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Culture

Culture / Une musicienne qui marche à l'ancienne

David Glaser

25 avril 2019

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Erika Stucky promène son instrument principal de travail de scène en scène, de port en port à travers le monde. Un accordéon itinérant faisant sonner une folk suisse fortement inspirée par la contre-culture américaine, voilà le particularisme de cette Valaisanne (ses ancêtres viennent de Mörel) née à San Francisco au début des années 60. En passant en revue ce qui a permis aux artistes comme elle d’exister et de perpétuer leur art, on constate que c’est le positionnement éthique qui fait figure de gouvernail. Erika – qui fait le lien entre deux continents et pas que par avion – vit de ses chansons par la scène et la vente de CD sans être forcément liée à l’aspect collaboratif du numérique. Interview.



Erika garde dans son art les stigmates d'une culture américaine libre dans un monde libéral et économiquement secoué. D’une passion pour les sons primaux (le yodel suisse qu’elle maîtrise parfaitement) mariés au psychedelic rock des années flower power, la chanteuse joue de l’edelweiss power en surimpression pour le plaisir de curieux aimant les mélanges jazz-folk et tradi. Nous lui avons posé les questions sur l’écologie, la décroissance, la responsabilité face à un monde qui dérive. Pour une artiste originale comme elle, vivre dans un monde en pleine crise environnementale, ce n’est pas simple. 

Comment allez-vous développer votre art dans un proche avenir, à travers le numérique principalement?

J'ai laissé ma compagnie de disques s'occuper de tout le truc numérique. Moi, je suis très old-school, je transporte mes CD pour les vendre après les concerts. Je suis pour la plupart de mes activités une artiste de scène, donc c'est le public qui achète mes disques en CD.

Mais vous êtes consciente que beaucoup de nouveaux artistes viennent à la musique par de nouveaux biais digitaux?

Oui, mais je vois mes collègues et amis chanteurs plus jeunes qui s'occupent de leur production via les plateformes numériques, qui organisent des campagnes de financement participatif, mais pas moi, je crois dans les concerts. J'ai toujours été une artiste en pleine autarcie et une artiste indépendante (ce qui veut dire faire tous les métiers qui vont autour comme celui de se promouvoir seulement). Et je pense que ça porte ses fruits, j'ai toujours été ma propre boss.

L'obsession de la croissance pour le bien fondé de l'économie, vous le comprenez comme musicienne, comme citoyenne?

C'est une grande question. Je dois concentrer toute mon énergie pour tourner. J'ai tourné pendant ces 35 dernières années. Je n'ai pas eu d'autre emploi comme prof de musique ou employée de banque suisse, hein? C'est tout ce que je fais. Et amener mon enfant et d'autres membres de ma famille vers des études ou les difficultés de la vie, je paye pour ça sérieusement avec ma voix et mes droits d'auteur. Donc je serai toujours le «chien violet» dans le cirque de l'économie, en dehors des grilles et des statistiques. C'est flippant mais si tu veux réussir quelque chose pour plus de trois décennies, alors tu t'habitues et je ne peux pas me plaindre, je peux vivre de mon art.

Etes-vous consommatrice aux USA?

Je ne vis pas aux USA mais quand j'y suis, je fais un concert, rends visite à ma famille et rentre chez moi en Suisse encore.

La crise du climat, vous la ressentez de plein fouet?

Oui, je comprends, et je vois les mouvements autour de la planète. J'ai vécu à Lyon pour trois mois et j'ai pu voir comment les manifestants en gilet jaune ont manifesté et protesté dans les rues.

Je n'ai pas besoin de comprendre ou croire dans toutes les revendications et déclarations qui s'expriment partout, j'aime voir les gens s'élever pour leurs droits.

A un rythme quotidien, comment participez-vous à la décroissance?

Ces dernières décennies, j’ai effectué 98% de mes tournées en train. Voyons, combien de temps ça peut durer! Trimballer ses valises et ses accordéons à travers l’Europe devient plus dur avec l’âge.


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