Culture / Célébrer «L’été»
L’été dans «Noces suivi de L’été», Albert Camus, Editions Gallimard, Folio, 94 pages.
Je nageais l’autre jour dans le lac de Morat. Une émotion violente me saisit. Un trop-plein de joie. Je débordais des eaux douces du lac. Trop beau ce soleil, couvert de quelques nuages, qui dresse une couronne à l’horizon. Trop aimante cette eau qui embrasse chaque partie de mon corps. Trop vivante la plage qui regorge de rires, de gestes de jeux, de gestes d’amour. Célébrer, il me faut célébrer cet instant, cet été. Composer un poème sur l’émotion vécue? Je ne suis pas poète. Chanter les douceurs de l’instant? Je suis encore moins chanteur. Alors réaliser un film sur les joies de l’été? Il me manque la caméra. Mais lire, je le puis bien. Arrivé chez moi, je relus aussitôt quelques pages de L’été d’Albert Camus. Voilà une façon de célébrer. Ce court essai, publié il y a exactement 70 ans, est lui-même le recueil de huit petits essais, écrits de 1939 à 1953, célébrant, chacun à sa façon, l’été. Le minotaure (1939) nous guide à travers Oran, «ville somnambule et frénétique», et à travers une méditation sur le caractère des villes. Les amandiers (1940) nous emmène à Alger pour croire au renouveau et aux nouveaux départs à travers la contemplation de fleurs blanches. Prométhée aux Enfers (1946) lance un appel à l’audace des esprits insoumis. Petit guide pour des villes sans passé (1947) s’incline face au caractère passionnel des villes d’Algérie, ainsi que de ses femmes, enflammées de beauté. L’exil d’Hélène (1948) nous exile en Grèce, admirant son esprit, qui élève l’amitié en vertu majeure. Quant à L’énigme (1950), point de voyage en vue, mais une réflexion sur la condition d’écrivain et des armes de la littérature contre le nihilisme. Point d’orgue de l’essai, Retour à Tipasa (1952), qui répond seize ans plus tard aux sublimes Noces à Tipasa, la voix étouffée sous les effets de la nostalgie, trouvant au cœur de l’hiver «un invincible été». Pour finir avec La mer au plus près (1953), naviguant de l’Atlantique au Pacifique, goûtant la saveur du risque qu’a la vie. Et vous, comment voulez-vous célébrer l’été?
«L’enfance violente, les rêveries adolescentes dans le ronronnement du car, les matins, les filles fraîches, les plages, les jeunes muscles toujours à la pointe de leur effort, la légère angoisse du soir dans un cœur de seize ans, le désir de vivre, la gloire, et toujours le même ciel au long des années, intarissable de force et de lumière, insatiable lui-même, dévorant une à une, des mois durant, les victimes offertes en croix sur la plage, à l’heure funèbre de midi. Toujours la même mer aussi, presque impalpable dans le matin, que je retrouvai au bout de l’horizon dès que la route, quittant le Sahel et ses vignes couleur de bronze, s’abaissa vers le côté.»
Retour à Tipasa
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