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Chronique

Chronique / Zemmour, Jean-Pierre George et Sollers


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J'ai déjeuné avec le «fils d'Hitler» (comme le surnomment ses ennemis): Eric Zemmour. Je l'ai trouvé d'une vivacité intellectuelle exceptionnelle, d'une curiosité insatiable et d'un jugement sans appel sur la seule chose qui importe quand on fait profession d'écrire: le style. Par ailleurs, il se considère comme un vaillant petit soldat en guerre. En guerre, comme l'était Voltaire. Lorsqu'il vivait en Algérie, le père de sa mère a été poignardé par un Arabe. Je m'abstiendrai de faire de la psychanalyse à deux balles. Mais bon... Il estime qu'on peut dire: «Je n'aime pas les Arabes», sans être raciste pour autant, ce qui me semble élémentaire. Une petite digression: mon ami Djihad a eu les pires ennuis en Tunisie pour avoir écrit que le Coran est l'égout de la Bible... Il faut dire que les musulmans ne portent pas Caraco (le penseur Albert Caraco, ndlr) – à l'origine de ce raccourci saisissant – dans leur cœur.

Bizarrement, Zemmour admire Régis Debray qui l'a défendu lors de la publication du «Suicide de la France». Debray lui aurait dit: «Je suis d'accord avec vous à soixante-quinze pour cent». Mais, en public, il se sent obligé de marquer quelques réticences: le soixante-quinze pour cent devient cinquante pour cent. Dans sa chronique du Figaro, Eric citait la formule acérée – qui devrait séduire même ses plus farouches ennemis par son balancement formel si français – la formule donc d'Alain de Benoist: «L'humanité se présentait autrefois comme un ensemble hétérogène de peuples relativement homogènes. On veut aujourd'hui en faire un ensemble homogène  de peuples radicalement hétérogènes». Quelle horreur, me dis-je en écrivant ces lignes: je déjeune avec Zemmour et je cite Alain de Benoist. L'enfer n'est pas loin. Je ferai mieux de louanger le fade Sollers ou ce minable Alain Badiou. Mon pauvre Roland, plus tu vieillis, plus tu t'égares. Quel naufrage! D'ailleurs, être vieux, c'est n'avoir plus aucune excuse...

Jean-Pierre George, que je retrouve avec toujours autant de plaisir, énonce trois règles fondamentales:

1. N'attends rien des autres

2. N'attends rien de toi

3. N'attends jamais rien du tout, supprime le verbe, supprime l'idée et au besoin supprime-toi!

«On peut se tromper toute sa vie. Mais après ce n'est plus possible», écrit-il. Sans doute a-t-il beaucoup pratiqué Jules Renard. Quand sa mère a reçu son premier livre, elle lui a simplement dit: «Continue, ça te fera une jolie occupation pour ta retraite!»

Les livres qui lui plaisent sont à peu près les mêmes que ceux qui me ravissent: en un mot, ceux dans lesquels je retrouve les vérités anodines que je professe moi-même.

Un écrivain comme Sollers n'est pas un concurrent sérieux: il n'a pas une vie romanesque. Matzneff, c'est une autre affaire. Quant à Jean-Pierre George, qui d'autre à part lui peut écrire: «Ma vie sexuelle me regarde. Avec un air de se foutre de moi?» Ou: «Le 8 avril 1948 (date de sa naissance, nldr), j'ai percuté de plein fouet la réalité; je suis toujours dans le coma».

Déjà à 20 ans, si j'en crois Jean-René Huguenin, il manquait à Sollers le sens du tragique, le goût du va-tout, des grandes folies, du désespoir. «Il est, écrivait Huguenin, dans le prolongement d'une race que je hais, la race de l'intellectuel hanté par le langage, le mot pour le mot, replié sur soi comme une vis sans fin.» On ne saurait mieux dire: à 20 ans, déjà immunisé contre toutes les maladies de l'âme... comment aurais-pu m'entendre avec un mec de ce genre? J'en ai connu à Lausanne de moins brillants que lui certes, mais déjà châtrés par la littérature. Il faut choisir: être notaire chez Gallimard ou à moitié dingue. Si je m'en veux, c'est d'avoir été trop précautionneux. Peut-être n'avais-je pas les moyens de ne pas l'être.

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1 Commentaire

@contat 16.12.2017 | 01h52

«George sans s»