlé, la voix chantante et chaleureuse: «J’espère que l’histoire de Chanie Wenjack traversera les frontières, afin qu’on ne l’oublie pas, dit Joseph Boyden en pesant ses mots. Ce n’est pas pour culpabiliser les gens, mais plutôt pour que cette facette dramatique de l’histoire des autochtones soit reconnue. Et que ceux-ci puissent alors se projeter dans l’avenir avec sérénité.»

Plus de 150 000 enfants enlevés

Enfant de la tribu ojibwé, Chanie Wenjack a été arraché à sa famille en 1964 pour être placé dans un pensionnat. Il s’en échappe deux ans plus tard et tente de retrouver les siens. Il n’arrivera jamais à destination. Il avait 12 ans.

Cette histoire met en lumière un pan sombre de l’histoire canadienne: entre les années 1880 et 1996, plus de 150 000 enfants amérindiens sont enlevés à leur famille et envoyés dans des pensionnats. Le but: les assimiler à la culture canadienne «blanche». D’après les chiffres du gouvernement, 6000 enfants seraient morts dans l’opération, suite à des maladies, des abus ou en s’échappant. «Ce chiffre ne reflète pas la réalité. C’est environ 30000 enfants qui ont trouvé la mort à cause de ces pensionnats», souligne douloureusement le Canadien Joseph Boyden. Si on lui a reproché de s’ériger comme porte-parole de la cause autochtone, l’écrivain, qui a bien des ascendances amérindiennes, continue à s’investir dans différentes communautés indigènes. Pour dire. Faire connaître. Et avancer.

Auteur de nombre de biographies historiques et articles journalistiques,  Boyden observe désormais un mouvement actif et positif: désormais, les jeunes sont de plus en plus nombreux à revendiquer leurs attaches traditionnelles. Mais comment dépasser le clivage entre séparatisme tribal et idéologie occidentale? «Pour moi, la seule réconciliation possible doit se faire par le dialogue et l’écoute mutuelle», souligne-t-il.

«Oui, tu es des nôtres»

Joseph Boyden est témoin d’honneur de la Commission Vérité et Réconciliation au Canada, une organisation qui collecte notamment les histoires de ces enfants enlevés. Pour l’écriture de son dernier livre, il aprocédé avec beaucoup de délicatesse. «Chanie avait une famille. Je suis allé rencontrer deux de ses sœurs, Pearl et Daisy, afin de leur soumettre mon projet littéraire. J’avais besoin de leur permission pour réaliser ce roman.» L’auteur a pris le temps pour leur expliquer son projet puis il leur a soumis un premier écrit afin d’avoir leur avis. «Elles m’ont dit: "Nous savons que tu es amérindien, car seul un natif aurait pu raconter une histoire comme celle-ci".» Ces mots ont été comme un baume apaisant pour l’auteur, qui s’est retrouvé en début d’année dans une violente polémique liée à ses origines autochtones.

Joseph Boyden, écrivain militant? Il n’a cure des étiquettes. Indique vouloir tourner le dos à celles et ceux qui mettent en doute ses racines, et se focaliser sur ce qui l’habite: agir pour une minorité dont les droits et la dignité sont encore bafoués. 


Commémoration du 150e anniversaire du Canada

Les Amérindiens protestent

La définition de l’identité amérindienne contemporaine est une question complexe. «Au Canada, l’identité indigène est souvent déterminée par le pourcentage sanguin, explique Joseph Boyden. Mais ce critère est à la fois terrifiant et hautement problématique, car il n’est pas facile de prouver l’ascendance indienne. Même mes opposants les plus virulents n’utilisent d’ailleurs plus ce critère.» C’est désormais l’adoption culturelle d’un individu de la part des différentes tribus qui prévaut dans la définition identitaire, indique-t-il. Si les Amérindiens sont ainsi en conflit parfois entre eux, ils ont fait preuve ce même jour d’une belle homogénéité: samedi 1er juillet, journée du 150e anniversaire du Canada, a en effet fâché les Premières Nations. Ces dernières ont unanimement vu dans cette commémoration la négation de leur existence malgré les mots du 1er ministre Justin Trudeau: «En tant que société, nous devons reconnaître et présenter des excuses pour les erreurs du passé et tracer un chemin pour les 150 ans à venir». Un tipi a été installé sur la colline du Parlement d’Ottawa en signe de protestation.


Wenjack, de Joseph Boyden. En anglais.

Joseph Boyden est l’auteur de plusieurs romans et de nouvelles, dont les plus connus sont «Le Chemin des âmes», «Les Saisons de la solitude» et «Dans le grand cercle du monde». Ses livres ont été traduits dans une vingtaine de pays. L'écrivain vit actuellement en Nouvelle-Orléans, où il enseigne dans le cursus Master of Fine Arts.

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