Chronique / La pasta, c’est sur Insta
Un billet d’humeur pour sourire de nos délires à l’ère de l’obsession alimentaire. Anna Décosterd est auteure du blog culinaire My Sweet Mouette et photographe culinaire autodidacte.
Depuis quelques semaines et l’apparition de l’épidémie de Covid-19, la population a scrupuleusement suivi les recommandations de l’Office fédéral pour l’approvisionnement économique du pays et constitué des réserves. Toutes sortes de réserves. Entre autres, des tonnes de pâtes ont disparu des rayons des magasins. Très bien. Maintenant, il faudra les consommer et donc, pour beaucoup, apprendre à les préparer. Vous n’avez jamais touché une casserole de votre vie? Pas de souci. Instagram est là pour vous apprendre tout ça. Bientôt, nous allons tous être cuisiniers. De haut vol, je vous le dis.
Reprenons depuis le début. Soudain, tout le monde s’y est mis. Posté des photos de spaghettis, de fusillis, de gnocchis, tout mignons dans leur paquet, assortis de commentaires sentant le triomphe du consommateur fatigué par la ruée: «Hé hé, moi, je les ai!». Ok les amis, mais on en fait quoi, de toute cette pasta? Ah, alors là ! Il n’y avait qu’à demander. «30 recettes à base de pâtes!» proposaient certains. «comment ne pas se lasser des pâtes?» se demandaient les autres. Les recettes ont fleuri, avec leur lot de photos plus ou moins réussies. Tout allait bien jusqu’à ce qu’à ce qu’un fin diététicien découvre que les pâtes faisaient grossir. Un vrai danger pour l’humanité, je crois. Il fallait réagir, et vite!
Soucieux de répondre à l’appel du peuple apeuré, et d’étancher notre soif de savoir-faire, les Chefs sont entrés en scène, prêts à tout pour nous apprendre à manger équilibré (il était temps. C’est vrai que l’on ne s’en doutait pas, qu’on ne pouvait pas juste continuer à se goinfrer comme ça). Fini la carbo de Tata Ada et le ragù de Zio Beppo. Dehors, les gueux! L’heure est au raffinement. Comme je l’ai lu dans «My Little Paris» une newsletter que j’adore pourtant: «Votre cuisine est le meilleur restaurant du monde». Ben ça alors. Je ne voudrais surtout pas vous affoler, mais entre confidences des chefs, paniers de saison et cours en ligne, nous n’aurons bientôt plus d’excuse pour ne pas savoir cuisiner.
Vous vous demandez peut-être si tout cela est faisable? Bien sûr que non. Chef cuisinier, c’est un métier. Qui s’apprend, et pas derrière un écran. Mais c’est si beau, si exaltant d’espérer égaler Pierre Hermé et ses macarons pour cause de confinement. Et si jamais vous vous sentez nul, que vous en avez marre de cuisiner, que vous rêvez d’une sortie au resto et que vous avez envie de pleurer, je vous donne mon truc: coupez des oignons et sanglotez discrètement. Ça vous évitera de passer pour un con.
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