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Ce mot, mondialisme, désigne une idéologie. Celle d’en finir avec le pouvoir des nations, d’en transférer les compétences à des organisations internationales, d’ouvrir les frontières. Cette doctrine a enflammé les débats ces dernières années à travers ses pourfendeurs, les souverainistes de gauche et de droite. Et voilà que Trump débarque et fracasse la vision que l’on avait du commerce international. Comment s’y retrouver?



Beaucoup, parmi ceux qui voient dans la frontière nationale la réponse à tous les défis, avaient de la sympathie pour Trump, mais là, c’est un peu trop. Ils ne cachent pas leur trouble. Ceux qui au contraire rêvent d’un monde ouvert le plus librement possible aux échanges, pas seulement économiques, sont atterrés. Ils doivent bien reconnaître que le commerce international débridé a inquiété non seulement un Américain sur deux mais bien des peuples européens. D’autant plus que l’organe chargé de poser quelques règles contre les abus, pour l’équité entre grands et petits pays, l’OMC sise à Genève, a été de facto privée de ses pouvoirs depuis 2017. Bref, il s’agit de revoir la question de fond sans préjugés, avec calme et réalisme. En dépassant les émotions du moment devant les abîmes et les rebonds des bourses. Même si ce tohu-bohu fait et fera mal. Les chantres du protectionnisme comme ceux du libre-échange doivent ouvrir les yeux sur le fait que les Etats-Unis, depuis fort longtemps, dictent leur vision politique et économique partout où ils le peuvent, par tous les moyens.

Et comme un pied de nez aux tenants de la globalisation, voilà que l’on apprend que Klaus Schwab, sa figure emblématique, se retire du WEF de Davos! Sans lien avec les décisions de Trump, mais en raison d’accusations de harcèlements et discriminations dans son équipe. Tiens, tiens, cela n’a pas fait grand bruit. 

Trump va vers la tempête

On ne va pas broder ici sur les effets de la hausse massive et universelle des droits de douane américains, abondamment commentée. Même si elle est repoussée de quelques mois (sauf pour la Chine), elle plonge le monde dans l’inconnu. Avec des dégâts partout, aux Etats-Unis aussi. Il est assez clair que cette avalanche de taxes ne suffira pas à combler le déficit gigantesque des States ni à permettre de baisser les charges fiscales comme espéré. Quant à la réindustrialisation, il ne suffit pas de la décréter. C’est un effort à long terme, un besoin de compétences pas faciles à trouver. De plus toute fabrication sophistiquée exige des composants rares que l’on trouve surtout… en Chine. 

Trump va vers la tempête. Des sénateurs de son camp grognent. Elon Musk s’oppose à lui et préfère les traités de libre-échange. Bien d’autres acteurs économiques partagent cet avis. L’affrontement particulièrement violent avec la Chine fait peur. Suspense. Les deux géants souffriront de cette guerre, devenue une obsession américaine. Quelle qu’en soit l’issue elle aura de puissants effets, directs ou indirects, sur la géopolitique mondiale. Partout.

Et nous, Européens?

Si longtemps habitués à applaudir et à suivre le méga-pouvoir de Washington en tout, nous voilà ébaubis. Qu’il est touchant, ce Monsieur Ermotti, big boss de l’UBS qui avoue: «Je n’aurais jamais cru un tel dérapage possible!» Il n’avait pas vu le programme de Trump, pas compris que c’est celui-ci qui décide en fait de l’avenir de sa banque fièrement implantée à New York. 

Nous cherchons tous à tâtons la bonne réponse à la provocation, entre effets de manches et quêtes de compromis. D’avis fort divers. Le choc sera-t-il salutaire ou empirera-t-il les difficultés économiques à long terme? 

Plus de 70 pays se sont pressés en hâte à Washington pour négocier des arrangements. Ce qui met Trump en joie: «Ils viennent tous me lécher le cul!», constate-t-il avec son élégance habituelle. Outre la riposte sur les taux pratiqués en retour, il y aurait pourtant d’autres réponses.

A commencer par l’intensification des relations, des accords avec les vastes parts du monde qui se tiennent à distance du règne américain. Les BRICS et d’autres. La Suisse s’y emploie à raison. Avec la Chine, l’Inde, l’Amérique du sud. Peu avec l’Afrique. Et pourquoi pas avec la Russie? L’abcès ukrainien s’apaisera tôt ou tard. La géographie et l’histoire parlent. L’Europe, seule certitude, restera toujours plus proche que l’Amérique. Elle a son avenir «de l’Europe à l’Oural» comme disait de Gaulle. Reprendre le commerce de ce côté, réouvrir les gazoducs Nord Stream, cela donnerait de l’air à nos économies, pas seulement en Allemagne. Ce serait plus futé que d’acheter en douce l’énergie proscrite via l’Inde avec surcoûts.

 Une telle audace n’est pas pour demain à en juger les discours martiaux de Macron, Starmer et consorts, les va-t-en-guerre exaltés qui permettent à leurs protégés ukrainiens de tirer des missiles sur Moscou et préparent l’envoi de troupes pour affronter les Russes. Autre suspense peu rassurant.

Les Européens doivent se serrer les coudes et libérer leurs audaces

Comment regagner notre indépendance face à l’Empire américain? Commençons par acheter nos avions de chasse en Europe plutôt que les siens qu’il contrôle à distance. Et surtout tentons de limiter la tutelle des GAFAM et autres puissants acteurs qui gèrent nos mails, nos données, nos systèmes d’IA… L’Europe est davantage qu’un marché de 450 millions d’habitants. Elle est riche d’un considérable potentiel de savoir et de créativité. Avec un atout en plus: un climat de liberté. Celle-ci est certes amochée ici et là mais reste bien plus grande que dans le reste du monde.

Comment se donner le courage des sursauts nécessaires dans la tempête? En se serrant les coudes en Europe, en libérant nos audaces, en parcourant le monde en quête de partenaires. Un conseil, entre nous et sourire en coin: se souvenir que les horlogers jurassiens vendaient leurs montres en Chine au 18e siècle déjà. Ils n’avaient pas la partie facile non plus. Dès 1774, Jaquet-Droz a établi des liens avec Canton et a rapidement gagné les faveurs de la cour impériale chinoise. D’accord, cela se gâte maintenant de ce côté. Mais le goût des marques de luxe reste présent partout, avec ou sans surtaxe. Courage, l’industrie suisse, si on la soutient au besoin, tiendra le coup. Et toute la barque helvétique aussi. 

 

VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

1 Commentaire

@von 11.04.2025 | 17h58

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Cher Donald, Encore merci de m'avoir proposé une petite partie de golf à Mar-a-Lago, moi qui ne suis qu'un modeste joueur. Tu m'as battu facilement, ce qui était prévisible, mais c'était une chouette journée. Je suis maintenant rentré en Suisse et ai trouvé mon pays sens dessus dessous avec ton annonce de taxe douanière. La population se sent injustement traitée par ton pays, ce qui se comprend. Oui nous avons une balance des exportations asymétrique mais ce n'est pas une intention délibérée de notre part. Nous achetons volontiers aux USA (6% de nos importations), mais à condition que les prix soient concurrentiels et la marchandise attractive. Mais il faut bien dire que nos législations diffèrent sensiblement, notamment dans l'agriculture, ce qui fait que certains de tes produits nous sont interdits. D'autre part, si, tu ne bloquais pas la vente de puce IA à la Suisse nous en achèterions, c'est un exemple. En conséquence, ne nous accuse pas d'être des escrocs si notre balance des exportations est asymétrique, ce n'est pas volontaire, c'est la loi du marché. Tes concitoyens aiment trop nos produits et nous en achètent (14% de nos exportations). Tant mieux pour nous!... Par contre, il va y avoir un problème avec les F-35 que nous t'avons commandés (6 milliards), car le contrat a été signé trop rapidement et de nombreuses critiques ont vu le jour depuis. Actuellement, 93% de la population suisse désire casser ce contrat et acheter un autre avion, plus adapté aux besoins de notre pays et moins cher. Du point de vue des importations aux USA, tu veux nous taxer à 31%, ce qui est très très élevé. Je dois dire que la population suisse trouve cela vraiment injuste puisque notre pays ne taxe pas les importations américaines. Avec 31% contre 0%, il y a là une asymétrie qui dénote une volonté de ton pays de "punir" la Suisse. Mais pourquoi? Parce que c'est un gentil petit pays facile à impressionner? Bon, d'accord, je conçois bien que l'ancien président qui avait déclaré que "le rire c'est bon pour la santé" avec une tête d'enterrement, nous ait quelque peu ridiculisé... Mais, cela dit, ne sommes-nous pas un allié fidèle des USA? Je te rappelle que c'est la Suisse qui représente les intérêts de ton pays auprès de l'Iran. Du moins jusqu'à ce jour car, avec le tour que prennent nos relations, il est bien possible que cela change et que nous nous retirions de ce guêpier puisque cela ne nous rapporte pas plus de sympathie de ta part. Tu vas également nous forcer à nous trouver d'autres sources d'approvisionnement car nous avons plusieurs accords de libre-échange qui ne demandent qu'à être utilisés. C'est dommage car j'aimais bien venir commercer avec mes amis américains, on s'entendait bien. Question langue, ce sera plus difficile avec les Chinois, et je ne parle même pas de leur musique, tu sais que moi, ma préférée c'est le jazz... Du côté de nos exportations, ta taxe va augmenter le prix de vente de nos produits aux USA et donc compliquer temporairement la vie de nos entreprises. Mais cela passera vite, la Suisse est un petit pays qui a l'habitude de s'adapter au marché. Par contre, ce seront tes concitoyens qui vont en souffrir. Nous vendrons moins aux USA, mais ce sera compensé par des exportations vers d'autres pays. Cela m'a d'ailleurs donné une idée: pourquoi ne pas imposer une taxe d'importation proportionnelle au nombre de kilomètres parcourus? Elle renchérirait les produits venus de loin ce qui permettrait de rendre à nouveau nos entreprises locales concurrentielles, c'est ce que tu recherches aussi pour les tiennes. Et puis cela ferait diminuer les longs trajets générateurs de pollution. Ce serait tout bénéfice pour la lutte contre le réchauffement climatique. Tu vois qu'en définitive, ton initiative n'est pas si néfaste que cela puisqu'elle va susciter des changements positifs pour la planète. Cher Donald, tu va nous compliquer la vie et c'est dommage, car ce serait tellement mieux de nous partager pacifiquement les ressources de la terre plutôt que de nous battre pour les obtenir. La guerre est obsolète, ne trouves-tu pas? Et puis il nous faudra résoudre la question du réchauffement climatique. Ce serait tellement mieux d'unir nos efforts pour y arriver plutôt que de nous concurrencer bêtement. La survie de l'Humanité est tout de même en jeu. Je te salue cher Donald, ainsi que Melania, et te souhaite une bonne suite de ton mandat présidentiel. Peut-être nous retrouverons-nous, comme par le passé, à Moscou ou ailleurs, avec le verre de l'amitié en mains. Michel, ton fidèle et vieil ami

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