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Chronique

Chronique / Cochon qui s'en dédit!

Anna Décosterd

16 décembre 2019

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Un billet d’humeur toutes les deux semaines pour sourire de nos délires à l’ère de l’obsession alimentaire. Anna Décosterd est auteure du blog culinaire My Sweet Mouette et photographe culinaire autodidacte.



L’autre jour en faisant mon marché au centre de Lausanne, j’ai vu quelque chose, comme ça, en passant. Quelque chose que je n’avais pas vu depuis si longtemps que j’ai soudain eu un doute. Aurais-je rêvé? Eu la berlue? J’ai rebroussé chemin pour vérifier. Non, je ne m’étais pas trompée. Il trônait là, bien en vue, blanc et crémeux: un pot de saindoux.

Mazette. Du SAINDOUX? Ce tueur silencieux, ce bouche-artères censé vous envoyer ad patres en moins de deux, avec une pancarte «pêché de gourmandise» bien accrochée dans le dos, à la place des ailes? Oui, c’était bien lui. «Et ça se vend?», ai-je demandé à la vendeuse. «Il y a un regain d’intérêt, c’est pour cela qu’on le propose», me répondit-elle logiquement. Question stupide, j’en conviens. Un peu sonnée, je suis rentrée chez moi, des souvenirs de petits déjeuners polonais plein la tête. Le préféré de ma maman? Une tartine de saindoux sur du pain au levain, accompagné de rondelles d’oignons frais. L’âge de ma maman ne regarde qu’elle, mais je constate qu’à l’orée de mes 50 ans, elle se porte comme un charme, fait du vélo, du kayak et du camping, et ne se présentera certainement pas devant Saint-Pierre sans une jolie paire d’ailes, plutôt qu’une vilaine pancarte.

En pensant à la voie céleste qui nous mènera vers d’autres cieux, je sens poindre un sourire sardonique tout au fond de mon cœur: et si je faisais des pommes de terre rissolées au saindoux? Avec un joli verre de rouge, pour faire glisser le gras…Tant qu’à faire, je voudrais commencer par le paradis sur terre.

Pourquoi ce retour en grâce du gras? Le diable se cache dans les détails (et non dans le cochon, comme on l’a cru longtemps). Ce qui nous rend malades, ce n’est pas le gras en soi. C’est sa transformation industrielle. Entre un produit parfaitement artisanal, comme le saindoux de mon boucher préféré, et le paquet de charcuterie de la grande distribution, il y a un monde, rempli de poisons divers, concoctés par nos amis de l’industrie.

Ensuite, comme je l’ai appris en préparant cette chronique, le goût du gras serait inné, (tout comme celui du sucré, du salé, de l’acide ou de l’amer, sans oublier l’umami), selon les recherches du Professeur Besnard, publiées dans Physiological Reviews. Le retour du saindoux serait donc simplement lié à notre condition de mangeurs humains? J’avoue que l’idée me plait.


Retrouvez photos et chroniques food sur le blog d'Anna et sur son compte Instagram

VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

4 Commentaires

@Rigou 16.12.2019 | 10h02

«Depuis toujours je cuisine les röstis avec du saindoux que j'achète à la Migros. "Celui qui n'a jamais mangé des röstis au saindoux, n'a jamais rien mangé de meilleur"! Je tiens cette expression d'un trappeur canadien qui mangeait des tartines à la graisse d'ours.»


@Bogner Shiva 212 16.12.2019 | 19h18

«Il y a saindoux et saindoux....du saindoux de porcs industriels que l'on trouve en grande surface est une catastrophe point de vue santé ! Pourquoi ? Facile, les cochons sont forcés à grand coup d'antibiotiques et de farines d'origine indéterminées, le cochon étant omnivore on peut craindre le pire ! Et on ajoiute à ça une teneur en Omégas 6 catastrophique, dûs au maïs utilisé pour nourrir les porcs. Qui dit Omégas 6 dit cholestérol, symptômes inflammatoires aigus et autres cochonneries propres à boucher des artères. Par contre des porcs élevés dans le respect de leur alimentation naturelle là on a du saindoux sain parce que bourré d'Omégas 3 ! Mangez un bon Patanegra espagnol, qui se nourris de glands, là le gras est sain, le pire je crois par rapport aux corps gras c'est le foie gras d'animaux malades gavés au maïs ...et hoppp Omégas 6 en quantité industrielle... Donc saindoux d'ours ou cochons "naturels" oui ! Saindoux Migroop etc etc etc ...heuuuu caca !!!»


@Elizabeth 16.12.2019 | 21h24

«D'accord, d'accord, à la lecture de ces commentaires, je vais essayer vos rösti au saindoux. Mais je doute que, dans le genre, quelque chose surpasse les pommes de terre rissolées à la graisse de canard !»


@Rigou 18.01.2020 | 11h51

«Pour revenir à mon commentaire du 16.12.2019, j'ai enfin obtenu une réponse de la Migros au sujet de la qualité de leur Saindoux M-Classic.
Voici donc la réponse de la Migros suite à ma question auprès de leur service clientèle:

Monsieur,

Nous vous remercions de votre message concernant la graisse de porc Saindoux M-Classic et de la photo que vous y avez jointe. Nous sommes très heureux de l'intérêt que vous portez au bien-être animal.

Nous apprécions que vous nous donniez la possibilité de prendre position à ce sujet.

Le bien-être animal est une préoccupation importante pour Migros. Aussi Migros impose-t-elle des exigences rigoureuses à ses fournisseurs en matière de traitement des animaux. Nous veillons fortement à assurer que la viande, les produits laitiers et les œufs soient d'origine suisse. S'agissant de la viande de bœuf, de veau et de porc et des produits issus de la pêche, ils proviennent à raison de plus de 90% de la production indigène. Pour les produits laitiers, la part des produits suisses atteint quasi 100%. Dans la restauration aussi, le pourcentage de viande suisse est très élevé. Depuis le début de 2015, Migros ne propose que de la viande de bœuf, de veau, de porc et de poulet d'origine suisse dans ses restaurants et Take Away.

Afin de garantir le niveau élevé des standards helvétiques en matière de bien-être animal pour l'ensemble de son assortiment, y compris pour les produits d'importation, Migros a élaboré des directives contraignantes à l'intention de ses fournisseurs étrangers. Établies en collaboration avec des experts externes, ces règles s'inspirent de la législation suisse. Pour chaque catégorie d'animaux, elles portent sur cinq volets principaux:

- Élevage
- Santé des animaux
- Alimentation
- Transporteur des animaux vivants
- Abattage

C'est avec plaisir que nous avons contacté notre producteur suisse de graisse de porc. Voici ce qu'il déclare à ce sujet.

La graisse que nous transformons dans notre usine provient des abattoirs de Suisse. Les porcs qu'ils utilisent à cet effet sont principalement d'origine suisse. Cela signifie que l'élevage répond aux exigences suisses en matière de protection animale. En particulier, l'utilisation de farines animales et de stimulateurs de performance antimicrobiens ainsi que d'hormones est interdite.

Grâce à la production industrielle dans notre usine, la composition en acides gras de la matière première reste inchangée et les éventuels résidus sont éliminés par le processus. Nous attirons également l'attention sur le fait que la graisse de porc contient environ 8 g/100 g d'acides gras oméga-6, ce qui est nettement inférieur à l'huile de colza, par exemple, qui a deux fois plus d'acides gras oméga-6. De même, le rapport entre les acides gras oméga-3 et oméga-6 est de 13,8 pour la graisse de porc. La loi impose un rapport de 5 à 15 pour les aliments pour nourrissons. La répartition des triglycérides dans la graisse de porc est très proche de celle du lait maternel."

Pour conclure, je souhaite citer un verset de la bible:

Ce n'est pas ce qui entre dans la bouche qui souille l'homme; mais ce qui sort de la bouche, c'est ce qui souille l'homme. Matthieu 15:11»