Culture / Un dictionnaire à dévorer de A à Z
Paru en avril de cette année aux éditions Pour ainsi dire, «La zizanie des mots» est une sorte de dictionnaire des homonymes signé Christine Grobéty. Un dictionnaire dont l’auteure se met en scène et prend le lecteur à parti. Didactique comme il se doit d’un dictionnaire, mais sans le côté rébarbatif et austère. Bien au contraire. Pétillant d'humour, subtil et de facétieux, il jongle avec les mots pour dire tout l'amour que l'auteure porte à sa langue maternelle.
Une langue qu’elle décrit comme un puits d’étonnements sans fin. Un océan avec ses vagues et ses remous imprévisibles, ses courants sous-marins invisibles. L’ouvrage de Christine Grobéty illustre la chance que nous avons «de la sentir couler dans nos veines dès le berceau plutôt que d’avoir à l’apprendre.»
Le moins qu'on puisse dire de cette auteure membre de l'Association vaudoise des écrivains et des Dissidents de la pleine lune (un cercle de férus d’écriture), c'est qu'elle ne manque jamais de se renouveler. Chacun de ses livres explore un genre spécifique qu’elle s’approprie à sa manière, la prosopopée avec Moi le Gange, la fable moderne avec Drôle d'oiseau, le photoreportage avec L’Inde de tous les instants, le récit témoignage avec Quelque chose s’est absenté et le dictionnaire ludique avec La zizanie des mots. Seuls points communs de ces différents livres, la richesse du lexique, l’élégance des tournures, la pertinence des métaphores, le rythme du phrasé, bref tout ce qui souligne et sublime la beauté de notre langue.
Illustré par les chats pitres d’Anne-Sophie Hellard, La zizanie des mots propose une double entrée pour chaque substantif puisé dans cet océan au gré des inspirations de l'auteure, à raison d’un par lettre de l’alphabet: sous Somme, on y lit par exemple que la narratrice n'additionne pas ses problèmes. Elle les prend un à un. «Si bien que de n'être jamais additionnés, ils semblent plus légers et, tout bien considéré, trouvent leur propre solution en se soustrayant à son attention.»
Voilà pour LA somme. Mais il y a aussi LE somme.
«Habituellement petit comme une mignardise. Une sorte de gâterie fugitive. Une meringue de détente. Une bavaroise de repos. Une madeleine de délassement.»
La lettre U est dédiée à l’unité, «cet étalon bien ennuyeux pour qui la physique et la métrologie ne permettent pas de galoper plus facilement à travers prés et forêts sur son cheval. Fût-il un étalon lui aussi». Mais sous son autre acception, l’unité «peut relier les besoins des uns aux capacités des autres pour la plus grande équité entre les hommes, exalter les dons de chacun, afin de rendre à l’art son unique raison d’être, la beauté.»
Tout l'ouvrage est à l'avenant. Délicieux, drôle et déconcertant. Instructif au passage. Jamais pédant. Il y a une dimension contemplative dans la plume de Christine Grobéty. Un coquet brin de désuétude dans l’usage du subjonctif imparfait et une façon bien personnelle d’éloigner le pronom relatif du nom auquel il se rapporte. Un sens de la chute et de la transition qui fait que chaque définition se clôt presque à la manière d’une nouvelle. De la légèreté même et surtout quand elle aborde les sujets les plus graves. Du jeu à chaque page. Et de la poésie.
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