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Actuel / AVS: les médias colportent des études de complaisance


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Depuis des mois, à la perspective du référendum de cet automne, les milieux financiers créent un climat hostile à l’AVS. Démontage d’études pseudo-scientifiques. Une tribune de Rudolf Strahm (PS), ex-Monsieur Prix.



Depuis le mois de février, l’un après l’autre, les établissements financiers (la banque cantonale de Zurich, le Crédit suisse, l’UBS) publient des «études» orientées selon leurs intérêts sur l’assurance-vieillesse.

Leur refrain crée l’inquiétude: «Vos rentes ne sont plus assurées. «Les jeunes paient trop», «les vieux vivent sur le dos des jeunes générations».

Ce qui est le plus frappant:

- les grands médias colportent des études de complaisance, sans prise de position et points de vue contradictoires, en allant s’enquérir par exemple des vues de l’office fédéral des assurances sociales;

- les grands médias renoncent le plus souvent à mentionner les intérêts des auteurs.

Voyons l’étude récente de l’UBS. Due au professeur allemand Bernd Raffelhüschen qui produit depuis des années à des scénarios terrifiants sur le contrat de génération. Il travaille au sein de l’UBS Chief Investment Office. Par ailleurs, l’UBS diffuse une brochure publicitaire en faveur de l’épargne privée, où 75 % des fonds vont au marché d’actions.

Cette étude, la quatrième depuis 2014 basée sur la même méthode du «bilan générationnel» qui évoque une «dette d’Etat implicite» qui serait due à terme à tous les assurés. Elle compte sur «trou de financement de l’AVS» qui équivaudrait à 173% du produit intérieur brut, une «promesse de prestations non couverte» du Conseil fédéral à hauteur de mille milliards de francs. C’est ainsi qu’un scénario fictif de faillite publique crée l’insécurité!

Comment le professeur allemand en arrive-t-il à de tels chiffres d’endettement? Dans son calcul aventureux, il part de l’idée qu’à partir d’aujourd’hui et jusqu’à la fin de leurs jours, tous les résidents en Suisse ne pourraient plus compter sur aucun financement supplémentaire de l’AVS.

Ces modèles prévisionnels à long terme sont des sottises. Elles servent uniquement à des fins politiques. Les experts de l’administration fédérale qualifient  avec diplomatie ce «bilan générationnel» de l’UBS de «inapproprié pour juger de la situation de l’AVS».

Ils affirment aussi qu’est tout simplement fausse l’affirmation de l’UBS selon laquelle les salariés âgés entre 53 et 63 ans n’apporteraient plus leur part à l’assainissement de l’assurance. En effet les travailleurs âgés paient en général davantage au système de prévoyance et financent jusqu’à la fin de leur vie, grâce au supplément de TVA, les prestations de demain des plus jeunes.

D’anciennes études pseudo-scientifiques des semeurs de trouille nous ont appris que ces prévisions à long terme sont vaines. D’après le pronostic posé en 1995 par un groupe d’experts de la Confédération, l’AVS aurait dû faire faillite il y a douze ans déjà.

Sans doute davantage d’argent sera nécessaire pour la prochaine décade et la suivante. Selon la formule de compromis qui sera proposée au peuple, la sécurité financière de l’AVS et des rentes des caisses de pension est assurée jusqu’en 2030 au moins.

Les coûts élévés du deuxième pilier

Tous ces experts partisans de la branche financière font silence en revanche sur un revers de la médaille de notre système de prévoyance-vieillesse, à savoir les coûts d’administration des capitaux placés dans le deuxième pilier. Ils sont particulièrement lourds en période d’intérêts bas.

D’après la statistique de la haute surveillance des caisses de pension (OAK), il apparaît que ces frais d’administration grignotent en moyenne 0,45 % des avoirs placés, ce qui prive les assurés de plus de 3,5 milliards de francs par an. Ces coûts filent vers les banques, les administrateurs de fonds, les Asset Managers, les fonds de placement, les vendeurs de hedgefonds. A cela s’ajoutent les frais administratifs des quelque 1800 caisses de pension à hauteur d’environ 900 millions par an. Viennent en plus les 600 millions (estimation) de bénéfices des assurances privées. La totalité de l’épargne du deuxième pilier jusqu’à aujourd’hui s’élève à 1048 milliards. Belle affaire pour la place financière.

Un franc sur sept des rentes et prestations de capital est englouti dans le trou des coûts facturés placements et de l’administration des caisses. L’administration fédérale a omis jusqu’à ce jour d’établir une liste transparente des coûts totaux annuels par assuré ou en pourcentage du capital placé ainsi qu’une comparaison coûts/rendement des caisses. Les données seraient aujourd’hui disponibles.

L’histoire se répète

En cette matière, l’histoire se répète. Lors de l’introduction de l’AVS en 1947, les grandes banques et les assurances privées ainsi que les radicaux zurichois l’avait combattue en dénonçant une mesure étatique (…) Aujourd’hui aussi la Neue Zürcher Zeitung s’affiche en tête dans l’opposition au compromis sur les rentes trouvé au Parlement.

Ce qui a totalement changé en revanche, c’est l’attitude de l’UDC. Ses ancêtres d’alors, le Bauern-, Gewerbe- und Bürgerpartei (BGB) et en Suisse romande le Parti des agriculteurs et indépendants (PAI): ils étaient les partisans véhéments de l’AVS. Pour les paysans, les artisans et petits commerçants, cette institution – hier comme aujourd’hui – est le pilier porteur de leur prévoyance-vieillesse. Manifestement le parti issu à l’origine de ces milieux s’en détourne et s’engage au contraire du côté des nouveaux riches critiqueurs de l’Etat.

Une alliance peu sainte se dessine cet automne entre des groupes patronaux radicaux, des milieux financiers et une partie de la gauche genevoise. Avec des intérêts fort différents. Cela pour combattre le compromis du Parlement. C’est paradoxal et incompréhensible: car cette proposition pour stabiliser les rentes contribuera à les rendre plus sûres.


Tiré de infosperber.ch, Rudolf Strahm

Adaptation: Jacques Pilet




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