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Analyse

Analyse / De grâce, redressons la tête!

Jacques Pilet

6 octobre 2020

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Le port du masque, le télétravail, plus de voyages, plus de poignées de mains... Le coronavirus change nos habitudes, les Etats réglementent et les protestataires sont vite catalogués, stigmatisés. L’obsession sanitaire nous rend fous. Et d’une myopie égocentrique vertigineuse.



Le port du masque en maintes circonstances? Pas grave, c’est bon pour la santé. Comme le rire, selon le mot célèbre. On s’y fait. Il est vrai qu’il y a peu, bien des voix s’élevaient contre le voile qui cache le visage de certaines dames wahabites en promenade sur nos quais. Une provocation face aux mœurs occidentales, un danger pour la sécurité publique, disait-on. Aujourd’hui, elles doivent sourire… sous cape. Car se cacher la bouche et le nez est devenu un signe de vertu civique. Tout change.

Le télétravail recommandé? Pas grave. Bon pour la santé encore. Et pas désagréable non plus! Peinards à la maison… Plus besoin de papoter avec les collègues devant la machine à café. Le risque de se voir un jour remplacer par des télétravailleurs asiatiques ou africains bien moins payés? Mais non! L’intelligence helvétique est insurpassable, n’est-ce pas?

Plus de voyages ou presque. On se passera de l’escapade à Paris, zone décrétée maudite. Comme la Méditerranée française et la Ligurie. Plus question d’Asie, d’Amérique ou d’Afrique. Pas grave, beaucoup qui ont eu la chance de franchir les océans se contenteront de brasser leurs photos d’un autre âge. Et puis la Suisse est si belle. Certes, les Suisses alémaniques, alarmés par leurs journaux, évitent Vaud et Genève. Mais nous, rien ne nous empêche de voir à quoi ressemblent Obwald et Nidwald. C’est dommage pour les jeunes privés de séjours linguistiques et de stages à l’étranger, entend-on. Mais nos écoles sont si performantes dans l’apprentissage des langues. Vous n’aviez pas remarqué? Cela suffit. Un rien nous suffit. Quand c’est bon pour la santé. Et en prime, les écolos nous le rappellent, ne plus voyager, ce serait bon pour le climat.

Plus de poignées de mains. C’est acquis et pour longtemps. Mais quand les amis se retrouvent et se cognent le coude, n’est-ce pas beau et viril? Pour les embrassades, c’est plus compliqué. Personne ne regrette le rite de la bise mondaine. Mais l’effluve furtive de la peau dans le cou d’une belle amie? Il faudra s’en passer aussi. J’ai vu au bas de mon immeuble, mal caché des regards, un couple d’adolescents qui ne respectaient pas, mais alors pas du tout, la distance sociale. Alors qu’ils ne vivent manifestement pas sous le même toit, selon l’exception concédée par les autorités. Reste beaucoup à faire pour convaincre les inconscients que les baisers ne sont pas bons pour la santé.

Regardez plutôt les effets de la crise économique, objectent certains. Les magasins, les hôtels et les restaurants qui ferment, les salariés, surtout les petites mains, qui perdent leur emploi. Certes, c’est triste, mais n’avez-vous pas compris que l’humanité est engagée dans un combat autrement plus vaste que la question sociale, faire reculer les limites de la mort?

Le Parlement se déleste d’une partie de ses compétences, restreint les droits populaires dans une loi qui prolonge l’état d’urgence jusqu’à fin 2021 ou plus. C’est aussi, paraît-il, bon pour la santé. Et puis ainsi les râleurs qui doutent de la démocratie, ceux qui aspirent sans le dire à un pouvoir fort, retrouveront le sourire.

D’accord, il y a aussi des protestataires. Nombreux? Qui sait? Les médias en parlent peu. Même parmi eux des médecins qui doutent de l’opportunité et de l’efficacité des mesures prises, jusqu’à douter, pour certains, de l’utilité du masque. S’ajoutent des obstinés de tout acabit qui mijotent un référendum ici, une pétition là. Tous des complotistes! A qui il arrive en plus de frayer avec des hurluberlus aux théories abracadabrantes. Clouons leur le bec, infiltrons-les, dénonçons-les, punissons-les! Choisissons notre camp entre celui du Bien et celui du Mal!

Bon, fini le rire jaune. On peut respecter la douleur des victimes, des entourages, frappés par une grippe perverse, meurtrière comme l’ont été d’autres vagues dans un passé récent. Et en même temps s’interroger sur les conséquences ahurissantes de la politique des Etats qui sèment la peur chaque jour un peu plus, dans une escalade dont on ne voit pas comment ils pourront s’extraire à l’avenir. L’autre jour le ministre français Véran ressortait des projections par algorithmes sur le nombre terrifiant de morts prévus pour novembre. Alors que dès le début ces jongleurs de chiffres se sont plantés.

L’obsession sanitaire nous rend fous. Et d’une myopie égocentrique vertigineuse. Au regard des ravages de la maladie dans des pays que la misère et la malnutrition rendent particulièrement vulnérables, au regard de ces pans de la planète qui voient leurs ressources vitales se tarir, de ces millions d’enfants du tiers-monde privés d’école, notre fixation sur le nombre de «cas» − alors qu’il n’y a presque plus de décès en Suisse − a quelque chose d’indécent.

Cette trouille qui envahit nos têtes et nos vies, cette docilité, cette étroitesse de vues nous font honte. De grâce, redressons la tête. Il en va de notre dignité et de nos libertés.

VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

17 Commentaires

@Choui65 06.10.2020 | 10h47

«Puissiez-vous être lu et entendu par les "puissants" de ce monde, à commencer par ceux de notre pays !!»


@Logonaute 06.10.2020 | 11h49

«Vous avez mille fois raison, Monsieur Pilet. Je passe mon temps à le marteler à mon entourage, au risque de me faire traiter, moi aussi, de “complotiste“. Mais qui nous écoute encore aujourd'hui? Il y a certes des gens conscients de cette fuite en avant absurde, trop occupés cependant à leurs soucis quotidiens pour s'infliger encore la corvée de la parole civique. Cela rend d'autant plus méritoire l'effort et le courage de ceux qui osent dire leur désaccord, y compris les gens les plus “normaux“ qui ne font valoir aucune théorie conspirationniste, mais en ont juste assez de cette politique de la peur permanente. L'autre jour, un article du Temps (qui est hélas devenu ces dernières années un torchon bien-pensant) les a même traités de “dissidents modérés“. Voilà où on en est...»


@Ph.L. 06.10.2020 | 12h31

«"L'obsession sanitaire nous rend fou", certes, mais disons plutôt que la pandémie a rencontré une certaine forme de folie - ou plutôt une faiblesse d'esprit - qui était déjà bien là dans nos sociétés vieillissantes, désormais sans courage et sans plus de fermeté devant la vraie vie et sa dureté effective, perclus que nous sommes de vieilles utopies putréfiées qui n'en finissent pas de se décomposer... Demandez-le à Roland Jaccard!
Cela dit, s'il faut résumer l'affaire, on peut raisonnablement penser qu'il ne s'agit plus que d'une gestion cacochyme des files d'attente, étant entendu que la maladie, quand elle est correctement prise en charge, est d'une faible létalité et que notre système de santé public se montre incapable d'absorber une épidémie un tant soit peu développée. En gros, il suffit d'une alliance malheureuse entre des médecins plus ou moins réduits à l'impuissance et des gestionnaires aux petits pieds pour que toute une société se fige.»


@Chuck50 07.10.2020 | 13h38

«Très juste, redressons la tête mais levons aussi le coude.
Au fonds, l’idée à Dump ne pas fausse, mais ce ne pas recommandé de rincer le gosier avec de l’eau javel. Mieux vaudrait peut-être des pastilles ou bonbons, comme pour une grippe ordinaire. Le virus survit apparemment des heures sur les poignées de portes alors combien de temps dans la gorge, bien protégé du froid par un masque.
L’industrie de la maladie préfère opter pour un vaccin qui coute ... euh bonbon.
En ce qui me concerne, nous ouvrons régulièrement une bonne bouteille bien de chez nous. L’efficacité contre le virus n’est pas encore prouvée mais au moins nous soutenons notre industrie locale. Santé.
»


@GFTH68 11.10.2020 | 16h19

«Les petits entrepreneurs y perdent beaucoup. Justement ceux que l'on devrait choyer puisqu'ils travaillent de manière locale. Mais là, c'est l'hécatombe. »


@Debali 11.10.2020 | 17h02

«La difficulté pour le citoyen « lambda » non scientifique que je suis est d’avoir une opinion sur ce sujet alors que la communauté scientifique semble très partagée sur divers sujets touchant à cette épidémie et à cette très récente maladie dont on apprend tous les jours (notamment sur les potentielles conséquences à long terme sur les personnes malades après leur apparente guérison) Il me semble que nous devrions faire preuve d’humilité face à cette situation et tenter de trouver le meilleur équilibre possible entre protection sanitaire des personnes à risques et liberté individuelle ayant notamment un impact sur notre économie et donc au final sur de très nombreuses personnes. A ce jour à l’exception de la très mauvaise application du plan de pandémie, notre pays ne s’en sort pas si mal. Ce que je n’explique pas c’est la différence entre la région lémanique et certains cantons alémaniques où les mesures sont moins contraignantes et malgré cela la situation mieux maîtrisée avec un impact économique bien moindre . Pourquoi cette différence ? »


@automne 11.10.2020 | 17h09

«Bravo, Monsieur Pilet! Il nous faut des voix (connues) pour dire ce que beaucoup de gens pensent tout bas. Avez-vous remarqué comme c'est tabou de critiquer les mesures, les gens vous l'avouent à demi-mots et quand ils ont compris que vous êtes aussi critiques, alors ils se lâchent, complètement libérés! Tout ça soit disant pour nos têtes blanches... sauf que les personnes âgées n'ont rien demandé et sont doublement victimes, puisqu'ils leur vie est devenu un enfer de solitude!
»


@janoux 11.10.2020 | 17h18

«Merci Jacques Pilet pour ce texte si pertinent qui explique modérément mais très clairement, si on sait lire entre les lignes, toutes les incohérences et petites manipulations covidiennes. Je me suis délectée de vos lignes - même en souriant un peu jaune vu les événements que l'on vit. Avec mon bon souvenir. Janine Schreyer »


@Roland J. 11.10.2020 | 17h29

«C’est sans déplaisir que nous quitterons un monde sans plaisirs ! Félicitations à Jacques Pilet de nous rappeler qu’un peu de modération dans les mesures sanitaires remplacera avantageusement des traitements barbares qu’à titre personnel je considère comme pires qu’une mort douce... »


@Chriscriss 11.10.2020 | 18h55

«Un petit bijou d’article plein de bon sens... merci merci merci! »


@GeorgesJ 11.10.2020 | 22h38

«C’est vraiment Excellent pour la tête de vous lire. Nous sommes dans un délire mondial et, si l’on peut comprendre la prudence des politiques au début de cette épidémie, il serait bon pour tous qu’ils commencent à reconnaître leurs erreurs d’appréciation et qu’ils arrêtent de suivre les recommandations des vendeurs de vaccins... Les décisions se prennent sur la base de chiffres qu’ils oublient d’étudier sérieusement. »


@Eggi 11.10.2020 | 23h52

«Je ne peux dire bravo à un journaliste qui, certes, relève quelques erreurs et incohérences de nos politiques (la perfection est-elle de ce monde?), mais qui ne suggère comme solution que de relever la tête ... pour ne rien voir des réalités de notre société en période de pandémie?
De toute façon, commencer un article en comparant femmes voilées musulmanes et gens portant un masque pour éviter de propager un virus relève de la naïveté, voire du sophisme...»


@joly.tramelan 12.10.2020 | 09h38

«Comme d'habitude Monsieur Pilet, vous mettez en plein dans le mille ! »


@Chouquinette 12.10.2020 | 18h24

«Oui, Monsieur Pilet, il faut hurler à notre gouvernement que leur chantage est indécent, absolument indécent.
Et entrer dans la responsabilité personnelle, définitivement. On ne peut pas assassiner l'économie et le revenu du citoyen plus longtemps. Pour une mortalité inférieure à 1 % de la population. C'est un scandale qui doit cesser !»


@Lima 12.10.2020 | 20h07

«... a quelque chose d'indécent.
Je vous rejoins dans la quasi totalité de vos propos et totalement sur cette forme de conclusion.»


@Liliane 12.10.2020 | 22h43

«Merci, comme cela fait du bien de lire des propos de bon sens et de lucidité. Par les temps qui courent, c’est devenu des perles rares surtout dans les media. En espérant trouver sur Bon pour la Tête beaucoup d’enquêtes et d’analyses permettant de raison garder dans cette époque délirante. »


@camomille 15.11.2020 | 15h27

«Merci M. Pilet! Ça m’a fait du bien de vous lire!»


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