Média indocile – nouvelle formule

A vif


PARTAGER

Lors des Brandons de Payerne, qui se sont déroulés du 7 au 10 mars derniers, des inscriptions racistes et antisémites ont été apposées sur certains commerces. Un municipal payernois fait partie des auteurs de ces inscriptions. Tout ça dans la ville où un ignoble crime antisémite a été commis en 1942.



C’est à n’y pas croire. Une bande de Payernois a cru drôle d’écrire des mots racistes sur des murs et des vitrines de la ville déjà tristement célèbre pour le crime nazi commis le 16 avril 1942: l’assassinat du marchand de bétail Arthur Bloch. Un assassinat auquel j’ai consacré un film, avec Yvan Dalain, et un livre. 

Les formules sont claires. Sur un commerce tenu par une famille juive: «On a rasé la blatte», terme familier pour désigner les cafards. Il s’agirait d’une allusion à Bertrand Bladt, l’ancien directeur de Manor à Payerne, de confession juive. Plus évident encore: «Liquidation générale: 39-45 %». Allusion à la «solution finale». Avec en outre un coup de griffe contre les Asiatiques avec leurs «sourires plissés». Tout cela au nom de l’humour! 

Le municipal concerné élude le problème

Le comble: parmi ces voyous, la présence d’un membre de la municipalité, entré en fonction quelques jours auparavant, Lionel Voinçon, juriste, d’origine mauricienne. Que répond-il à ceux qui l’accusent de racisme? «Ce sont des attaques qui me touchent beaucoup, étant moi-même métis. Nous voulions simplement faire rire les gens. Mais personne ne nie que c’était inapproprié, bien au contraire. Nous ne banalisons pas le génocide, et nous n’avons voulu blesser personne.» Et il ajoute (dans le quotidien La Liberté): «Cela indique que les tags véhiculaient des messages qui ne sont plus acceptés par une partie de la population. Nous devons nous poser la question du niveau auquel il faut désormais placer le curseur.» Une façon d’éluder le problème.

Comme l’écrit notre confrère Antoine Menusier dans Watson: «Et que dire de l’un des chars des Brandons de Payerne de cette année représentant des juifs habillés "comme dans la comédie Les aventures de Rabbi Jacob", mais associés visuellement à un chandelier doré et à ce qui ressemble à des pièces d’or, ce que le film de Gérard Oury avec Louis de Funès ne fait pas? On dirait que tous les barrages ont sauté.»

Comme les drilles antisémites auxquels il s’est mêlé, l’élu payernois n’a manifestement aucune idée du poids de la mémoire dans la ville dont il dirige un dicastère. Doit-on vraiment lui rappeler que la perception du présent exige un minimum de connaissance historique? 

Non seulement choquant mais illégal

Quant à Monique Picinali, vice-syndique, elle assure que «les relations au sein de la municipalité ne changeront en aucun cas suite à cette polémique. Les compétences de Lionel Voinçon ne sont pas remises en question. Ce qui se passe dans la sphère privée n’a pas automatiquement vocation à avoir des conséquences dans la sphère professionnelle.» Passez, il n’y a rien à voir. Aucune autorité, communale ou cantonale, n’a donc réagi avec la fermeté qu’exige un tel agissement, non seulement choquant mais illégal. 

On a beaucoup parlé d’antisémitisme ces derniers temps. Des opposants à la politique du gouvernement actuel d’Israël en ont été abusivement accusés. Mais là, oui, il y en a une trace manifeste et c’est odieux. La banalisation de ces graffitis démontre le danger de sa récurrence. 

Pour qui a de tels trous de mémoire, je ne peux que recommander l’excellent podcast de la RTS diffusé l’an passé dans la série «Crimes suisses», intitulé Meurtre antisémite à Payerne: l’affaire Arthur Bloch

VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

6 Commentaires

@miwy 14.03.2025 | 09h39

«Merci cher Jacques pour cet excellent article. Une indignation que ni la RTS, ni la plupart des quotidiens ne semble partager. Ce que je déplore. Tu aurais aussi pu recommander de visionner le remarquable film de Temps Présent https://www.rts.ch/archives/7966987-le-crime-de-payerne.html, évoqué dans ton article.»


@Lou245 14.03.2025 | 09h44

«Effectivement réaction du municipal concerné tout à fait hors de propos! sans parler de celle de la vice-syndique... Incompréhensible qu'une réaction forte ne se soit pas fait entendre! on en conclut qu'il est normal pour une personne assumant une fonction publique de traiter publiquement les gens de cafards, cela relevant de la sphère privée... Pire encore, M. Voinçon pense que ce genre de traitement devrait être mieux "acceptés par la population"! on est en plein cauchemar. Quelle indignité.»


@marcello 14.03.2025 | 10h14

«C'est choquant de voir avec quelle légéreté les élus traitent ce genre d'inscriptions. Les autorités ont à donner plus qu'un blâme aux personnes concernées.»


@abarto 14.03.2025 | 11h30

«Bonjour, je suis surpris que cet acte n'ait pas eu de résonnance dans les médias, ni que des Autorités cantonales ou Fédérales de s'emparent du sujet, d'un point de vue moral ou juridique. Une preuve supplémentaire du nivellement par le bas de notre Société. Comment les Autorités de la Ville de Payerne peuvent-elles accepter d'être salies par les agissements de l'un des leurs ? Comment peuvent-elles accepter qu'un des leurs s'abaissent à de tels actes ? Si Monsieur Voinçon avait participé à écrire cela sur les murs de sa résidence, soit. Mais ces inscriptions ont été faites dans le domaine public.»


@Maryvon 14.03.2025 | 13h54

«Il est en effet incompréhensible que ce Municipal, Monsieur Voinçon, de surcroît juriste, puisse conserver son poste au sein de la Municipalité de Payerne. J'ajoute même que si ce Monsieur avait inscrit ces propos injurieux sur les murs de sa propriété, ce serait tout de même inacceptable, notamment pour une personne qui représente sa commune et qui devrait montrer l'exemple.»


@von 26.03.2025 | 13h41

«Je vais en rajouter une couche! Cinq commentaires indignés auxquels je rajoute le mien.

Ressortir ce genre d'insanités est inadmissible! On pourrait, à la rigueur, comprendre que quelques ados un peu benêts puissent écrire sans réfléchir ce genre d'insanités sur des vitrines après une soirée passée à boire des bières. Ils auraient l'excuse de l'effet de groupe, de l'alcool et de la jeunesse-qui-ne-sait-rien. Finalement, les casseurs des stades ne font pas mieux.

Mais venant de responsables d'une association, qui ont décidé en séance de comité des textes à écrire, non, c'est inexcusable. Ont-ils pensé au mal qu'ils allaient faire aux propriétaires des vitrines et aux gens qui se sentiraient visés par ces propos? Il faut être "bouchés à l'émeri" pour faire des conneries pareilles! Et si en plus, l'un d'entre eux est un élu politique, alors là c'est le pompon! On commence à comprendre pourquoi les citoyens ne vont plus voter. Parce que, plutôt que d'aller au bureau de vote pour élire un irresponsable comme ce bonhomme, il vaudrait mieux se casser une jambe...

Alors voilà, question Brandons, tout est dit. C'est le rejet absolu, la condamnation sans réserves et unanime. Sauf pour les autorités locales qui semblent ne pas partager l'indignation populaire.

Quelle est donc cette mollesse du cerveau qui leur permet d'accepter l'inacceptable? Et bien mes chers, c'est la même mollesse qui permet à nos autorités fédérales de couper les subsides à l'UNRWA et à ne ne rien dire face aux massacres qui ont lieu chaque jour que Dieu fait à Gaza, en Cisjordanie et au Liban. Là aussi il faudrait réfléchir à ce que signifie assassiner, jour après jour, un peuple maintenu prisonnier dans un ghetto, tuer des pères, des mères, des enfants, des papys, des mamys, et en estropier encore plus. Ceux qui font ça devraient se souvenir que certains de leurs parents et grands-parents ont connu les mêmes peurs, ces mêmes angoisses il n'y a pas si longtemps. Et eux ont été contents, en leur temps, d'avoir eu des "Justes" pour les soutenir dans leur détresse.

J'aimerais tellement que nous, citoyens d'un pays paisible et confortable, soyons ces "Justes" qui s'indignent, certes des actions de ces jeunes écervelés payernois qui ont oublié toute décence, mais aussi et surtout de ceux qui tuent en toute impunité en Palestine.

Franchement, vous pouvez dormir tranquille, vous, lorsque vous voyez ces jeunes soldats israéliens hilares qui tirent à balles réelles sur les jeunes Palestiniens qui leur lancent des pierres? Vous pouvez dormir tranquilles, vous, lorsque vous voyez des chars blindés tirer sur des civils, sur des hôpitaux, sur des journalistes, sur des humanitaires, bref sur tout ce qui bouge? Vous pouvez dormir tranquille, vous, lorsque vous voyez un drone atomiser une voiture qui passe? Vous pouvez dormir tranquilles, vous, lorsque vous voyez des colons arracher les oliviers de pauvres paysans palestiniens et les tuer à coups de barres de fer?

J'aimerais rappeler à nos élites que l'argent n'est pas tout et qu'il y a une autre finalité à la vie. Si on se partageait les ressources de la planète, ce sol pourrait devenir le paradis sur terre. Apprenons à être ces "Justes" qui, historiquement, on sauvé des vies, et qui en sauvent toujours aujourd'hui. La Suisse est trop petite pour pouvoir se mesurer à d'autres pays, en conséquence soyons ces "Justes" qui font pencher la balance du côté de la paix plutôt que de nous équiper en F-35 chers aux fauteurs de guerres...
»