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Analyse

Analyse / La tentation totalitaire nous guette

Guy Mettan

8 décembre 2020

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Quand les historiens du prochain siècle écriront l’histoire du XXIe siècle au temps du Covid-19, ils seront sans doute atterrés par la facilité avec laquelle notre génération aura cédé à la tentation totalitaire et renoncé à ses idéaux de liberté au profit d’une illusoire sécurité.



Les plus grands dissidents soviétiques, Alexandre Soljenitsyne et Alexandre Zinoviev, qui avaient passé leur vie à dénoncer le totalitarisme communiste, avaient déjà essayé d’attirer notre attention. Une fois passés à l’Ouest, ils avaient été épouvantés par notre tendance à céder aux séductions d’un totalitarisme aussi doux, libéral, avenant, bienveillant qu’insidieux. Ils ont tous deux écrit plusieurs livres à ce sujet, publiés à L’Age d’Homme à Lausanne dans les années 1990. Ils n’ont pas été entendus. Trop iconoclastes, trop contraires aux idées reçues, des discours de radoteurs fatigués d’avoir trop combattu l’ennemi communiste.

Et pourtant, si on se donne la peine de les relire, on constaterait qu’ils anticipent parfaitement le dangereux et apparemment irrésistible basculement de nos sociétés «démocratiques» vers une forme de totalitarisme qui a rompu avec les méthodes hystériques, vociférantes et violentes des fascismes et du communisme pour adopter le langage à la fois alarmant et maternant, anxiogène et sécurisant, cacophonique et très orienté des experts et des politiques ravis du pouvoir qu’on leur a donné sans même qu’ils aient eu à le prendre. 

Nous avons simplement troqué Big Brother contre Big Sister.

Regardez ce qui se passe depuis vingt ans. En 2001, à la faveur d’une attaque terroriste à New York et à Washington, l’Occident adopte en trois semaines des mesures liberticides (le Patriot Act) qui réduisent le citoyen à l’état de mouton (les mesures de sécurité  aux aéroports par exemple). Un mois plus tard, il envahit l’Afghanistan. Puis l’Irak, la Libye, la Syrie dans des guerres qui durent encore. Aucune résistance, à part quelques remous au moment de noyer l’Irak sous les bombes en 2003, tant le mensonge était gros.

En 2008, une énorme crise financière puis économique achève de détruire ce qui restait d’Etat Providence, de combat syndical, d’autonomie des salariés, de sécurité de l’emploi. Saisissant la crise comme une aubaine, la finance, pourtant sauvée de la faillite par les citoyens, et les grandes entreprises réussissent à retourner la situation en leur faveur grâce à la complicité des Etats et des instances supranationales: austérité, délocalisations, démantèlement des derniers filets sociaux, flexibilité, concurrence redoublent d’intensité. La gauche, déjà à moitié convertie avec le blairisme et les «réformes» Hartz de Schröder, démissionne pour s’adonner à ses dadas favoris: les luttes sociétales et la défense des fonctionnaires. Les derniers contre-pouvoirs disparaissent.

En 2020, le couvercle se referme. La pandémie vient parachever le processus en imposant le nouvel ordre sanitaire. Contestataires, sceptiques, simples citoyens éveillés deviennent des complotistes qui compromettent la survie de leurs semblables avec leurs questions dérangeantes. Toujours avec la même méthode: d’un côté, on distille la peur (du terrorisme en 2001, du chômage en 2008, du Covid en 2020) et de l’autre, on offre la solution clé en main (l’état d’urgence et de guerre contre ces ennemis supposés). 

Silence, on ferme! Les stations de ski, les bistrots, les fêtes de famille, les EMS, les petits commerces, les églises, les réunions d’amis. Télétravaillez, regardez Netflix et dormez, Big Sister veille sur vous!

VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

12 Commentaires

@ArnaudVS 08.12.2020 | 10h24

«« des experts et des politiques ravis du pouvoir qu’on leur a donné sans même qu’ils aient eu à le prendre »
Jacques Martin aurait fait passer ça dans « Incroyable mais vrai »»


@Rigou 08.12.2020 | 16h16

«Magnifique. On ne pourrait mieux définir la situation actuelle. En conclusion je citerais Mark Twain: "Il est plus facile de tromper les gens que de les convaincre qu'ils ont été dupés". »


@Gamuret 08.12.2020 | 18h43

«Bonjour !
Je serais tenté de demander à M. Mettant quelques références par rapport aux livres publiés aux Éditions l'âge d'Homme.
Merci d'avance !
Philippe Henry »


@GFTH68 09.12.2020 | 13h48

«Effectivement, la situation est loin d'être normale... et acceptable.»


@joly.tramelan 13.12.2020 | 08h54

«Excellent article ! Bravo !»


@Clive 13.12.2020 | 10h25

«On peut voir les choses ainsi....Big Sister, jolie trouvaille ! Mais, au fond, n'y a-t-il pas d'abord la tendance lourde du capitalisme de marchandiser tous les aspects de la vie humaine ? La culture y est passée maintenant depuis plusieurs décennies : ses acteurs l'acceptent puisque l'argument qu'ils avancent pour obtenir des aménagements aux mesures COVID, c'est leur part dans le PIB...plus grand que celui des stations de ski ai-je entendu.
Comme la marchandise est par définition mesurable monétairement, c'est le règne du chiffre qui s'impose. A propos de la pandémie, c'est l'argument ultime, nous sommes ensevelis sous des chiffres qui ne sont souvent pas mis en contexte. Jung, dans Présent et Avenir écrit en 1957, analysait déjà cette tendance à réification de l'individu. Il disait que dans le nombre 1'000'000, ce qui comptait c'était le 1. Cela pour dire que les experts se sont emparés de domaines précédemment peu quantifiables comme la culture, l'éducation, le travail social, la santé et ont tout mis en chiffres. La social-démocratie y a contribué en fournissant modèles et spécialistes issus de ses rangs. C'est l'aspect Big Sister...
Et comme l'Etat est le moyen souvent utilisé par la gauche pour faire avancer les intérêts de ses électeurs (le nombre des voix face aux nombres immenses du capital), c'est le glissement vers la trop grande intrusion de l'Etat dans la vie personnelle, toujours évidemment au nom du bien-être général. En 1978, François et Claire Masnata forgent le terme de "soft goulag" pour décrire cette tendance, favorisée par la politique du consensus en Suisse (in Le Pouvoir suisse).
Le totalitarisme, c'est d'abord celui de la logique capitaliste avec sa tendance continue vers la croissance quantitative et les multiples dégats personnels, sociaux et naturels que cela entraîne. Il y aurait encore beaucoup à dire, mais cela suffit pour l'instant...»


@Pap'Alain 13.12.2020 | 14h16

«J'espère que vous vous dresserez avec autant de hargne et de constance contre le "Patriot Act" à la sauce helvétique discuté ces derniers jours aux chambres fédérales que celles développées contre une lutte inégale portée à l'encontre de la pandémie, sans que vous apportiez le moindre début d'une proposition de solution. Vous vous trompez de cible, M. Mettan, le dictateur c'est SARS-CoV 2 secondé par la cacophonie que vous contribuez à entretenir ! Comme c'est une problématique qui semble échapper à votre entendement, demandez à visiter les unités d'urgences et de soins intensifs de nos hôpitaux. Et, une fois que ce sera possible, faites-vous vacciner car Covid est une maladie à ne souhaiter à personne.
Dr Alain Frei
»


@Philemon 13.12.2020 | 16h48

«Intéressant article. Je me demande ce que penserait Alexeï Navalny. Vous avez de ses nouvelles, M. Mettant?»


@guy.mettan 13.12.2020 | 17h48

«Merci pour vos commentaires
D’Alexandre Zinoviev, je recommanderais L’occidentisme (Plon, 1995) et La suprasociete globale et la Rusdie a l’Age d’Homme (2000)
De Soljenytsine L’erreur de l’Occident et Nos Pluralistes, 1989 et 1983.
Au Dr Frei, je répondrai simplement que je ne remets nullement en cause la nocivité du virus et les mesures de protection mais la politique de la peur qui l’entoure, la cacophonie des scientifiques sur le maque et des traitements comme la chloroquine (cf la retraction du Lancet) ou le redemsivir (cf article du Temps et position de L’OMS. Ce n’est pas moi qui ai inventé la cacophonie scientifique sur le Covid-19. Et je reste persuadé que nous n’avons pas à renoncer à notre droit démocratique de poser des questions quelque que soit la gravité de la pandémie, ce droit devenant même un devoir quand ces dégâts sociaux et économiques deviennent colossaux...»


@Pap'Alain 14.12.2020 | 01h53

«M. Mettan,
Loin de moi l'idée de vous surestimer et vous considérer capable à vous seul d'inventer toute cette cacophonie. J'ai simplement dit que vous y contribuez inutilement et que vous alimentez à votre tour le climat d'insécurité. Bien sûr que quelques-uns des experts médicaux médiatiques y ont contribué. Mais l'histoire des masques et des controverses psycho-dramatiques autour des traitements, c'est déjà du passé. Le corps sanitaire qu'il faut écouter et écouter, c'est celui du terrain, qui mouille sa chemise, s'infecte, s'épuise. La situation est de plus en plus grave, tant sur le plan socio-économique que celui de la santé. La population a besoin de propos plus responsables qu'indociles, de propositions constructives. Les demi-mesures de nos autorités ne font qu'aggraver les catastrophes aussi bien économiques que sanitaires ainsi que le sacrifice de notre jeunesse. Nous avons maintenant besoin de décisions fermes et douloureuses (pas totalitaires !), si possible de courte durée, efficaces, en compensant généreusement les pertes économiques ; il y a des milliards à la BNS qui prospèrent pendant la crise et qui dorment en attente d'une crise, comme si on n'y était pas !!!). Et les milliardaires continuent de s'enrichir massivement ! De l'argent pour soulager les petits patrons et leurs employés, il y en a en Suisse.
Voilà pourquoi je m'élève contre des propos qui fâchent.
Dr Alain Frei»


@GFTH68 18.12.2020 | 23h31

«Les petits indépendants qui ne font pas partie des "cas de rigueur" ne verront certainement jamais la couleur de l'argent de la BNS. Et chez eux, c'est la dégringolade assurée.»


@camomille 24.01.2021 | 17h28

«Oui, certes, M. Mettan, je ne peux que vous donner raison, mais cette énumération, ces constats de mise en règle, qui les a combattus? L’indignation « écrite » ne va rien changer sur le fond, la mécanique est bien réglée, on nous soumet au sort de la grenouille dans sa casserole, chauffée si progressivement qu’elle s’habitue, avant de mourir ébouillantée...Qui à la force et le courage de sauter hors de la casserole ? Vous?
Camille Foetisch»


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