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On peut s’alarmer de voir la droite de la droite se faire une place au pouvoir dans de nombreux pays européens. Mais on peut aussi en profiter pour s’interroger sur les raisons de ces succès. Encore faudrait-il, pour ce faire, que les anciennes formations politiques soient prêtes à se remettre en question.



Le leader du parti FPÖ est en passe de prendre le pouvoir en Autriche. Herbert Kickl est un dur, il radicalise son programme: vent debout contre l’UE et le Pacte vert, pour la «remigration forcée» des migrants, contre les sanctions antirusses et le soutien à l’Ukraine. Son rêve: une «Autriche forteresse». Un choc pour les Européens qui voient dans plusieurs pays la montée de courants proches. Avec cependant de grandes différences entre eux. Que se passe-t-il?

Les droites de la droite doivent leur succès à l’essoufflement, aux échecs, aux divisions des partis traditionnels, libéraux ou socialistes. Cela dans un contexte difficile: l’économie tousse, l’immigration inquiète, l’errance autoritaire de la Commission européenne irrite, l’alignement sur l’OTAN en Ukraine ne convainc guère, l’inquiétude devant l’avenir s’installe. Le tableau est patent en France, en Allemagne, en Hollande, au Danemark, en Belgique néerlandophone, en Roumanie d’une autre façon. En Italie et en Hongrie où le pouvoir a pris de telles couleurs.

Pousser des hauts cris aide peu. Il faut y voir de cas en cas. Ils diffèrent grandement. Plutôt rassurants ou fort inquiétants. Avec trois femmes puissantes dans trois grands pays. A ne pas confondre avec l’Autrichien du jour, l’extrémiste aux nostalgies troubles.

Trois femmes puissantes dans trois grands pays

On ne peut pas dire que Giorgia Meloni (48 ans), Première ministre, ait réinstallé le fascisme en Italie. Bien qu’elle ait fait ses débuts, très jeune, dans une formation néo-fasciste (MSI). Son actuel parti, «Fratelli d’Italia» est nationaliste, conservateur. Critique envers l’UE mais y restant attaché. L’énergique Meloni a surpris. Elle ose dire que l’Italie aura besoin d’au moins 400’000 migrants de plus, bien choisis, pour faire tourner l’économie dans une société vieillissante. Elle développe des relations étroites avec la Tunisie, la Libye et l’Algérie. Pied de nez à la France. Espoir de tarir ainsi les traversées migratoires. Au plan économique, son bilan est plutôt bon, avec un tissu diversifié dont les exportations battent des records. Et des finances qui s’améliorent quelque peu. Son atout: elle sait parler aux autres partis et s’allier parfois à eux.

Une autre star émerge: Alice Weidel (45 ans), à la tête du parti nationaliste allemand AfD (actuellement 21 % des intentions de vote aux élections du 23 février 2025). Cette carrure pèse lourd. Avec un doctorat en économie, connaisseuse de l’Asie, experte de la gestion d’entreprises, elle a passé six ans en Chine et parle le mandarin. Autre particularité dans un environnement conservateur, elle vit en couple avec une productrice de cinéma suisse d’origine sri-lankaise et leurs deux enfants. Sa rhétorique est brillante, dans un registre plutôt modéré, sans les dérapages de l’Autrichien Kickl. Néanmoins les partis traditionnels, de la coalition sortante ou de la droite classique (CDU) qui reste très forte, tiennent à leur politique d’isolement, à ce qu’ils appellent le «Brandmauer» (la barrière de feu). Le soutien spectaculaire que lui apporte Elon Musk l’aidera-t-elle ou troublera-t-il ces nationalistes qui dénoncent l’impérialisme américain? A voir.

Enfin Marine Le Pen (56 ans) qui a rompu avec son père sulfureux qui vient de décéder, toute à la préparation de la prochaine élection présidentielle. Où ses chances sont réelles en dépit des faiblesses de son parti, le RN. Elle a aujourd’hui de solides cartes en mains, bridant le fragile gouvernement de Bayrou sous la menace de sa censure. Elle peut compter sur des alliés de fait au sein de la droite classique, tel le xénophobe Bruno Retailleau. L’équivalent du «Brandmauer», appelé là le «cordon sanitaire» apparaît bien mal en point. Pour l’heure, on peut dire qu’elle dirige la France dans l’ombre.

Apprendre à mettre de l’eau dans le vin

Alors quoi? On reste dans le tollé? Ces phénomènes devraient plutôt amener les autres partis à se poser des questions. Sur leur action et sur leur catalogue d’arguments. Mais non, ils préfèrent se quereller entre eux et s’ancrer dans des certitudes qui ont pris un coup de vieux. Dans certains cas, pourquoi ne pas imaginer de nouvelles alliances bien soupesées? L’exemple de l’UDC en Suisse est parlant. Présent à plusieurs étages de la maison, les blochériens pur jus ont appris à mettre de l’eau dans leur vin. Ils ont ouvert les yeux sur la complexité de la société en se frottant à elle. Aux commandes partagées. 

L’indispensable remise en question de l’UE

S’il y a une institution qui doit se mettre en cause, c’est bien l’Union européenne. En réalité, au chapitre politique, d’union elle n’a plus que le nom. Même si la machine fonctionne encore. Les abus d’autorité, jusque dans des terrains qui ne lui incombent pas, les tracasseries au quotidien et les prêches hors du réel se multiplient. Applaudir l’annulation des élections en Roumanie est une atteinte gravissime à la démocratie. Faire entrer à tout prix et au plus vite la malheureuse Ukraine des oligarques sur le bateau, c’est le vouer au naufrage. Avec son arrogance, son refus de la transparence sur ses magouilles, la présidente de la Commission engendre des nuées d’europhobes. Quant aux parlementaires, engoncés dans leur confort, coupés de leurs électeurs, avachis sous le poids des influences américaines, ils fossoient aussi l’avenir de cette noble entreprise. Qui hier prônait la paix, leur réconciliation et leur bien-être. Comment renouer avec cette vocation? Vaste débat. Auquel nous, Européens, n’échapperons pas. 

VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

1 Commentaire

@rogeroge 10.01.2025 | 10h56

«Excellente analyse.»


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