Actuel / Feu vert… à la corruption
Dans l’avalanche de décisions de Trump, il y en a une, toute récente, qui a peu retenu l’attention et qui pourtant sera lourde de conséquences pour les Européens, Suisses compris. Il demande la suspension de la loi qui interdit de décrocher des marchés en graissant la patte des fonctionnaires étrangers.
Cette loi, la «Foreign Corrupt Practices Act», promulguée en 1977, est l’une des plus strictes du monde. Il existe même une unité spécialisée, la SEC, pour veiller à son application. En 2024, elle a déposé 26 demandes d’action en justice. En octobre dernier, le groupe militaro-industriel RTX a écopé de 950 millions de dollars pour avoir soudoyé un responsable qatari. Trump considère que cette disposition handicape l’économie américaine car, il est vrai, il n’existe rien de comparable dans de nombreux pays. Il trouve cette loi «horrible», il estime que «le monde se moque de nous parce que nous l’appliquons».
Cette mesure visant à assainir les pratiques commerciales est courante en Europe. Au sein de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la Suisse dit avoir pris une part déterminante à l’élaboration de la Convention sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales. Elle a ratifié cette convention en 2000 après avoir adapté son code pénal en conséquence. La corruption active d’agents publics étrangers par des entreprises et des personnes privées est depuis lors punissable. Des condamnations? Il y en a eu, mais peu. Moins d’une vingtaine en vingt ans. L’une d’elles a fait grand bruit: ABB a dû payer 4 millions d’amende pour avoir versé des pots-de-vin en Afrique du Sud en vue de décrocher un contrat. En 2022, le géant suisse Glencore a écopé de 700 millions pour avoir, disons, mis de l’huile dans les rouages de leurs affaires au Brésil et dans d’autres pays. Son rival Trafigura a plaidé coupable de telles pratiques l’an dernier et versera 127 millions. Ce qui n’empêche pas Transparency International de dénoncer la mollesse de la vigilance helvétique sur ce terrain.
Désormais, les Américains pourront donc passer à l’offensive à travers le monde sans crainte de pénalités. Comme le font les Russes, les Chinois, les Indiens et bien d’autres. Si les Européens s’en tiennent à leurs principes, ils feront les frais de cette forme de concurrence débridée.
VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
1 Commentaire
@MV 15.02.2025 | 09h54
«Nous on va de nouveau voter sur l'initiative des multinationales responsables. C'est très similaire. C'est une extraterritorialité des lois assez coloniale.»