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Chronique

Chronique / La cuisine télévisée, c’était mieux avant

Anna Décosterd

17 février 2020

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Un billet d’humeur pour sourire de nos délires à l’ère de l’obsession alimentaire. Anna Décosterd est auteure du blog culinaire My Sweet Mouette et photographe culinaire autodidacte.



Cette semaine, j’ai envie de vous parler de télé-crochets culinaires. Et plus particulièrement de Top Chef, l’émission phare de M6, celle que tous les amateurs de cuisine télévisée (j’avoue, j’adore, c’est mal, je sais…) attendaient avec impatience chaque fin janvier.

S’ils attendaient, ils n’attendent plus. Pourtant, M6 fait des efforts pour ranimer le moribond. Elle a déplacé la date de la 11ème saison de fin janvier à fin février 2020. Sur le site de la chaîne, on parle d’impatience, de nouveau jury… Mais comment créer du suspense alors que Top Chef n’est plus qu’un ennui sans fin? Millimétrée, aseptisée, sur-contrôlée… Elle ne nous présente plus que des candidats triés sur le volet, déjà étoilés, dans tous les cas fin prêts, entraînés pour le concours comme le seraient des chevaux de course. Bien sûr, ils sont brillants.

Mais… Je me rappelle encore de la première saison. Une dame au caractère épouvantable, prénommée Stéphanie, se battait avec la rage des désespérés pour y arriver. J’ai tremblé, encouragé et tellement ri… Elle a gagné. Oui, elle engueulait tout le monde. Oui, elle a fait des coups tordus pour arriver à ses fins. Oui, mais celle qui faisait de la tambouille de survie dans un bouiboui du Sud de la France avait ensuite repris les cuisines d’un célèbre palace grâce à sa victoire dans l’émission. Elle voulait une revanche sur la vie, elle l’a eue. C’était beau. Et rigolo.

Voulez-vous savoir pourquoi je suis devenue une vieille schnoque, adepte du «c’était mieux avant»? C’est la faute de Maïté. Vous ne savez pas qui c’est? AHA… Que la fête commence! Amis lecteurs, ressortez des tréfonds de Youtube (on repart tout de même en 1983) l’émission «La cuisine des mousquetaires», avec Maïté et Micheline, animatrices rondelettes, munies de chemisiers, mise en plis et tabliers, comme ceux de ma prof d’économie familiale de l’époque. Le spectacle était total. Des maillets volaient, assommaient des anguilles et des cameramen en un seul trajet (hou là là soupirait Maïté), des sangliers se retrouvaient cul-nu, vêtus uniquement de leurs chaussettes, des coqs perdaient leurs plumes pour aller au bain (de vin). Micheline tentait l’approche pacifique, alors que Maïté moulinait du couteau de boucher et faisait des allusions salaces, comme plus jamais on n’oserait l’imaginer à l’heure de midi, et pas seulement pour cause de #metoo.

Aujourd’hui, j’aime toujours les émissions culinaires. Un peu par méchanceté, mais surtout par désir d’humanité, ce que j’aime y trouver, ce ne sont pas seulement les exploits de brillants cuisiniers, mais aussi les ratés. Et c’est bien ce qui me manque dans Top Chef. Les gâteaux qui ressemblent à des bouses de vache. Les glissades sur un bout de salade. Les assiettes dont on n’arrive pas à déterminer le contenu. La perfection est devenue une norme, partout, tout le temps. Exit les cuistots de campagne surgis de nulle part. Au revoir les plats dressés à la louche, par manque de temps, de technique ou d’imagination. Adieu, candidats en larmes, surpris à se ronger les ongles d’angoisse devant un devoir trop difficile. On assure. Top Chef, comme tant d’autres, est devenu une vitrine: très belle certes. Mais statique. La vie est mouvement, Top Chef sent le sapin.


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