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Actuel / Les insolentes chroniques olympiques de Gabriel Bender


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Le sociologue valaisan Gabriel Bender publie «Fioul sentimentale», un livre qui regroupe des chroniques s’opposant à l’organisation des Jeux olympiques d’hiver 2026 en Valais. Des chroniques initialement publiées sur Facebook et aujourd’hui éditées grâce à une souscription qui, en à peine douze heure, a permis de réunir l’argent nécessaire à la fabrication de l'ouvrage.



«Le 75% du livre a été écrit d’un doigt sur iPhone». Gabriel Bender, l’auteur de Fioul sentimental, ne publie pas de photos de chatons sur Facebook, ni des plats qu’il déguste ni d’images de ses vacances. Plutôt des vidéos de ses interventions aux Beaux Parleurs (RTS). Et toujours sur Facebook, il a un double très actif, Jibril Ben Der, qui, lui, parle beaucoup du Valais. Et depuis plusieurs semaines, principalement des Jeux Olympique d’hiver 2026. Des Jeux que certains Valaisans rêvent d’organiser chez eux – et un peu chez leurs voisins vaudois et bernois.

Un empêcheur de tourner en rond

Jibril Ben Der n’en veut pas, de ces JO, et il l’écrit à qui veut l’entendre. Il argumente, bataille, polémique, s’oppose. Infatigable, il traque les failles chez les promoteurs de Sion 2026 – elles sont nombreuses – et les mets en perspective avec sa vision à lui du Valais. Une vision de sociologue et d’historien, mais pas uniquement. Au-delà de sa profession, de sa formation et de sa spécialisation sur l’histoire valaisanne, Gabriel-Jibril Bender est un empêcheur de tourner en rond, un bavard impénitent, un adepte joyeux de la sieste crapuleuse, un polémiste inventif, un insolent débatteur et un conteur taquin.

C’est ainsi que ses billets facebookien d’opposant à l’organisation de Jeux olympiques d’hiver en Valais en 2026 sont rapidement devenu un régal bien au-delà des frontières cantonales et sont aujourd’hui réunie dans Fioul sentimentale, chroniques olympiques, édité chez Vae Solis et illustré avec des dessins de François Maret.

«Au dernier Salon du livre de Genève, une dizaine de personnes m’ont dit: ‟nous lisons tes chroniques, c’est superˮ, raconte Gabriel Bender. Puis il y a eu le hasard de deux rencontres. D’abord celle avec l’archiviste cantonal valaisan qui m’a demandé si j’étais d’accord de transférer mes chroniques dans un fichier word, imprimable, afin de garder une trace matérielle de la campagne Sion 2026. Ensuite celle avec l’écrivain Alain Bagnoud, qui m’a dit ‟tu écris bien mon cochonˮ.»

Les copains sollicités

De retour du Salon du livre, Gabriel Bender a contacté un éditeur et tout s’est enchaîné rapidement, dans l’urgence: réécriture, illustration, mise en page et impression. En trois semaines, le livre était fait.

«On voulait imprimer le livre en Valais, mais les prix y sont dix fois plus chers qu’en Pologne. Il fallait donc résoudre la question financière. L’éditeur m’a proposé de chercher des sous auprès de partis politiques mais j’ai préféré m’adresser aux copains. J’ai envoyé 70 SMS et 12 heures plus tard, j’avais les 5000 francs nécessaires.»

La lecture des chroniques contenues dans Fioul sentimentale est réjouissante. Gabriel Bender tient son fil conducteur – s’opposer à l’organisation des JO d’hiver en Valais – mais avec style, humour et intelligence. Et son propos va bien au-delà de l’aspect factuel de Sion 2026. C’est du Valais, dont il est question, de son canton, qu’il connaît bien, où il vit et travaille.

«Avec ce livre, j’ai l’ambition de réussir un portrait des Valaisans dans la société du spectacle, une œuvre qui marque et qui reste, pas un pamphlet qu’on lit et qu’on jette.» 

C’est réussi pour ce qui est du portrait des Valaisans et l’avenir dira à Gabriel Bender si Fioul sentimental s’inscrira comme une œuvre marquante. 

Ce qui est certain, c'est que son livre ravira tout les amateurs de débats et de disputes, de joutes verbales et de jeux de l'esprit.    


Gabriel Bender présente son livre à différentes occasions:

  • Jeudi 31 mai, de 17h30 à 19h, au café du Simplon à Lausanne : 17h30 un début,  18h00 deux ou trois mots à propos de l’auteur par Michel Zendali, 18h05 trois ou quatre chroniques par Gabriel Bender, 18h15 cinq ou six questions par Michel Audétat, 18h30 sept ou huit dédicaces et autant de verres de blanc, 19:30 fin

  • Vendredi 1er juin, de 17h à 20h, à la Grenette, à Sion (Festival d’art de rue) 

  • Vendredi 8 juin, de 10h-13h, à la Grenette, Sion 

  • Dimanche 10 juin, 10h-13h, à la Grenette, Sion (en attendant les résultats)


Extrait

Les glaciers à l’heure du spectacle

Chronique du 22 avril 2018

La Patrouille des Glaciers signe l’entrée définitive des Alpes dans la nouvelle société du spectacle. Dans cette perspective, le rapport à la montagne n’est possible que s’il est réalisé pour d’autres, mis en scène, médiatisé, photographié, filmé, produit pour la presse et les médias électroniques. Les événements sont soigneusement scénarisés durant plusieurs semaines. La panne du Puma ramené en plaine constitue un épisode de la série, saison 2018. La critique du savant écologiste ou du philosophe zen fait partie du synopsis. Elles ne peuvent exister par elles-mêmes. La Patrouille des Glaciers est un show où chaque effort personnel collabore à produire une image qui doit impressionner et qui impressionne. « Vous avez vu c’te fine équipe qui grimpait à fond les mollets dans le col ? De bleu, de bleu, champions les compagnons. Santé, les abricots.» La diffusion en direct sur les réseaux sociaux grâce à des caméras emportées et le suivi GPS entretiennent le donner à voir qui devient garantie du fait qu’il fallait le faire et tout donner.

La haute montagne permettait une expérience autre. La relation entre les personnes étaient différentes des rapports de production de la société capitaliste. C’était un espace autre, domaine de l’effort gratuit, de la lenteur, d’une amitié désintéressée. La Haute Route de Chamonix à Zermatt permettait à certains de vivre une aventure mystique, avec une composante sacrée. La Haute Route était une hétérotopie et une hétérochronie à coloniser d’urgence. C’est révolu. La société du spectacle est hégémonique, elle ne tolère aucune utopie. Même les pèlerinages vers Lourdes, Compostelle ou La Mecque ont été avalés par le spectacle. Les derniers résistant sont cachés dans des monastères. Les chanceux.

La société libérale-marchande produit des individus détachés de leur désir. Ceux-ci sont imposés par les industries culturelles et médiatiques (Internet, le cinéma, la presse). Les individus sont agis par le spectacle et finissent par le produire. Cela explique le succès grandissant des manifestations qui agrègent des milliers de spectateurs-acteurs: les marathons par exemple, alors qu’on peut courir tout seul dans les bois. Celui qui participe à la Patrouille des Glaciers, les yeux rivés sur son chronomètre personnel, croit être l’acteur d’une aventure personnelle alors qu’il est agent de la course. Il est le premier spectateur de son effort, il produit une image de lui, une image séquentielle absolument interchangeable.

Qu’est-ce qui ressemble le plus à une patrouille qu’une autre patrouille?

Pour Guy Debord, le spectacle est le stade achevé du capitalisme. Ça marche un peu comme ceci: dans un temps 1, les biens de consommation ont été fabriqués par l’industrie. Dans un temps 2, la production des biens culturels a été colonisée par l’industrie. Au stade final, les humains seront produits comme de la marchandise et consommés par elle. On y arrive. Le spectacle est un mode de production économique et une idéologie. Un dogme. Et Dieu seul sait comme il est devenu blasphématoire de critiquer la Patrouille des Glaciers ou les Jeux olympiques. La société du spectacle légitime une vision unique, une orthodoxie. Et comme la critique est spectacle, on ne peut pas en sortir.

«La société du spectacle s’impose aux sens et à la conscience de tous, via une sphère de manifestations audiovisuelles, bureaucratiques, politiques et économiques, toutes solidaires les unes des autres.»

La visée ultime du spectacle, c’est de reproduire les mécanismes de pouvoir en empêchant toute pensée dissidente. Il n’y a pas d’alternative. L’exercice du pouvoir est spectacle, sa contestation itou.

La grasse matinée et la sieste crapuleuse, en pleine conscience et en connaissance de cause, sont les derniers refuges de la liberté humaine. Dans cette société, dormir est déjà un acte révolutionnaire.

Ouf, après tous ces efforts de réflexion, je suis épuisé. Bonne journée, je retourne au pieu.

VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

2 Commentaires

@Lagom 31.05.2018 | 19h20

«On peut devenir célèbre pendant quelques semaines si on fait campagne contre les JO, surtout si le peuple valaisan vous suivra, mais le risque est grand pour les opposants de passer dans la poubelle de l'Histoire. Ceux qui veulent faire échouer ce projet grandiose ne seront pas suffisamment fiers de leur oeuvre pour aller la raconter spontanément à leurs petits-enfants dans 40 ans, voire même, ils auront probablement honte tout simplement de répondre aux questions de leurs descendants qui vaudront peut-être connaître qu'elle était leur position à ce sujet en 2018. Les retombées des JO ne sont pas palpables à court et à moyen termes mais à long termes quand les sportifs par exemple vaudront revenir des années plus tard avec leur familles pour célébrer les anniversaires de 10 ans, 25 ans, 50 et 75 ans de leurs réussites. Quand le nom du Valais ne sera plus assimilés par les peuple lointains à une Vallée. Soyez vendeurs de rêves au lieu de devenir des briseurs de rêves. Pour moi le terme "marchant de sable" est plus sympa que "briseurs de glaces". A vrai dire la faute est au Conseiller fédéral chargé du sport qui a les moyens d'allonger le paquet à un milliard au lieu de 900 millions. Le même Conseiller fédéral a approuvé un achat de munitions de 391 millions alors qu'on grille pour 60 millions par an et l'armée a des réserves de munitions pour 10 ans. Allez les valaisans allez»


@Lagom 06.06.2018 | 08h44

«Est-ce que BPLT est lu en Valais ou bien les valaisans sont trop timides pour écrire des commentaires? au moins Constantin et Favre, Faites-nous entendre votre voix avant la votation. Merci d'avance,»