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Culture / Tosca sous la botte fasciste


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Où voir et écouter Tosca mieux qu’à Rome? Dans la ville même où Puccini a situé l’action de son opéra? Qui plus est, dans l’un des plus magnifiques cadres antiques qui soit? Les thermes de Caracalla où, durant l’été, l’opéra de Rome prend ses quartiers. Cette reprise de Tosca est aussi l’occasion d’un hommage à l’un très grands metteurs en scène de notre temps, Pier Luigi Pizzi.



Agé aujourd’hui de 87 ans, Pier Luigi Pizzi célèbre cette année ses quarante ans de mise en scène lyrique. Il a notamment travaillé à l’Opéra de Vienne, au Palais Garnier ou encore à Covent Garden et bien sûr à La Scala et à La Fenice. Pour marquer cet anniversaire, l’Opéra de Rome a eu l’excellente idée de reprendre cet été, dans les thermes de Caracalla, la dernière version de Tosca du metteur en scène, telle qu’il l’avait créée il y a quatre ans. Car s’il est une vision forte, puissante de cette œuvre-phare, l’une des plus belle du répertoire lyrique, c’est bien celle-là. Pizzi nous transporte en effet, non pas au moment de la victoire de Bonaparte à Marengo, l’époque à laquelle se déroule l’intrigue, mais sous le régime fasciste, dans les années 1930.
Pourquoi ce déplacement dans le temps? Afin de montrer, explique Pizzi dans un entretien avec Aldo Piro, les «fortes tensions politiques et l’arrogance du pouvoir», qui caractérisent ce moment historique. Ainsi le préfet de police Scarpia se mue-t-il ici en dignitaire mussolinien et ses sbires, en chemises noires. L’effet est d’autant plus saisissant que l’on est à Rome, là où parada naguère le régime fasciste. Or ce parti pris de Pizzi fonctionne parfaitement, est d’une totale intelligence. Sa force est notamment de mettre en lumière un peu plus l’extraordinaire violence qui traverse la musique de Tosca. L’engrenage dans lequel sont pris ses protagonistes.

Distribution de premier plan

Cavaradossi, le peintre amant de Tosca, la cantatrice, se voit en somme contraint un peu malgré lui de venir en aide à Angelotti, le détenu politique qui vient de s’évader, mais qui, lui, depuis le début, a choisi résolument son camp. Quant à Tosca, amante passionnée, mais aussi frivole, elle est en quelque sorte rattrapée par une tragédie qu’elle ne veut pas voir. Et c’est dans une sorte de sursaut qu’elle va s’opposer frontalement à Scarpia, qui joue avec elle comme le chat avec la souris, afin d’obtenir les renseignements sur Angelotti. Mais surtout Scarpia en fait sa proie, entend bien la posséder, suprême consécration de son pouvoir. Et c’est le fameux «bacio di Tosca», le coup de poignard que la jeune femme administre au préfet de police au moment où celui-ci croit être parvenu à ses fins.
On l’aura compris, il s’agit là d’un magnifique spectacle, servi par une distribution de premier plan. A commencer par la sublime Tatiana Serjan, l’une des grandes voix d’aujourd’hui, qui insuffle à sa Tosca toute la présence, toute l’intensité mêlée de fragilité que réclame le rôle. Notamment dans le fameux air «Vissi d'arte vissi d'amore» interprété à la perfection. Face à elle, plus encore que Giorgio Berrugi, en Cavaradossi parfois un peu effacé, celui qui s’impose vraiment, c’est Roberto Frontali, l’un des grands barytons de notre époque. Son incarnation de Scarpia est tout simplement magistrale, la richesse de sa voix et de son timbre conférant une extraordinaire épaisseur au rôle. Rarement comme ici la violence qui habite tout son personnage n’apparaît avec une telle évidence. Encore une fois, une très belle distribution sous la direction très nette, très droite de Donato Renzetti à la tête de l’orchestre de l’Opéra de Rome.


Tosca de Giacomo Puccini, Teatro dell’opera di Roma, Terme di Caracalla
26 et 29 juillet, 3, 6 et 8 août, à 21h

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