A vif / Le refus du risque, signe de déclin
Des pannes, des crises économiques, on en a connu de toutes sortes dans tous les systèmes. Elles survenaient devant des pouvoirs éberlués, pris de court. Cette fois, avec le Coronavirus, c’est différent: le trou d’air est décrété en toute connaissance de cause par les gouvernements eux-mêmes. Que dit de nous ce refus frénétique du risque?
Tenter de réduire les menaces diverses qui nous guettent, c’est la sagesse. S’emballer au mépris des conséquences comme nous le faisons, c’est déraper dans une excitation émotionnelle aberrante. Renoncer aux voyages, aux rencontres, aux fêtes, mettre toute l’activité économique en veilleuse, cela en raison d’une grippe, certes méchante mais infiniment moins meurtrière que d’autres maladies qui rôdent autour de la planète, c’est révéler une peur hors de proportions. Une panique qui reflète le désarroi de nos sociétés développées.
D’autres craignent moins le risque et l’acceptent même de façon insensée: les migrants qui fuient des horizons bouchés sont prêts à tout pour se projeter dans un avenir meilleur. Leur énergie, quoi qu’on pense du phénomène, contraste cruellement avec notre monde plus confortable où l’on perd les pédales parce qu’un gros rhume inconnu nous menace et parfois accélère la fin de vieilles personnes à qui l’on n’a pas promis l’immortalité.
Que l’on songe à l’audace d’autres époques. Au culot et au courage de ces Suisses qui, eux aussi fuyant la misère ou l’ennui, émigraient en masse vers des continents peu connus… Au stoïcisme de tous ceux qui luttèrent au péril de leur vie contre le nazisme. Aux résistants de toutes sortes devant les tyrannies. Certes le déni du risque peut aussi mener à d’insensées aventures. Tous ces soldats partis en guerre la fleur au fusil qui ont tué et se sont fait tuer par millions partaient avec de folles illusions. L’attitude inverse, la fixation sur les hypothèses du pire, a aussi ses fâcheux effets: les psychoses, les replis, les fuites. Le déclin d’une société.
Pensons à toutes celles et ceux qui, au contraire, aujourd’hui comme hier, se mettent en danger, sortent du moins de leur confort, se moquent des assurances, se lancent malgré de sérieux pièges, pour créer une entreprise ou une œuvre d’art, un projet fou. Ces forces vives ne surgissent pas d’un univers mental aseptisé à force de précautions hygiénistes.
Faut-il interdire le pavot, l’amour et le droit de respirer? demandait l’an passé l’écrivaine prémonitoire Paulina Dalmeyer qu’hérisse le principe de précaution poussé à l’extrême. Ces jours, elle n’a probablement pas acheté un masque. Comme la plupart d’entre nous, peut-on espérer.
Refusons les oukases de la trouille. Celle-ci nous paralyse avant de nous empoisonner. En cassant nos élans, elle prépare notre déclin. D’autant plus qu'elle vient s’ajouter à tant d’autres alarmes, brassées en boucle dans les potées de la bonne conscience et de la morale, dans les tréfonds de la collapsologie. Hé! Ho! On se reprend? A quand une interpellation à contre-courant au Parlement fédéral? A quand l’affichage d’opinions qui tranchent avec les pages et les pages unanimes des journaux? A quand la prise de parole des médecins - il y en a! - qui relativisent la gravité de la maladie et refusent l’affolement?
Il y a quelque chose de pathétique dans la panique qui s’empare du gouvernement de la pauvre Italie. Un tiers du pays mis en quarantaine. La maladie y est certes plus répandue qu’ailleurs. Mais le nombre de morts, rapporté à celui de tous les décès dus à d’autres causes, reste marginal. Quant au décompte des «cas», comment le croire? Il dépend du nombre des contrôles. Des milliers de grippés bénins portent peut-être le virus sans le savoir. Et ils s’en sortiront vite. Brandir la menace d’une hécatombe est une insulte à l’intelligence.
Quant aux autorités suisses, puissent-elles mesurer le poids des mots. Lorsque l’Office fédéral de la santé parle d’une progression du virus «fulgurante» («rasant»), sans points de comparaison, il agite l’opinion plus qu’il ne l’informe. Entre deux et trois cents cas dans tout le pays, donc seulement quelques dizaines de malades nécessitant des soins, et il faut en appeler à l’armée pour faire face?
Quand le Conseil fédéral incite fermement les plus de 65 ans à éviter les trains bondés et les supermarchés, il insulte leur capacité de jugement. Va-t-on leur interdire d’aller au cinéma et aux théâtres restés ouverts? Suggestion: comme il ne font pas tous leur âge, on pourrait, pour leur bien, leur coller une étoile de couleur à définir afin que les autres prennent leurs distances. On l’offrirait aussi aux malades chroniques des poumons, aux immunodéficients et aux hypocondriaques.
Permettez à un vieux de se rebeller, de refuser cette discrimination arbitraire. Le nouveau film de James Bond - dont la sortie est repoussée en raison de l’épidémie! - dit juste: «Mourir peut attendre». Mais comme le rappelle un livre plus sérieux: «on ne connaît ni le jour ni l’heure».
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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
7 Commentaires
@arizan 10.03.2020 | 12h43
«Vos lignes reflètent hélas une vision statique et à courte vue de cette épidémie.
Selon moi le gouvernement n'a pas paniqué, il n'a pas pris son décret assez tôt. Sachant que s'il y avait 233 morts samedi 07.03 en fin d'après-midi, il a enfin écouté les virologues et statisticiens, et admis qu'il y en aurait environ 1600 le samedi 14 (le verra-t-on?) , et que le système des soins intensifs serait submergé, alors qu'il est déjà au bord de la noyade ce lundi. (Ah. Mme, ou M., mi dispiace, nous n'avons plus de tube, d'appareil d'assistance respiratoire pour vous).
Qui apprécierait de s'entendre dire cela?»
@curieux 10.03.2020 | 14h37
«"Que dit de nous ce refus frénétique du risque?": s'agit-il bien de cela? Il s'agit tout de même d'un virus dont la vitesse de propagation est particulièrement rapide et dont la létalité correspond au virus de la grippe espagnole, c'est-à-dire dix fois plus virulent que celui d'une "simple" grippe saisonnière...Bien plus que d'un refus, il s'agit d'une gestion du risque. Que nous attendons de la part de nos autorités.»
@Frapan 11.03.2020 | 18h26
«Bravo pour votre coup de gueule! Enfin une voix discordante dans toute cette panique...Quelle bande d’enfants gâtés nous sommes et quel cruel rappel de dame nature: nous ne sommes pas immortels! Avec tout ça, on n’oublie complètement les réfugiés qui survivent avec peine et dans des conditions inhumaines aux portes de l’Europe.»
@smon 13.03.2020 | 06h39
«L’absence d’insouciance n’est pas la preuve d’un manque de courage. Nos autorités font preuve d’un certain courage lorsqu’elles recommandent des mesures ciblées et efficaces (limitation des contacts) plutôt que des mesures plus populistes dont l’utilité serait probablement négligeable au stade actuel (limitation des déplacements). J’aimerais voir le même discernement lorsque les autorités de notre pays qui est à la traîne en question de prévention du tabagisme font une pesée d’intérêt entre la santé publique et les intérêts économiques. Imaginons que le coronavirus contamine 70-80% de la population s’il n’y a pas de vaccin dans l’intervalle (on est qu’à l’amorce de la pandémie, cela se produira rapidement si les mesures prises sont peu efficace, plus lentement si elle le sont et seulement tant qu’elles sont maintenues) et tue en Suisse entre 10’000 et 50’000 personnes; c’est le nombre de personnes que le tabac tue encore en Suisse en quelques années. Des mesures qui auraient un impact moindre sur la liberté et l’économie que celles prises actuellement pour le coronavirus permettraient de réduire sensiblement les conséquences sanitaires (et indirectement économiques) du tabagisme. On met souvent en avant la liberté pour justifier le manque d’action courageuse. Si les gens fument durablement, c’est pourtant parce qu’on ne les protègent pas de se rendre et rester esclaves de ce produit et de ceux à qui le commerce du tabac apporte du profit. Prise de parole d’un médecin, non spécialisé en épidémiologie, mais qui constate quotidiennement les conséquences du tabagisme. En passant, l’approche du coronavirus est une raison supplémentaire d’arrêter de fumer dans le meilleurs délais...»
@arizan 18.03.2020 | 14h56
«Je complète mon premier commentaire: environ 1600 décès en Italie le samedi 14 ? Les rapports quotidiens de la "Protezione civile" indiquent 1441 (+175) décès, mais il y a eu comme un couac dans la transmission de données, car la veille c'était 1266 (+250) et le lendemain 1809 (+368) . Une centaine de cas, je suppose, ce sont reportés sur le dimanche 15.03. Et encore + 349 lundi, + 345 mardi.
J'approuve entièrement le point de vue de smon, ci-dessus ! Y a-t-il eu une étude sur les bénéfices d'une interdiction totale du tabagisme en Suisse ! Les avantages pécuniaires directs et indirects sont connus : rentrées d'impôts, emplois, taxes pour financer l'AVS.
Les coûts en matière de santé, de décès précoces, sont-ils connus? Le bénéfice serait l'absence de ces coûts + la production que continuerait à assurer ceux qui sont mis hors-circuit prématurément. Chacun connaît des proches à qui c'est arrivé.
Mais il faut bien laisser une dépendance à ce produit pour certains, sinon ils vont se tourner vers un autre substance. Un débat factuel a t'il eu lieu ?
»
@bouboule 24.09.2020 | 22h01
«Cher Monsieur Pilet,
dites aussi que vous n'avez pas peur de l'Europe au cas où l'initiative de l'UDC passe
et alors on vous croira...»
@Apitoyou 21.05.2021 | 07h28
«Notre appréciation de la crise sanitaire dépend en fait de notre vison et du comptage des personnes (qui nous sont proches) victimes par la maladie ou mortes par ce virus.
0 personnes, on peut plaisanter, 1 à 3 on commence à douter, à partir de 4 à 5 on applique les mesures compensatoires et on recherche la vaccination, au dessus de ce seuil ça y est on a la trouille que ça nous arrive.»