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Actuel / Enfer et paradis

Michael Wyler

23 juin 2017

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Si seulement les Romands étaient les Grecs de la Suisse, comme l'affirmait naguère la «Weltwoche»! Car ce que font tant de Grecs et de volontaires étrangers pour aider les dizaines de milliers de réfugiés, parmi lesquels des Palestiniens de Gaza, qui débarquent chez eux est remarquable.



L'enfer

Victoria Square, Athènes, 5 heures du matin. Ils sont une douzaine à dormir par terre, une couverture sur la tête. Un peu plus loin, dans le parc, les centaines de tentes qui abritaient les réfugiés il y a un an encore ont disparu: la police a évacué tout le monde, y compris les ONG qui distribuaient habits, eau et nourriture aux quelque 2000 hommes, femmes et enfants pour qui le parc était devenu leur chez soi. Il reste encore un coin où, au petit matin, quelques dizaines de réfugiés plient bagages, avant l'arrivée des premières patrouilles de police. Certains ont des papiers, d'autres pas. Ils sont principalement Afghans et Pakistanais, mais depuis peu, il y a aussi des Palestiniens de Gaza.

Au petit matin, après avoir passé la nuit dehors... © Michael Wyler

Cette nuit, Mahmoud a aussi dormi dans le parc.

Je l'invite à prendre un petit déjeuner. Il sourit. Me demande s'il peut aussi faire venir son ami Hamid qui a passé la nuit sur la place Victoria. Nous nous installons au Café des poètes. Ils racontent.

Suite à un post sur Facebook critiquant le Hamas, qui, dit-il, consacre les centaines de millions qu'il reçoit en aide de l'Europe et de nombreux pays arabes à acheter des armes et entraîner des terroristes plutôt que de fournir eau et électricité aux Gazaouis, Mahmoud s'est senti menacé et a décidé de quitter Gaza.

Mahmoud, réfugié de Gaza. © Michael Wyler

Pas facile quand on sait qu'il faut payer cher pour quitter le territoire. Craignant que le Hamas ne laisse pas sortir, il échangé sa carte d'identité avec celle de son cousin (même âge et une certaine ressemblance). La frontière entre Gaza et l'Egypte étant en général ouverte quelques jours par mois, il y a une liste d'attente de plus de 20 000 personnes qui souhaitent obtenir le droit de sortie. Mahmoud a donc payé 1800 dollars au Hamas pour être inscrit en tête de liste. Après deux mois d'attente, en avril de cette année, il a pu sortir de Gaza, a payé encore 250 dollars aux policiers Egyptiens à la frontière et est arrivé à Athènes via la Turquie, payant 600 dollars son passage sur un Zodiac l'amenant à l'île de Chios.

Un tunnel à 1650 dollars

Hamid, la quarantaine, est à Athènes depuis l'automne 2016. «Nous sommes actuellement quelque 4000 Palestiniens ici, me dit-il. Bien sûr que je suis fâché de ne plus pouvoir aller travailler en Israël comme autrefois. Je leur en veux aussi de cette menace qui pèse tout le temps sur nous. Je peux toutefois les comprendre: ils ont peur. Par contre, je ne comprends pas l'Autorité Palestinienne de Abbas, qui nous prive d'eau et d'électricité, ni la terreur que le Hamas fait régner sur les habitants et encore moins le refus de l'Egypte d'ouvrir sa frontière avec Gaza, sous prétexte que nous serions trop proches des Frères musulmans.»

Sorti de Gaza à travers un tunnel reliant le territoire à l'Egypte avec une douzaine de compatriotes, Hamid a payé son passage 1500 dollars (somme dont les passeurs reversent 90 % au Hamas) plus 150 dollars par personne pour qu'on ferme les yeux côté égyptien.

Quitter la Grèce, mais comment?

Quel avenir pour Mahmoud et Hamid? Comme leurs compatriotes, ils aimeraient pouvoir s'installer en Europe, mais plus au nord. En Suède de préférence, où résident déjà des milliers de Palestiniens. 

Mais, quitter la Grèce n'est pas une sinécure. Il leur faut soit obtenir le statut de réfugié, une procédure administrative qui peut durer de nombreux mois et sans garantie de succès, mais statut qui leur ouvrira la porte à une carte de résidence en Europe.

Le premier pas vers l'asile. © Michael Wyler

Ou alors réunir chacun les quelques 5000 dollars exigés par les passeurs pour les amener en Suède. Via l'Italie, l'Allemagne et le Danemark.

Et de quoi vivent-ils, eux et leurs compatriotes? «Certains dorment dans la rue, d'autres squattent des appartements vides. Travailler? Difficile. Parfois on trouve un petit boulot au noir, à 1-2 euros de l'heure… Heureusement, il y a de nombreuses ONG (organisations non gouvernementales, ndlr) et privées offrant de la nourriture et des habits.»

Retourner en Palestine ? «Bien sûr, nous en rêvons tous, me dit Hamid. De préférence une Palestine sans un voisin colonialiste, sans une Autorité Palestinienne corrompue jusqu'à l'os et sans la dictature du Hamas. Une utopie donc», poursuit-il en riant.


2e partie du reportage: Après l'enfer, le paradis!

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