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Chronique

Chronique / De l'enfer libyen à la lèpre hongroise


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Le philosophe Boris Groys dit un truc assez pertinent, mais qu'en général on préfère esquiver, à savoir qu'il y a une étonnante homogénéité du discours critique occidental qui ne change jamais sa constitution, mais seulement de temps en temps son orientation.



Cette homogénéité est due en très large partie au fait que le discours critique, en Occident, circule avant tout comme une marchandise sur le marché des média. Il s'agit d'un discours sophistique standardisé que l'on peut utiliser à l'envi pour n'importe quelle stratégie politique. Dans quelle société, en effet, le corps n'est-il pas réprimé? L'homme n'est-il pas traumatisé? Le sujet n'est-il pas la proie de désirs contradictoires? L'humain n'est-il pas menacé par la machine et l'humanité par la crise? Le puritanisme n'est-il pas la chose la mieux partagée du monde? Ces politiciens qui nous dirigent ne sont-ils pas fous, pervers ou corrompus? La réponse est: aucun. Il s'agit donc d'une critique dotée d'un potentiel de vente infini.

Quand on on a pigé cela, on peut suivre l'actualité d'un œil goguenard. Surtout quand chaque commentateur s'appesantit sur l'enfer libyen que fuient les migrants après avoir été dépouillés, battus à mort, violés et que sais-je encore. Chaque réfugié répète sa leçon. Et même sans jamais avoir été en Libye, personne n'ignore que s'il y a un enfer, c'est là qu'il se situe. En attendant que le filon soit épuisé et que la propagande nous propose un autre pays qui propage une forme de lèpre: la Hongrie par exemple qui refuse de se plier aux diktats de Bruxelles. Et les gogos de pleurnicher ou de s'indigner!

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