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Actuel / Fumer: un dernier acte de résistance


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«Il n’est pas question de propagande pro-cigarette dans cet article», tient à préciser l’auteur. Pas de propagande, non, mais une réflexion un brin provocante sur ce que représente le fait de fumer aujourd’hui alors que la pandémie impose de nouvelles normes sanitaires, de nouveaux comportements. «Il s’agit de voir en quoi cette bonne vieille clope est devenue, à l’ère covid, l’une des dernières résistances au sanitairement correct».



La priorité est aujourd’hui à la santé. On se lave les mains. On met son masque – et comme il faut! non, Monsieur, pas comme ça… ah oui, maintenant c’est mieux. On sort le moins possible mais un peu quand même. On croise des gens qui sont de potentiels contaminateurs. On garde les distances. Puis on se désinfecte les mains, et on se les désinfecte encore au cas où, et encore, et encore, jusqu’à les rendre alcooliques. Elles finissent par chanter du Renaud. Mais une habitude résiste au tout hygiénique: fumer des cigarettes. Ce n’est pas une question de morale, il s’agit de voir en quoi cette bonne vieille clope est devenue, à l’ère covid, l’une des dernières résistances au sanitairement correct.

L’affaire remonte d’ailleurs à avant la pandémie. La cigarette est de plus en plus mal vue. De plus en plus proscrite, dans tout un tas d’endroits. «Ça dérange, et puis de toute façon c’est pas bon pour la santé», argue-t-on sur des terrasses de cafés comme dans des parcs publics, jusqu’aux trottoirs ou aux quais de gares. Parallèlement à ce changement, on accorde une importance toujours plus grande à la santé. Les recommandations contre l’alcool, contre la malbouffe, contre le manque d’activité physique et bien sûr contre le tabagisme dégoulinent de toutes parts.

La santé avant tout!

Les mesures mises en place pour lutter contre le coronavirus vont idéologiquement dans le même sens. Il faut à tout prix préserver la santé. C’est logique, louable. Mais de quelle santé parle-t-on précisément? De la santé du corps, et non de la santé mentale, morale ou sociale. Subtilité… Peu importe que le monde entier se soumette aux diktats de médecins devenus rois. Peu importe l’angoisse. Peu importe la solitude. Peu importe qu’il devient de plus en plus difficile de se réunir autour d’une belle tablée. Peu importe que des vieillards meurent dans des maisons de retraites sans adieux. Peu importe que d’aucuns se sentent pousser des ailes en devenant d’impitoyables délateurs, abrutis par le mal être qui bat en leur poitrine. Peu importe le chômage. Peu importe la suppression de petites heures supplémentaires qui permettent à des familles ou à des étudiants d’arriver à la fin du mois. Peu importe que des restaurateurs et petits commerçants ferment les portes de leur établissement.

Peu importe… l’important c’est de préserver la santé, la santé du corps. Le reste passe après. Et puisque l’époque est aux mauvaises interprétations et à la mauvaise foi, je précise évidemment que, oui, c’est une priorité de protéger les plus fragiles et notre système hospitalier. Comme je précise aussi d’emblée qu’il n’est pas question de propagande pro-cigarette dans cet article: cela m’évitera quelque procès malveillant. Il n’en demeure pas que la santé est aussi physique, mentale, sociale et intellectuelle. L’humain n’est pas qu’un corps.

La rock’attitude des fumeurs

Quasiment tout se plie aux mesures sanitaires: sauf fumer des cigarettes. Tout, absolument tout, dans le tabagisme va à l’encontre des mesures sanitaires. Premièrement, le fumeur doit baisser son masque. Deuxièmement, il doit sortir avec ses doigts une cigarette de son paquet, qui a traîné on ne sait où. Et comme si cela ne suffisait pas, le fumeur porte la cigarette à sa bouche, il l’allume, fume, et expulse de sa sale gueule une fumée qui se propage dans toutes les directions. Le fumeur incarne la rock’ attitude la plus extrême.

La réflexion mérite d’aller un peu plus loin. A part qu’au niveau sanitaire fumer une cigarette pose problème sur des points basiques, cela choque au niveau de l’état d’esprit. Le fumeur est parfaitement conscient qu’en en grillant une, il ne soigne pas ses poumons. Il sait aussi que niveau santé, il ferait mieux de manger une pomme plutôt que de fumer.

Le fumeur nous montre que la santé du corps, ça n’est pas tout. Sans quoi, fumer devrait être simplement et bonnement interdit. Sans quoi, l’alcool devrait être tout autant interdit – sauvons des foies, sauvons des vies! Et pendant qu’on y est, le chocolat aussi, parce qu’il fait grossir, et c’est dangereux pour la santé d’être gros. Sans quoi, l’inscription à un fitness devrait être rendue obligatoire à tous les citoyens, parce que le sport c’est bon pour la santé. Et pourquoi ne pas imposer au peuple au moins trois heures de comédie par semaine? L’ancien conseiller fédéral Johann Schneider-Ammann n’a-t-il pas dit que «rire c’est pon pour la santtté»?

Il reste un peu de bon sens dans notre société. Chacun peut vivre encore assez librement. Mais attention aux mesures covid: elles pourraient s’installer sans plus vouloir s’en aller. Que ceux qui sont attachés aux poignées de mains, aux bises, à la vie dans les bistrots et aux visages découverts résistent. Les fumeurs résistent, peut-être malgré eux sans doute inconsciemment. Le tabagisme dit en fait que vivre en bonne santé, ça implique aussi prendre des risques pour sa santé. Jouir et se faire plaisir, et en bonne compagnie: un steak frites, une bonne bière, et pour digérer le tout, un café et une clope. Laisser fumer, et laisser vivre les gens en paix, comme ils l’entendent. Pour continuer à vivre avec goût. Pour résister.

VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

7 Commentaires

@GFTH68 01.11.2020 | 12h36

«Cela fait du bien, un peu de légèreté. Merci pour votre article qui revigore!»


@amcbeldi 01.11.2020 | 13h32

«C'est mignon ce genre de rébellion de salon, mais comme toujours, ça donne lieu à de gros mélanges et contre-sens. Et finalement, à des envolées lyriques se voulant soi-disant modestement révolutionnaires (parce qu'il ne faut pas trop se la jouer non plus...), qui cachent mal leur ridicule et même une certaine indécence.

De un, les médecins ne sont absolument pas tout-puissants. Et surtout, ils ne forment pas un bloc homogène. Sinon, ça se saurait depuis longtemps. La médecine est très diverse (et non, je ne suis pas en train de faire l'éloge des pseudo-médecines qui se cachent derrière des pseudonymes ronflants comme médecine alternative, complémentaire, douce, naturelle, holiste ou je ne sais quoi). Elle est diverse, parce qu'elle est composée de multiples spécialités et qu'aucun de ses représentants n'a une vue globale de toutes ces spécialités en même temps. De fait, je vous rassure, les injonctions contradictoires et souvent incohérentes continuent de danser en plein air. Parce qu'entre l'idéal de bonne santé d'un psychiatre et celui d'un pneumologue, d'un orl, d'un dentiste ou d'un urologue, il y a à chaque fois tout un monde. Alors, certes, il y a certaines choses sur lesquelles tous s'accordent, à commencer par les dégâts que peuvent causer les psychotropes, dont l'alcool, ou les produits contenus dans les cigarettes et les pratiques qui mènent au tabagisme. Comparer ainsi la consommation de chocolat à celle de l'alcool ou de la cigarette n'a pas de sens. On ne devient pas accroc au chocolat comme on peut le devenir au tabac ou à l'alcool. Et on grossit rarement du simple fait de la consommation de chocolat.

De fait, mettre sa propre santé et celle des autres en danger n'a rien d'un acte d'indépendance, de défiance face au "sanitairement correct". Bon sang, je deviens vraiment allergique à ces expressions "quelque-chose correct", utilisées uniquement pour écarter une problématique d'un revers méprisant de la main sans s'y intéresser, histoire de s'économiser de la réflexion un peu dérangeante pour ses propres convictions....moi, j'appelle cela la fuite devant la dissonance cognitive.... Si vous voulez justifier cette idée de révolte contre la dictature sanitaire, va falloir faire un peu plus d'effort d'imagination et de réflexion, parce que là, ça rase vraiment le sol.

Concernant les mesures sanitaires dans le cadre du covid, non, les médecins et experts qui les recommandent ne se fichent pas de la santé mentale des gens et de leur situation socio-économique. Si ça avait été le cas, ils auraient recommandé un isolement total de chaque personne, enfermée chez elle, sans moyen de sortir, avec des services à distance pour apporter la nourriture et les produits de nécessité de base. Si les autorités n'ont pas déclaré un confinement total, c'est bien parce que les experts comme les politiques sont clairement conscients que cela signifierait tuer nos sociétés pour les protéger du covid, un exercice complètement vain. En gros, le remède serait pire que la maladie. De fait, les mesures qui ont été prises jusque-là sont autrement moins drastiques que ce que les autorités imposaient en cas de pandémie dans les siècles passés (oui, parce qu'en plus, dans les siècles passés, on n'était pas en démocratie. Les gouvernants décidaient et la population bastait ou avait de gros ennuis). Aujourd'hui, tout est fait, justement, pour essayer de marcher sur cette fine crête entre la nécessité d'éviter une surcharge des hôpitaux et du système de santé d'un côté, et l'effondrement de la société de l'autre.

De fait, ce texte, comme celui de nombreuses complaintes, de la part de gens qui ne sont même pas les plus mal lotis dans cette crise, nous rappelle à quel point une bonne partie de nos sociétés sont devenues incroyablement sensibles au moindre dérangement de leur quotidien. On nous demande de porter des masques dans les lieux publics très fréquentés? Oh mon dieu, quel horreur! On respire mal, ça gratte la peau, c'est moche, on ne voit plus très bien les expressions des gens avec lesquels on interagi, et nos lunettes s'embuent constamment! Quel empiétement sur nos libertés fondamentales! On est en train de détruire le tissu social, parce qu'on ne peut plus entrer dans un restaurant sans masque et qu'on est obligé de le remettre quand on se lève de table! Quel joug insupportable! Et on ne peut même plus fumer comme on veut! Rendez-vous compte! Mais, quel oppression! Et c'est ainsi que les fumeurs se retrouvent dans la posture de "résistants" modernes à la dictature sanitaire! Mais, qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre! Je suis désolée, mais ces propos ont presque quelque-chose d'indécent, surtout pour les populations du monde qui vivent, elles, véritablement sous des régimes autoritaires et dictatoriales!

Donc, sérieusement, ce serait bien si certains intellectuels pouvaient arrêter avec leur révolution de salon, café starbucks en main.....Vous voulez vraiment aider les populations qui prennent cette crise dans la figure? Alors, mobilisez vos connaissances en sociologie, anthropologie, économie, psychologie, etc., pour trouver des idées qui leur permettent de traverser cette crise sans tout y perdre. Il y a d'ailleurs pas mal de gens qui s'organisent et trouvent des idées originales pour aider leurs concitoyens dans la détresse. Au lieu de pleurer sur des petites limitations à votre quotidien, vous pourriez leur apporter votre soutien intellectuel, moral, logistique et financier. Mais là, les jérémiades, des privilégiés ça commence à bien faire! »


@Pap'Alain 01.11.2020 | 14h21

«Résister au consumérisme compulsif fait sens. Mais, résister à ce qui vous empêche de consommer tout tout de suite sans entrave représente un idéal de société bien indigent. Et résister pour résister, c'est un peu court.
Alain Frei»


@galaxie 01.11.2020 | 15h56

«A part que fumer ne procure aucun plaisir, c'est une addiction, la plupart des fumeurs voudraient arrêter. Seule la première bouffée ( comme la première gorgée de bière) procure de l'extase, mais le plaisir s'estompe très vite, alors on doit reprendre une cigarette, et ainsi de suite, jusqu'au dégoût profond. La bouche et les vêtements qui puent, les dents jaune-gris, la haine de soi qui s'installe peu à peu. Consommer des cigarette de marque c'est enrichir les marchands de la mort, quiconque se veut anti capitaliste ne devrait pas acheter de cigarette, voyez à ce sujet comment la maffia américaine est parvenue à persuader les gens que fumer, c'est la liberté, tout en faisant tout pour les rendre escalves du produit. Les marchés américains et européens sont en baisse, alors les cigarettes s'attaquent à l'Afrique et à l'Asie, surtout aux très jeunes qui deviennent revendeurs à l'unité
»


@mleine 01.11.2020 | 18h48

«A propos de Covid et de clope...
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Coronavirus : la proportion de fumeurs parmi les personnes atteintes du Covid-19 est faible
Une étude d’une équipe de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP) a montré que le taux de fumeurs parmi les patients infectés était d’environ 5%. Des essais cliniques avec de la nicotine vont démarrer prochainement.
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https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/04/22/coronavirus-une-proportion-reduite-de-fumeurs-parmi-les-malades_6037365_3244.html ...
Face au tollé que cela a créé dans les milieux de la prévention, sauf erreur, ils ont dû reculer (à vérifier)

Par rapport à l'étrange affirmation de @galaxie ... je crois que vous n'avez jamais fumé... car en fait la première cigarette que vous fumez après avoir arrêté un certain temps (plus d'un mois?) a un goût dégueulasse... mais cela s'améliore (malheureusement) très vite
»


@camomille 02.11.2020 | 00h05

«Oh! Comme ça me fait plaisir tout ça!! Merci M. Musumeci! (même si j'ai arrêté de fumer il y a 25 ans, c'est l'état d'esprit...)»


@NicoleAbby 03.11.2020 | 20h33

«Merci pour ce bel article libérateur qui fait du bien à lire ... en fumant sa clope ! Les salles de fitness sont fermées de toute manière ! Allez santé à vous »