Culture / Le polar américain, une tentative d’émancipation
Pour la première fois, une histoire du polar américain est écrite. On y découvre comment ce genre parfois mal considéré et souvent sous-évalué met en scène des enjeux qui vont bien au-delà des intrigues policières. Comment il incarna l’honneur et la révolte au siècle passé sur le continent nord-américain.
Une foultitude de dictionnaires et d’encyclopédies, de livres pour les fans et les collectionneurs, existent dans le domaine du polar. Avec Front criminel, qui vient de paraître aux Editions PUF, il s’agit de tout autre chose, d’une ambition infiniment plus grande: démontrer en quoi et comment l’histoire de la littérature policière américaine du vingtième siècle fut celle d’une suite de luttes de libération.
Il s’agit de rien de moins, pour Benoît Tadié, l’auteur de cette somme, que de raconter l’histoire d’une tentative d’émancipation, plus ou moins réussie selon les moments, de l’Amérique contre l’Europe, des dominés contre les dominants, des minorités raciales ou sexuelles contre les majorités et de nous donner à voir comment le genre le plus méprisé de tous, en un remarquable retournement dialectique, incarna l’honneur et la révolte au siècle passé sur le continent nord américain.
La chronologie
Elle est fondamentale et en France, la vision de l’ancrage historique des romans noirs américains a été totalement faussée parce que la plupart des auteurs ont été publiés à la même époque − entre 1945 et 1960, ceux des années 20 comme ceux des années 50. Ce qui a eu pour effet d’amalgamer des livres qui avaient des origines et des ambitions très différentes.
Du coup, l’opposition très marquée entre la partie sombre et la partie émancipatrice de ces récits a complètement échappé aux lecteurs européens. En France, on s’est toujours uniquement intéressé à l’aspect sombre, le côté «la vie est dégueulasse, le soleil n’est pas pour nous» et jamais à l’aspect «espoir», alors que le genre s’est construit sur une tension entre ses deux pôles.
L’émancipation
D’un côté, nous avons un roman noir qui décrit une société impitoyable dans laquelle l’effort individuel est toujours confronté à des puissances occultes qui ont tendance à l’écraser mais, d’un autre côté, et en parallèle, nous avons aussi le récit de la montée en puissance d’une affirmation démocratique qui passe à la fois par l’origine sociale de ceux qui écrivent et, dans la forme du récit et de la narration, par l’affirmation d’une langue qui s’émancipe de l’anglais d’Angleterre et du parlé des classes sociales dominantes indigènes, ceci avec une expressivité virile et une parole irrévérencieuse qui décapent tous les faux semblants et toutes les hypocrisies d’usage.
Les pulps
Très mal considérés, les pulps constituent pendant un demi-siècle l’authentique littérature du prolétariat américain. Ces histoires offrent à leurs lecteurs des héros aux mœurs façonnés par la rue et des modèles de langage et de comportements égalitaires et démocratiques. Ils sont destinés aux classes populaires et non pas aux lettrés. Les récits qui paraissent sous la forme de pulps, ressemblent à leurs lecteurs et décrivent un mode de vie et des préoccupations qui leur sont familières. C’est une littérature faite par et pour le peuple. C’est en cela qu’elle reflète une visée émancipatrice.
La fiction dur-à-cuire − hard boiled − naît dans le magazine Black Mask entre 1922 et 1926, et le genre devient une entreprise consciente et concertée à partir de 1927. Les premières histoires publiées sont celles de Caroll John Daly et de Dashiell Hammett. La Moisson rouge d’Hammet est de 1929. Récit violent, explosif, témoignant d’une extraordinaire énergie verbale, il use d’une langue neuve, sèche, violente et surtout monosyllabique.
Raymond Chandler et Philip Marlowe
Chandler est né à Chicago mais a fait ses études et a grandi en Angleterre. Pour écrire dans des pulps, à l’âge de 45 ans, il doit se familiariser avec la langue vernaculaire locale, idiome qu’il ne pratiquait pas. Il apprend cet anglais si différent du sien comme on apprend une langue étrangère! Et c’est cela qui le rend si inventif au niveau du langage. L’argot qu’il utilise n’est pas celui de la rue mais sa propre création.
Là où le récit de Hammett, concentré sur des points d’intensité maximum, marque les temps forts en une sorte de sténographie de l’action, celui de Chandler, plus descriptif, met en valeur les temps morts, le silence, l’immobilité, l’atonie; de l’action rapide, on passe à un ralenti extrême, de la maîtrise de soi à la peur panique, de l’engagement violent à la souffrance impuissante; d’un monde hyperréaliste, stylisé, à un espace flou; d’une langue énergique et efficace à d’impuissantes répétitions, litanie de résignations et de sursauts brutaux d’instincts primaire et d’aspiration à survivre à tous prix. Philip Marlowe, le héros de Chandler, ce redresseur de torts, est à la recherche d’un sens absent et est souvent à deux doigts de tomber dans une pure paranoïa fascistoïde et, paradoxalement car on le lit en général comme un auteur progressiste, chacun des romans de Chandler peut être lu comme mettant en scène l’une des cibles de son aversion. Cela peut être tout autant les Noirs, que les Asiatiques, les Mexicains ou encore, cliché de l’époque, les homosexuels, et bien entendu, de façon systématique, les femmes.
Les gangsters
Le roman de gangsters apparaît quelques années après les premières histoires de détectives dur-à-cuire. Le Little Caesar (1929) de W. R. Burnett impose ce genre de pur récit absolument dépouillé de tous propos moralisateurs. Il ne s’agit plus d’un combat entre les bons et les méchants mais d’une âpre concurrence des gangsters entre eux. Burnett est aussi l’auteur de High Sierra et d’Asphalt Jungle. Ces ouvrages et les versions cinématographiques qui en furent tirés, toutes exceptionnelles, imposèrent les trois scénarios-type du roman/film de gangsters: ascension et chute, évasion et cavale, casse malheureux. Soit Little Caesar de Mervyn Le Roy (1930), Public Enemy de William A. Wellman (1931), Scarface de Howard Hawks (1932), High Sierra de Raoul Walsh (1941) et Asphalt Jungle de John Huston (1950).
Hollywood
Vers 1930, le polar entre dans le champ de force hollywoodien qui va élever son contenu jusqu’à la force intemporelle du mythe. Le centre de gravité du polar bascule de l’Est vers l’Ouest, de Chicago vers Los Angeles, de Hammett vers Chandler, des pulps vers les studios. Chandler commence à écrire des histoires criminelles à la fin de 1933, l’année où paraît le dernier roman de Hammett et où s’achève la Prohibition, cette interdiction de vendre des boissons alcoolisées qui dura de 1919 à 1933. Le maître dont il s’inspire est Paul Cain, qui décrit des rackets, chantages et ventes de drogue dans les studios de cinéma. Chez Cain, les mœurs hollywoodiennes sont suggérés avec humour comme Death Song, roman dans lequel une actrice est assassinée d’un puissant coup sur son crâne donné à l’aide d’un vibromasseur surdimensionné, objet avec lequel, écrit l’auteur, elle se soignait lors de ses crises d’hystérie.
Hollywood n’est pas que le centre du cinéma, il est aussi celui de la fiction. Les studios deviennent une puissance qui standardise, pour un temps, toute la culture américaine. C’est une industrie gigantesque. Fin 1931, il y avait 354 auteurs employés à temps plein et 435 à temps partiels dans les studios hollywoodiens pour un coût global de 7 millions de dollars.
Cols bleus et vagabonds
Avec la crise, dans les années 30, apparaissent des personnages de marginaux à la dérive, des individus pulsionnels cherchant à prendre tous les raccourcis possibles pour réaliser leurs désirs et qui, du coup, tombent dans le crime et dans la tragédie. L’archétype en étant le personnage de James M. Cain dans Le Facteur sonne toujours deux fois.
Jim Thompson a été hobo dans sa jeunesse et membre du syndicat des Industrial Workers, comme les personnages du premier grand roman du genre, La Moisson rouge de Hammett. Dans la culture contestataire du hobo la criminalité apparaît comme une forme de contestation, de redistribution des richesses dans un monde totalement inégalitaire. Ce sont des histoires racontées avec un langage teinté d’expressions dialectales, de tournures reprises dans les différents argots locaux, de mœurs toujours habité d’envie, de bassesse et d’une libido tellurique.
Tous décrivent leur époque. En 1936, par exemple, un ex-hobo, ami de Jim Thompson, George Milburn, publie un roman satirique intitulé Catalogue, racontant l’arrivée de l’un de ces objets dans une petite ville et la façon dont il va bouleverser la vie de ses habitants…
Après, il y a eu une période de politisation correspondant à l’époque du Front populaire en France, de la lutte antifasciste. Cette période court jusqu’aux lendemains de la deuxième guerre mondiale. Il s’agit d’un militantisme recrudescent qui s’affirme à tous les niveaux de la culture américaine et qu’on perçoit très bien dans les récits d’outlaw à la Dillinger, ce bandit au grand cœur qui braqua deux douzaines de banques et attaqua quatre commissariats de police. Ces gangsters sont porteurs d’une revendication de classe assez forte contre l’univers de la finance et des magnats capitalistes. La grande majorité des auteurs de polar se sont tous, à un titre ou à un autre, engagé dans le combat antifasciste. Et pendant la guerre, dans leurs récits, certains gangsters se retrouve muté en agents nazis ou proto-fascistes.
La mise au format
Il a des moments où le genre est très codifié et d’autres où il éclate complètement, par exemple lors de la révolution que représente le livre de poche dans les années 50, ou bien plus tard avec des séries comme The Wire, The Soprano et Breaking bad dans le domaine des séries actuelles. Là, on a une interpénétration hyper impressionnante des genres. Avec, par exemple, le western noir et ses hors–la-loi des années 1870 qui se comportent comme des tueurs de la mafia de 1950 et dans lesquels les rapports entre les sexes n’ont plus ce côté puritain si caractéristique des westerns mais la crudité de mise sous le règne du capitalisme triomphant.
David Goodis versus les justiciers solitaires
Le changement d’époque entre l’avant et l’après guerre est radical. Tout ce qui a été publié avant 1945 sera pendant un temps oublié et refoulé. La vigilance antifasciste va se transformer en vigilantism paranoïaque et les romans de Mickey Spillane, mettant en scène le monologuant Mike Hammer, battront tous les records de vente.
Le roman noir de l’époque se peuple de déserteurs, d’amnésiques, de fuyards, de criminels, de débris d’une communauté dissoute.
C’est exactement ce qui fascine Goodis: le déclassement, l’amnésie et la solitude. Son Cassidy’s Girl, (1951), par exemple, qui sera vendu à plus d’un million d’exemplaires, raconte l’histoire d’un ancien pilote qui végète sur le waterfront de Philadelphie.
Puis arrive le Maccarthisme. Là, il y a un décrochage politique d’auteurs qui avaient été militants, chez qui quelque chose se casse, qui perdent leurs illusions. Eux qui étaient très politisés, comme Thompson ou Goodis, virent au noir absolu. Dorénavant, nous aurons affaire à des personnages encore plus marginaux, plus sombres, plus désaffiliés de tout groupe et de toute communauté.
Chez Thompson, par exemple, ses héros, Lou Ford et Nick Corey, plutôt que libérer les pauvres comme les héros thompsoniens le faisaient avant-guerre, les éliminent froidement. Les masses étant devenues passives, jugent-ils, elles méritent d’être violemment châtiées pour cela.
Les paperbacks
La guerre a éveillé des aspirations démocratiques et le livre de poche, son ambition première étant de démocratiser l’accès à la culture, est l’une des réponses à ses aspirations. Il est vendu partout, dans tous les kiosques, dans tous les drugstores et dans toutes les gares. Il coûte 25 cents et met la culture à la disposition des hommes, des femmes et des adolescents ordinaires. Il est impersonnel, amical, égalitaire et il ne hiérarchise pas entre eux les livres qu’il publie. On peut, séduit par la femme nue qui se pavane sur la couverture, se retrouver avec un livre de Jean-Paul Sartre tout comme avec un Heidi ou un Ben-Hur. Sur les présentoirs, tous les ouvrages s’offrent de façon égale. Aucun vendeur ne vous aide à choisir et personne n’est là pour vous empêcher de prendre le livre que bon vous semble.
Gentrification, embourgeoisement du genre
Dans les livres de poche originaux les personnages principaux sont des hors castes: monde de personnage de foire, de stripteaseuses, d’hipsters, de parieurs, de junkies, de fugitifs. Les deux auteurs les plus vendus sont le mal pensant Mickey Spillane et le bien-pensant, Erskine Caldwell. Toute une démocratie de parias underground apparaît en une discrète apologie de formes rebelles à l’ordre social et des adeptes de pratiques sexuelles non-formatées.
Races et genres
En juillet 1948 est publié une nouvelle dont un policier Noir est le héros. C’est une première! L’auteur est Chester Himes, ancien taulard afro-américain, né en 1909 et autodidacte, exilé à Paris à partir de 1953. Il est le créateur d’une série de neuf romans mettant en scène Ed Cercueil et Fossoyeur Jones et qui décriront, avec truculence et une bonne dose de désespoir, la vie quotidienne des noirs d’Harlem.
L’émergence de la scène gay et lesbienne dans le polar, au début des années 50, suit une dynamique parallèle et comparable à celle du polar afro-américain. Pendant l’entre-deux-guerres, on ne trouve que des représentations de l’homosexualité caricaturales ou phobiques: mignons sadiques, criminels efféminés et minaudant, manipulateurs méphistophéliques, trafiquants de photos porno et maître chanteur gluants et abjects.
Le tournant s’opère en 1948 avec la publication du rapport d’Alfred Kinsey, Sexual Behavior in the Human Male, qui révèle que 37% de la population masculine américaine a connu des expériences homosexuelles. L’Inconnu du Nord-Express est l’histoire de la rencontre entre deux hommes… Eh oui! Dans les années 50, Patricia Highsmith et Vin Packer infléchissent l’ethos dur-à-cuire, en déstabilisant la posture du héros viril et l’économie libidinale du récit, en déconstruisant une culture patriarcale et hétéronormée, en affichant des protagonistes gays et lesbiens, aucunement caricaturaux, et en menant ainsi une lutte émancipatrice dans et par le polar
En 1952, Marijanne Meaker publie en livre de poche original, Spring Fire, une commande de l’éditeur qui imaginait que le sujet de l’homosexualité féminine allait titiller son public, masculin à 98,5%, mais après la sortie du livre, à sa grande stupéfaction, elle reçoit des centaines de lettres, vraiment par cartons entiers, qui toutes proviennent de femmes, de femmes gays…
Le polar actuel: de la série archi normée et super calibrée
A la fin des années 60, la télévision s’empare du public des livres de poche. Tout le monde se met à travailler pour les séries de télé. Aujourd’hui encore, des auteurs à succès comme Michel Connelly ou Dennis Lehane vivent surtout des séries télévisuelles. Leur succès mondial s’accompagne d’un alignement sur les nouvelles normes du marché: un allongement de la longueur des romans, passée de 160 à 400/500 pages et une standardisation de leurs titres.
Le dernier des modernes
James Ellroy étant un des rares auteurs qui pendant 20 ans a associé à un imaginaire tout à fait foisonnant une volonté d’écriture d’avant-garde mais jamais gratuite, qui n’est ni jeu ni pastiche et qui semble vraiment motivée par ses obsessions. Il a ainsi réussi une synthèse entre la basse et la haute littérature, et ceci sans même le chercher. Le fait divers est chez lui le moteur même de l’histoire. Il empoigne à pleines brassées les sources éphémères, presse quotidienne, rapports de police, magazines à scandale, pour les rendre légendaires. Son obsession pour les mutilations, liée à son traumatisme d’origine, aboutit à un style heurté, survolté, éliminant les propositions sujet-verbe-compléments, brisant les syntagmes pour se perdre dans le magma d’une unique image répétée et variée à l’infini. Il ne lie plus, il accumule. Il n’est plus dans l’image, la description, il est dans le son, dans la pulsion, des battements cardiaques qui s’accélèrent, s’accélèrent, s’accélèrent…
Pour conclure
Littérature vivace et à tendances démocratiques et révolutionnaires très marquées, la littérature policière américaine fut certainement le genre le plus fécond du vingtième siècle. Par ailleurs, il s’avère que les genres populaires connaissent des cycles: dans un premier temps, pour le meilleur et pour le pire, ils sont divertissement, ensuite, des nouveaux venus, auteurs et éditeurs, s’en emparent et en font un support d’émancipation, de revendication, de classe ou identitaire ou de genre, et ceci jusqu’à ce que le système parvienne à nouveau à juguler l’élan libertaire que les nouveaux cycles contiennent et les transforment en insipides produits courants.
Il faut le répéter: en soi, la culture de masse n’a rien abêtissant et elle crée des œuvres magnifiques. Ce n’est certainement pas vrai partout et tout le temps, mais peu importe, occasionnellement, cela le fut, l’a été, l’est encore et le sera sans doute aussi longtemps qu’il y aura encore des dominés et des dominants!
Benoît Tadié, Front criminel. Une histoire du polar américain de 1919 à nos jours, P.U.F. Éditions.
L’auteur sur Aligre FM
Auteurs de polars
Dashiell Hammett, 1894–1961
Six ans détective privé à l’agence Pinkerton, considéré comme le fondateur du roman noir. Ses premières nouvelles paraissent en 1922 et il est l’auteur, entre autres, de La Moisson rouge, Le Faucon maltais et de La Clé de verre. Sa carrière d’écrivain prend fin en 1934. Dans La Moisson rouge, récit violent, explosif, d’une extraordinaire énergie verbale, il met le récit en résonance avec les traumatismes et la crise morale que le pays traverse après la première guerre mondiale et avec l’arrivée du fordisme. Il continue une activité de scénariste, boit beaucoup et est arrêté pour appartenance au parti communiste et condamné à une peine de prison du temps du maccarthysme. La tuberculose l’emporte en 1961.
Raymond Chandler, 1888-1959
Vice-président du Dabney Oil Syndicate, place qu’il perd à cause de son alcoolisme, c’est le génie absolu du genre. Sa première nouvelle est publiée en 1933 et son premier roman, Le grand sommeil, en 1939. Il meurt d’une pneumonie en 1959.
William Riley Burnett, 1899-1982
Commence à écrire très tôt, remporte un prix de la nouvelle à l’âge de 13 ans, passe un diplôme de journaliste, lit Mérimée, Flaubert, Balzac et Maupassant. A 28 ans, il a déjà écrit une dizaine de romans, des pièces de théâtre et des centaines de nouvelles, tout cela sans arriver à trouver d'éditeur. En 1927, il s’installe à Chicago, la ville des gangsters. Gardien de nuit dans un petit hôtel de quartier où il côtoie des personnages des bas-fonds, boxeurs, hooligans, chômeurs, il y trouve le sujet de son premier roman noir, lequel va révolutionner le genre, sera vendu à 100 000 exemplaires et marquera l’irruption du genre dans la littérature mainstream: Little Caesar. La vieillesse l’emporte à l’âge de 83 ans.
James M. Cain, 1892-1977
Prof de math et d’anglais, il est envoyé en France en 1918, y devient rédacteur du journal de sa division. Il a été directeur du New Yorker, il publie sa première nouvelle à l’âge de 42 ans. Son Le Facteur sonne toujours deux fois aura de fortes répercussion sur le genre du polar.
Jim Thompson, 1906-1977
Fils d’un sheriff, il part chercher fortune dans l’industrie pétrolière. Il se forme à l’écriture en écrivant pour des journaux à scandales. En 1942, il publie son premier roman, Ici et maintenant. Il en écrira 29 au total. Il est considéré aujourd’hui comme l’un des géants du genre. Il mourra inconnu, dans la misère, emporté par une cirrhose du foie.
Mickey Spillane, 1918-2006
Commence sa carrière dans des magazines de mode, puis écrit pour Marvel des histoires de super héros, dont Capitain America. Pendant la deuxième guerre mondiale, il entraîne des pilotes de chasse. Son premier roman, publié en 1946, I, the Jury, lui vaut une gloire immédiate. Les critiques bien-pensants le haïssent. Il devient riche, célèbre et fait des apparitions dans une série de publicités vantant les mérites d'une bière, la Miller Lite. Il meurt d’un cancer en 2006.
David Goodis, 1917-1967
Ecrivain mercenaire de l'industrie du divertissement, à Hollywood ou ailleurs. C’est un mélancolique qui vit la plupart du temps avec sa mère. C’est lui qui assure avec La Nuit tombe le changement de vision du monde entre l’avant et l’après-guerre, le passage de relais entre des mecs passablement virils et des paumés à moitié clochardisé. Il publie son premier livre Retour à la vie en 1938, et s'installe à New York. Il obtient le succès en 1946 avec son Cauchemar. L'adaptation de ce livre en 1947, sous le titre Les Passagers de la nuit avec Humphrey Bogart et Lauren Bacall, lui vaut d'être engagé par la Warner Bros comme scénariste à Hollywood. Il meurt oublié de tous et ce sont les français qui vont le réhabiliter. François Truffaut, par exemple, avec son deuxième long métrage, Tirez sur le pianiste.
Chester Himes, 1909-1984
Issu d’une famille d’enseignants afro-américains, devenu jeune délinquant, il est condamné à 20 ans de prison. Il s’y cultive et y apprend à écrire, est libéré pour bonne conduite. Son premier roman, publié en 1945, parle de racisme. Il s’exile en France où sa rencontre en 1957 avec Marcel Duhamel se révèle décisive. Le fondateur de la Série Noire le convainc d'écrire des récits policiers. Son écriture se signale par sa puissance explosive, l’emballement du récit, sa prose toujours chargée d’électricité. Le succès vient rapidement, et Himes, avec ses deux héros noirs, à son tour, révolutionne le genre. Une très longue maladie l’emporte en 1984.
Patricia Highsmith, 1921-1995
Elle est élevée par sa grand-mère à New York où elle fait ses études (diplômée en anglais, latin et grec). En 1938, elle s'inscrit à l'université Columbia qu'elle quitte diplômée en 1942. Elle s'intéresse à l'écriture dès l'adolescence et publie sa première nouvelle, L'Héroïne, dans le magazine Harper's Bazaar en 1944. Son premier roman, L’Inconnu du Nord-Express, est publié avec succès en 1950. Il a été adapté trois fois au cinéma, notamment par Alfred Hitchcock en 1951. En 1952, elle publie un roman, Carol, sous le pseudonyme de Claire Morgan en raison de la description de relations lesbiennes. L'édition de poche se vendra à plus d'un million d'exemplaires. Son œuvre se compose d'une vingtaine de romans, d'un grand nombre de nouvelles et d'un formidable essai, L'Art du suspense, 1981. Une leucémie l’emporte à l’âge de 74 ans,.
Vin Packer, 1927-
De son vrai nom Marijane Meaker, elle publie vingt nouvelles entre 1952 et 1969 sous le nom de plume Vin Packer. C’est la romancière lesbienne par excellence. Elle va multiplier les pseudonymes et publier dans tous les genres. Elle est toujours vivante.
James Ellroy, 1948-
Sa mère a été assassinée par un tueur en série. Il écrit comme un dieu. Il a une force obsessionnelle qui emporte tout sur son passage. Il n’est jamais parodique et toujours puissamment habité par une invraisemblable volonté de dire et de raconter encore et encore toutes les turpitudes angelos. S'affirmant comme conservateur et réac, il dépeint dans son œuvre un monde particulièrement pessimiste et corrompu, dans lequel perce néanmoins la notion de rédemption, fil conducteur de nombre de ses ouvrages. Il n’écrit qu’un écoutant en boucle les 9 symphonies de Beethoven et n’est pas loin de se considérer comme le Tolstoï américain du début du XXIe siècle.
VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
4 Commentaires
@Lagom 22.03.2018 | 15h11
«Magnifique coup de projecteur ! Merci»
@Pyrrhus 23.03.2018 | 09h33
«woaw.... vous nous donnez le desir de lire ces "polars" americain.....»
@YvesT 30.04.2018 | 10h10
«Merci à vous Genevoisy et Pyrrhus pour vos commentaires.
»
@gindrat 14.08.2018 | 17h17
«Néanmoins, la qualité première de ces auteurs reste pour moi leur modeste nombre de pages. Comment ne pas se
lasser quand on a lu de tout comme moi à passé 80 ans, de toute ces dialectiques psychologiques de 700 pages.»