Média indocile – nouvelle formule

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Mais qu’ont-ils donc à se dire? C’est ce que s’est demandé Gerhard Seel, professeur de philosophie à l’université de Berne, résidant à Neuchâtel. Comme Friedrich Dürrenmatt, de 1952 jusqu’à sa mort en 1990. Comme Jean-Jacques Rousseau, à Môtiers plus précisément, entre 1762 et 1765. Il en résulte un spectacle savoureux.



Après-midi privilégié. Le Centre Dürrenmatt de Neuchâtel ouvrait ses portes au public, pour un aperçu de l’œuvre artistique peu connue du grand dramaturge alémanique, et pour la représentation de cette pièce de théâtre inattendue, au bord de la piscine qui jouxte la maison aménagée par Botta. Deux comédiens animent cette rencontre piquante au-delà du temps. Philippe Thonney dans le rôle du Bernois pas aussi bourru qu’on l’imagine: «Je n’arrête pas d’envoyer des piques à Rousseau, mais toujours sur un ton empli d’un profond respect. Je suis certain que les deux auraient pu s’entendre.» Olivier Nicola dans la peau du philosophe français qui croyait l’homme bon et vénérait la nature, déjà inquiet de son devenir. Les deux géants ont en commun d’aimer le bon vin. Ils vont et viennent, s’apostrophent avec de vives réparties et se retrouvent côte à côte devant leur verre de rouge. Il y a dans ce dialogue une vivacité et une profondeur rares par les temps qui courent. Il est invraisemblable mais on y croit. Chapeau au metteur en scène Jean-Philippe Hoffmann, à la directrice du CDN, Madeleine Betschart qui mijote le projet depuis trois ans, convaincue que ces deux-là ont pas mal de choses à nous dire. «Ils partageaient beaucoup de thématiques communes, notamment l’être humain, la Suisse, l'environnement ou encore la justice.» Et la démocratie. Dont le Français vantait les mérites bien avant qu’elle ne devienne réalité dans son pays. Dont le Suisse voyait les limites, osant dire que ses habitants sont à la fois les prisonniers et les gardiens d’une même prison.

Ce moment rafraîchissant et stimulant, unique en ce lieu magnifique, se répétera heureusement ailleurs: le 3 octobre à la bibliothèque de l’Université de Neuchâtel où l’on se penche sur des manuscrits de Rousseau, et du 6 au 16 octobre au théâtre Tumulte de Peseux. Lieu bien nommé pour cette joute verbale qui secoue plus qu’on ne s’y attend.

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