Analyse / Joseph, le cocu de la Bonne Nouvelle?
Joseph, le père adoptif de Jésus, est une figure fondamentale de la tradition chrétienne. Et si, à la veille des festivités de Noël, nous le redécouvrions sous un autre angle? Sans prétendre à une analyse biblique approfondie, cette méditation vous propose, en toute simplicité, une histoire fictive mais vraie de cet homme aussi discret que touchant.
Du côté des sources bibliques, peu de lignes parlent de Joseph. Dans le premier chapitre de l’Evangile selon Matthieu, Joseph est l’homme auquel est promis la jeune vierge Marie. Or il se trouve que la Sainte Vierge ne paraît plus si vierge que cela… Joseph, le cocu de la Bonne Nouvelle? Peu d’éléments lui prouvent le contraire. Cette femme qu’il n’a encore pas touchée est enceinte.
De toute évidence, il le prend mal. Sans esprit vengeur, il s’apprête à répudier Marie, comme l’exige la Loi juive. Mais secrètement, pour ne pas qu’elle soit bannie de la société et humiliée. Niveau cocu vexé, on a vu pire. Et puis un ange lui apparaît en songe: «Ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse: ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit Saint et elle enfantera un fils auquel tu donneras le nom de Jésus.»
Y croit qui veut. Moi j’y crois, mais cela importe peu. Ce qui importe, c’est la confiance de cet homme qui, sans être le dernier des idiots, croit aux paroles de l’ange, il dépasse sa tristesse et les lois pour garder Marie avec lui. Dans la douceur, dans le silence, il prend soin de la jeune fille.
Dans le deuxième chapitre du même Evangile selon Matthieu, Joseph est appelé à prendre son courage à deux mains et fuir en Egypte. A nouveau, l’ange lui a parlé: «Lève-toi, prends avec toi l’enfant et sa mère, et fuis en Egypte; restes-y jusqu’à nouvel ordre, car Hérode [roi à Jérusalem qui voulait la mort de l’enfant Jésus, que les mages ont annoncé comme le Roi des rois] va rechercher l’enfant pour le faire périr.» Une fois que la menace est passée, rebelote avec l’ange: «Lève-toi, prends avec l’enfant et sa mère, et mets-toi en route pour la terre d’Israël.»
Emigrer, en étant menacé de mort, s’installer en Egypte, trouver un travail, faire vivre sa famille, et une fois installé, on lui demande de repartir et de tout recommencer à nouveau. Tout ça avec une jeune femme qui a enfanté d’un bébé qui n’est pas vraiment le sien… Que Joseph ait vraiment existé ou non, que l’ange lui ait vraiment parlé ou non, il faut tout de même reconnaître que cet homme, même s’il n’était qu’un personnage de fiction, a de quoi inspirer. Il invite à la confiance. Il invite à tout donner de soi pour prendre soin d’autrui, même quand on est blessé et qu’on ne sait pas trop ce qui nous arrive.
Joseph, toi qui, sans poser de questions, sans chercher à tout comprendre, as pris ton courage à deux mains, a pris la femme et l’enfant pour les protéger, inspire-nous, donne-nous ta même confiance, guide-nous à travers nos difficultés pour en sortir comme toi tu es sorti. Parle-nous.
Moi, Joseph
Moi, Joseph, j’ai consacré ma jeunesse au travail. Je n’avais le temps ni pour femme ni enfants. J’ai profité de mes amis, j’ai soutenu ma famille. Et puis, un jour j’ai été habité par le désir de choisir une épouse, de me laisser choisir par elle, et de fonder une famille. Une jeune femme, Marie, fille de Joachim et d’Anne, m’a été promise en mariage.
Elle est belle, elle est jeune, elle est fraîche. Je suis amoureux d’elle, alors que je la connais à peine. J’ai été amoureux plusieurs fois dans ma vie, j’ai eu aussi quelques aventures frivoles, mais avec cette jeune promise, mon sentiment est différent. Je suis amoureux, et elle me fascine. Je suis touché par sa pureté. Elle a un quelque chose de parfait, qui fait palpiter mon cœur. Je la désire tellement… mais j’attends que notre union soit présentée à Dieu avant que nos corps s’unissent.
Peu avant notre mariage, je lui trouve une mine différente. Elle a pris des joues. Elle a l’air pleine de grâce, et en même temps mal à l’aise. Elle me regarde. Elle me le dit… «je suis enceinte». Quoi? Toi la pure, toi la belle, toi la vierge, toi qui fais frémir mon cœur comme jamais il n’a frémi, tu salis la promesse de notre union! Tu me blesses, tu me fais mal. Je pleure. Elle baisse le regard, se tait, caresse son ventre.
Je m’endors, sans vraiment m’endormir. Je me réveille, je me recouche. Un nœud envahit ma gorge. Un pauvre con! Voilà ce que je suis, un pauvre con! Je tombe amoureux, je rends grâce à Dieu pour cette fille pas comme les autres dont Il me fait cadeau, mon ventre s’allège de papillons, mon cœur s’ouvre, et voilà que son ventre à elle grossit, son cœur à elle se ferme à moi. La fille a joui sous le corps d’un autre.
Pendant la nuit, je pense, je pense, je pense… annuler le mariage, entamer les procédures de répudiation. Il ne manquait plus que ça maintenant. Et si je passais l’éponge, et si on avançait la date du mariage et que je disais que cet enfant est le mien? Non. Etre bon, je veux bien, mais être pris pour le dernier des imbéciles, non merci. J’ai une dignité à défendre moi aussi. Je me rendors. Je rêve. Un ange. J’ouvre les yeux. Et l’ange est toujours là, face à moi. Il me dit que l’enfant que porte la fille est œuvre de l’esprit de Dieu. Il me dit de ne pas avoir peur.
Au réveil, je me sens tout bête. Moi, à moi, un ange est venu me parler? Je n’y crois pas totalement. Et pourtant, je l’ai vu cet ange. Et pourtant, j’ai envie de lui faire confiance. Marie! Pas de répudiation, marions-nous, je vais prendre soin de toi et de cet enfant. Elle ne répond pas. Elle me regarde, puis me sourit.
Ma femme est grosse enceinte, et un édit de l’empereur nous appelle à un grand recensement, chacun dans sa ville d’origine. Je dois me rendre à Bethléem. Le voyage sera long. Mais ma femme veut m’accompagner. Nous prenons quelques bagages et un âne, et nous partons. Arrivés à Bethléem, elle commence à crier. Je panique. Moi je ne sais pas comment faire moi, dans ces situations! Là on m’en demande trop. Faire confiance, écouter un ange, et prendre une femme d’un enfant qui n’est pas le mien, je veux bien, mais assister Marie dans son accouchement, ça je ne peux pas.
Elle ne tient plus assise sur l’âne. Je bégaie des paroles qui se veulent rassurantes. Je toque à toutes les portes, à toutes les auberges. Personne pour nous accueillir. Personne pour nous aider. Putain, mais c’est pas vrai! Dans quelle galère est-ce que je me suis foutu. Nous nous éloignons de la ville et nous trouvons une ferme.
Je prends la main de ma femme. Elle s’affale, douloureuse, sur la paille. Notre âne s’incline. Il y a un gros bœuf aussi. Il caresse de son museau l’épaule de Marie. Il la réchauffe par son souffle. Elle écarte les jambes. L’enfant pointe sa tête, du sang et une matière visqueuse avec. Je vais m’évanouir. Une force me prend. Et je prends l’enfant. Mes mains rustres se font délicates. J’accompagne de mes doigts le petit corps au sein de sa mère. Je coupe le cordon. Elle pleure de soulagement et de joie. Je la regarde, je regarde le bébé. Je cache mes larmes. Je caches mes jambes qui tremblent sous ma tunique.
Ce bébé, ce n’est pas le mien mais c’est le mien. Je donnerai ma vie pour lui. Mon cœur est rempli d’amour. Un mouton approche, il me lèche la main, il se couche près de l’enfant. Les bergers suivent. Ils nous apportent à manger et se réjouissent de la naissance. Quelques jours plus tard, sur de vaillants chevaux, des hommes vêtus de riches tuniques se présentent. Il apportent des cadeaux à l’enfant. Ils l’adorent à genoux.
Je n’y comprends rien, et pourtant j’ai tout compris. Cet enfant qui m’a été confié est vraiment le Fils de Dieu. Cet enfant, né dans la pauvreté d’une crèche, c’est mon Sauveur, c’est notre Sauveur. Cet enfant, dont je vais prendre soin comme si c’était mon fils, va prendre soin de moi, va prendre soin de nous. Il va nous guérir, Il va nous enseigner. Il va nous annoncer un Royaume, Son Royaume, où il n’y aura plus de larmes, plus de malheur. Il va nous promettre d’être avec nous pour toujours.
Il va donner son corps, donner son sang, donner sa vie. Il va mourir comme une pauvre merde, sous les crachats et les insultes. Et il va vaincre la mort, en ressuscitant d’entre les morts, et nous promettre, à nous aussi, cette même vie qui vainc la mort. Il va nous accompagner, toute notre vie durant, qu’on croit en Lui ou bien pas. Il sera toujours là, attendant que nous lui ouvrions librement notre cœur pour vivre le grand bonheur avec lui. Il sera toujours là, et il est là aujourd’hui.
Il te regarde, tu le regardes, et contre toute attente, tout projet, une larme coule de ton œil droit, et tu Le reconnais comme ton Sauveur. Tu Lui ouvres ton cœur, et ta vie est bouleversée.
Joyeux Noël, et belle année nouvelle, dans la compagnie de Celui que vous n’attendiez pas.
VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
6 Commentaires
@Sauterelle 23.12.2022 | 13h06
«Merci de nous avoir fait entendre la voix de Joseph.
Comme lui, nous devons apprendre à faire confiance à la voix de notre coeur sans comprendre.»
@Marta Z. 23.12.2022 | 13h49
«Très beau texte, très touchant.»
@Flipflap 23.12.2022 | 17h16
«Magnifique! Merci beaucoup!»
@Boas Erez 23.12.2022 | 17h51
«Merci pour ce témoignage personnel de l'importance de la figure de Joseph. Il est peut-être intéressant de rappeler que l'Eglise lui a consacré une année spéciale de réflexions en 2020-2021 (voir https://eglise.catholique.fr/approfondir-sa-foi/temoigner/figures-de-saintete/annee-speciale-dediee-a-saint-joseph/). »
@Eggi 25.12.2022 | 23h09
«Même en-dehors de toute croyance, il existe bien d'autres "Joseph" dans l'humanité, soit notamment des pères dont des enfants ont été conçus par de sains esprits ayant aimé leur mère...»
@LorisSalvatoreMusumeci 30.12.2022 | 13h05
«Merci à tous pour vos commentaires et suggestions ! Je vous souhaite un bon passage à l'année nouvelle, avec l'esprit Joseph dans le cœur, »