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Chronique

Chronique / La France en trois temps

Jacques Pilet

20 juin 2017

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Nous pensions tout savoir de la France. Et voilà qu’elle nous ménage une surprise inouïe. L’élection d’Emmanuel Macron, le déferlement des députés «en marche» avec lui.



Le premier temps de cette année électorale était grinçant. Pendant des mois, on eut droit à des empoignades vénéneuses au sein même de la gauche et de la droite. A des complaintes sans fin sur la déprime collective, sur le cauchemar du chômage et de la pauvreté. A des philippiques, dans tous les camps, celui de Macron à part, contre l’Europe, contre l’Allemagne, contre la mondialisation. Nos voisins paraissaient s’enliser pour longtemps dans l’amertume et le repli.

Et soudain un mouvement tout neuf, emmené par un ambitieux fort doué, balaie le paysage. Réduit les partis traditionnels à de vieilles peaux. Chasse les caciques accrochés depuis longtemps au pouvoir dans les deux camps. Marginalise et divise même la mouvance populiste à laquelle tant d’observateurs promettaient l’heure de gloire. Ce que l’on disait impossible, l’émergence du centre est arrivé. Un centre qui déborde toutes les lignes. Avec l’arrivée de nombreux puceaux de la politique. De pucelles aussi. Le nouveau parlement comptera plus de femmes que jamais. La «République en marche» dispose de la majorité absolue (359 députés sur 577).

La désertion de la politique

Quel ressort de la psychologie collective s’est-il déclenché? Il y a peut-être plusieurs étages dans la tête politique des Français. Celui de l’humeur colérique. La révolte sociale et sur l’autre bord, le ras-le-bol face à l’Etat tentaculaire. De part et d’autre furent rabâchées les antiennes attendues. Mais elles finirent par lasser. Qu’apparaisse un discours apparemment nouveau et voilà que les mêmes mécontents se surprennent à espérer un changement, un état d’esprit enfin positif. Et ils misent sur la nouveauté. Les pulsions civiques sont plus complexes que le spectacle médiatique l’a donné à croire.

Ce débat des derniers mois a révélé un phénomène qui pourrait bien dépasser le cadre français: la désertion de la politique. Au sens de l'affrontent des idéologies. L'individualisme désabusé s'est étendu à de larges tranches de l'opinion. D'une certaine façon, le vote Macron est l'expression de cet abandon. Tout comme l'abstentionnisme, plus haut que jamais dans la République.

Le président «jupitérien» a conquis un grand pouvoir. Pas tous cependant, le Sénat lui échappe encore. Les citadelles locales et régionales ne sont pas toutes de son bord. L'opposition des Républicains ne sera pas négligeable (126 députés). Les coups de gueule de l'extrême-gauche (26 députés) et de l'extrême-droite (8 députés) non plus. Quant aux malheureux socialistes (44 députés avec les divers gauche), ils mettront longtemps à se remettre du terrible choc.

Des gages à droite et à gauche

Conscient que l’état de grâce ne durera pas, Macron veut aller vite dans la mise en œuvre de son programme qui donne des gages à droite et à gauche. Il veut relancer, avec l’Allemagne, une Union européenne essoufflée. Grand bien lui fasse.

Mais ce deuxième temps triomphant fera place tôt au troisième. Celui du retour des colères. Surtout sociales et syndicales. La rue s’échauffera vite à la rentrée. Les déçus et les abstentionnistes de l’élection parlementaire sont tapis dans l’ombre. Ils pourraient se mobiliser dans diverses formes, à l’écart des partis discrédités.

Il n’en reste pas moins que l’immense soulagement exprimé chez les partenaires de la France est aussi partagé par tout un pan de sa société. Celui des plus favorisés. Aussi peut-être chez nombre de laissés pour compte qui, eux aussi, sont fatigués des vieux discours et des promesses utopiques. Ceux-ci ne sont pas euphoriques pour autant.

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