A vif / Le tumulte dans nos têtes
La question nous taraude. Comment le gérer, ce tumulte de l’époque? Tirer le rideau et se recentrer sur soi et ses dadas? Chauffer les émotions jusqu’à se forger des certitudes inoxydables? Mettre les journaux à la poubelle au seul bénéfice de l’histoire, de la culture, de la philosophie, des joyeusetés du divertissement? Comme si l’appart n’était pas assez grand? Ou respirer à fond, rester calmes au choc des nouvelles et tenter d’y voir clair tant bien que mal?
Dans notre dernière newsletter nous avons lancé un appel aux soutiens, car les temps sont durs aussi pour une plateforme indépendante, et un appel surtout à vos commentaires, à vos critiques, à vos suggestions. Plusieurs d’entre vous ont répondu et nous les en remercions vivement.
Un lecteur en particulier nous écrit ceci: «J’avoue zapper tout ce qui traite de la politique, des guerres et autres sujets anxiogènes. Les journaux télévisés et les réseaux sociaux s'en donnent déjà à cœur joie. Les titres sont toujours directifs et influencent les tendances populaires. On nous "pousse" à prendre position dans des conflits qui ne sont pas les nôtres, à stigmatiser tel ou tel peuple, etc. Je refuse cet engrenage et ça commence évidemment par ne plus lire les articles qui traitent de ces sujets.»
Une lectrice fort mécontente hésite à rester abonnée. Ulcérée par une tribune qui critiquait vertement, si on ose dire, le jugement du Conseil de l’Europe sur la politique climatique suisse. «Plus je relis cet article plus je le trouve tout à fait inacceptable et plus j’estime qu’il n’a pas sa place dans votre journal…» Pardon Madame, mais des censeurs, il y en a assez sans nous. Et puis la diversité des opinions, c’est bon pour la circulation sanguine.
Les animateurs de Bon Pour La Tête ne partagent pas forcément les points de vue qui s’y expriment. Nous tenons à ce que ce lieu soit celui de l’échange. Des regards au-delà des chemins battus. Des infos peu connues. Avec sérieux, parfois aussi le sourire en coin. Il en résulte, c’est vrai, pas mal de désordre, beaucoup de manques, mais peut-être, espérons, un espace stimulant. Un brin de provocation, vous ne trouvez pas que cela fait du bien?
Exemple d’actualité. Tout un pan de l’opinion s’irrite de voir des universités occupées sous la bannière «Free Palestine». Ces tenants de l’ordre appellent étudiants et professeurs à rentrer dans l’ordre et certains suspectent ceux-ci d’antisémitisme parce qu’ils réclame la paix à Gaza et veulent punir Israël. Que leur dire ici? Les inviter peut-être à lire le grand historien israélien Shlomo Sand, certes honni par les ultras sionistes, qui a cependant une hauteur de vue passionnante. Il s’exprimait longuement l’autre soir sur le média libre QG. Apportant son soutien aux manifestants des campus et disant sa stupeur devant la diabolisation dont ils font l’objet. Il trouve aberrantes ces centaines de plaintes officielles pour «apologie du terrorisme». Et cela dit, il compare le Hamas aux Talibans afghans qui eux aussi conjuguent l’aspiration nationale et le fanatisme religieux.
Quelle réflexion critique, à l’inverse, pourrait-on proposer aux militants pro-Palestine? L’indignation face aux crimes, la condamnation d’une politique israélienne inique, c’est fort bien, nécessaire, mais pas suffisant. Comment ne pas voir aussi la faiblesse et l’incohérence des discours palestiniens et arabes face à l’avenir? Perpétuellement divisés. Martelés par des dirigeants obsédés par leur pouvoir, souvent corrompus. Shlomo Sand, encore lui, anticolonialiste aujourd’hui comme hier, se dit attristé de voir les régimes qui, en Afrique, ont succédé à leur libération. Il n’est guère optimiste quant à la forme que pourrait prendre, un jour lointain, une hypothétique entité palestinienne. Sa recommandation? Valoriser les quelques voix fortes et raisonnables de ce peuple. Il y en a. Pas toutes en prison. Sur place et à l’étranger. Et surtout celles des femmes!
Bref, préférer le grand angle à l’optique standard. Sans fixettes, sans craindre les contradictions. C’est ce que nous tentons ici, modestement, maladroitement souvent, mais sans manipuler personne. Alors restez avec nous, rejoignez-nous, faites connaître ce site!
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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
4 Commentaires
@marieaudelude 10.05.2024 | 09h17
«Je reste abonnée parce que je lis chez vous ce que je ne lis pas ailleurs. Vous avez un regard sans complaisance mais non dénué d'humour; vous avez une équipe aux opinions et styles variés et semblez la laisser dire ce qu'elle pense du sujet qu'elle traite. Vous représentez pour moi une voix posée qui suscite la réflexion et apaise face aux autres cris rageurs et déclarations de haine des réseaux sociaux ou autres plateformes. Ne lâchez rien, vous êtes comme dans la "noisette" française, cette goutte de mousse de lait qui enlève l'amertume du café. »
@Maryvon 10.05.2024 | 11h37
«C'est presque agaçant mais je partage totalement votre point de vue et également celui de la personne qui dit ne plus regarder les journaux télévisés. Je n'en suis pas encore là mais suis sur la bonne voie. Il est vrai que l'on nous pousse à prendre position alors que nous sommes à des années lumière d'avoir les éléments pour ce faire. Peu de temps avec son décès, M. Frédéric Mitterrand avait répondu à la question suivante d'un journaliste que je cite de tête : "Que diriez-vous au Président Macron si il était face à vous ?". M. Mitterrand avait répondu une phrase très simple mais qui m'a fait réfléchir et je la cite : "Je lui dirais qu'il pense moins à lui mais davantage à nous , aux français". Je pense que cette petite phrase pourrait s'adresser à de nombreux chefs d'état et même à toute personne qui a un pouvoir quelconque sur la population.»
@LEFV024 11.05.2024 | 12h48
«D'après Giuliano Da Empoli, romancier, l'état typique de l'intellectuel progressiste est aujourd'hui la stupeur.»
@markefrem 18.05.2024 | 06h59
«Même si je ne partage pas toutes vos prises de position, je reste abonné pour cultiver la diversité. Je crois en particulier que le devoir des étudiants.tes qui dépendent de l'argent des actifs et des contribuables doit se focaliser sur leurs études plutôt qu'à suivre les injonctions de réseaux sociaux largement téléguidés !»