Média indocile – nouvelle formule

A vif


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Le rêve d’une civilisation sans hommes, d’une religion sans Dieu, d’une démocratie sans peuple, de journaux sans journalistes est en passe d’aboutir. Celui d’une économie sans entrepreneurs est en train de devenir réalité. En témoignent les trois petites anecdotes suivantes.



Il y a quelques semaines, en remplissant une demande d’autorisation de voyage électronique canadienne, j’ai commis l’erreur de répondre oui, puis non à la question «Avez-vous eu la tuberculose?» A la suite de quoi, j’ai benoitement validé et envoyé le formulaire dans le ventre de la Machine. Bourde fatale! L’implacable algorithme avait enregistré mes deux réponses et a conclu que j’avais essayé de mentir et que, en vertu de l’article XXXL alinéa 3 de la loi sur l’immigration, je devais être frappé d’une interdiction d’atterrir sur le sol canadien. Pendant des jours, j’ai entamé un duel sans espoir contre le robot, tout recours à un arbitre humain, par téléphone, courriel ou pigeon voyageur étant exclu. Je me suis senti comme le prisonnier de ces films de science-fiction dans lequel un mur sans portes ni fenêtres se rapproche inexorablement de lui pour l’écraser. HAL, l’ordinateur dégénéré de 2001: Odyssée de l’espace, avait pris le contrôle et ne répondait plus aux prières humaines.

Finalement, quelques semaines plus tard, un miracle inespéré permit de débloquer la situation.

La semaine dernière, en débarrassant une cave en Valais, je chargeais une cargaison de vieilleries sur une camionnette avec mon maçon africain quand passa une voiture de police qui le plongea dans une grande agitation. Etait-ce à cause de sa couleur de peau suspecte? Pas vraiment. La raison était que la police valaisanne et vaudoise venant de se former aux nouvelles règles d’arrimage des charges sur les véhicules de transport, les gendarmes amendaient impitoyablement les contrevenants qui avaient le malheur d’avoir mal ajusté une sangle, mal accroché le filet obligatoire ou mal réparti les charges sur les essieux. Malam avait déjà été taxé de 400 francs d’amende pour avoir légèrement dépassé la tare et un de ses amis avait perdu 260 francs pour une paire de skis mal «arrimée». J’ignorais que mes modestes deux cents kilos de déchets valaient autant d’attention et que l’arrimage était devenu le souci principal de nos pandores. Il fallut nous mettre en chasse de filets et de sangles pour éviter l’amende, ce qui nous prit plus de temps que le déménagement de nos déchets.

Le principe de précaution ne souffre aucune exception.

La troisième expérience m’a été racontée par une amie qui rentrait du procès intenté à son fils vidéaste, lequel avait eu la mauvaise idée de franchir la douane genevoise avec un pistolet en plastique oublié dans sa voiture à l’issue d’un tournage. Dénonciation pénale auprès du procureur qui prononça aussitôt une peine de 500 francs d’amende et une inscription de cinq ans au casier judiciaire pour punir le terroriste en puissance. Amende confirmée en appel par le juge, qui supprima toutefois l’inscription au casier. Résultat, beaucoup de temps perdu, de stress inutile et de frais d’avocat, pour une arme factice achetée dans un magasin de jouets.

La Norme, encore la Norme, rien que la Norme. Adieu bon sens, cœur et même raison!

Je me garderai de tout commentaire, de peur d’être accusé d’incitation à la haine de la Règle. Mais je tire mon chapeau aux voyageurs qui ont encore le courage de voyager, aux maçons celui de maçonner et aux vidéastes celui de tourner des films. Ainsi qu’aux paysans qui osent encore semer et aux entrepreneurs qui osent encore entreprendre dans de telles conditions. Ce sont des héros.

VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

7 Commentaires

@Apitoyou 03.03.2023 | 13h08

«L’inquisition aujourd’hui semble revenir à coup de règles, règlements, et d’oukases avec des pandores certains trop consciencieux et d’autres parfois sadiques en abusant du pouvoir qu’on leur confère. Les nouvelles attitudes à avoir sont bien décrites dans les nombreux récits de science-fiction. Ne jamais avoir une mentalité de puissant qui serait reconnu au delà des frontières lointaines, se fondre dans le paysage social, apprendre à tricher avec les machines, en dire le moins possible aux kapos, bien rigoler(sous cape ou avec la connivence des témoins). quand ils se sont ridiculisés et surtout paraître pour un individu conforme. C’est le monde du 21 ème siècle qu’il faut apprendre si vous ne voulez pas vous retrouver en garde à vue après avoir été déshabillé au poste pour des soupçons non avenus et pour lesquels vous ne recevrez jamais d’excuses (c’est arrivé à des amis à Genève). Le nouveau Monde est arrivé , dans l’ancien ça existait mais sans les machines., ni la reconnaissance faciale. »


@Eggi 04.03.2023 | 18h38

«Et moi, je tire mon chapeau à ceux qui ont encore le courage de se conformer aux règles de la vie en société, quitte à demander, par voie démocratique, l'abolition de celles qui paraissent absconses...»


@Maryvon 05.03.2023 | 09h46

«Le problème c'est qu'il n'y a plus aucun bon sens. Trop de fonctionnaires ont avalé leur règlement et l'exemple que vous citez lors de votre voyage au Canada illustre bien que nous sommes entrés dans un monde que même le cerveau de M. Kafka n'aurait pu imaginer. Un monde ou les citoyens et citoyennes sont potentiellement coupables de quelque chose. En parlant récemment avec de nombreuses connaissances, il s'avère que la plupart de ces personnes n'ont plus envie de se rendre dans un aéroport. Non, ce c'est pas un souci écologique qui les motive, ni la peur de prendre l'avion mais bien toutes les tracasseries que l'on est susceptible de rencontrer lors du check in. Vous ne pouvez plus vous tromper lorsque vous remplissez un document en ligne au risque de passer les prochaines 48 heures à tenter de le rectifier. Est-ce bien là le progrès de notre civilisation ?»


@vlo 05.03.2023 | 12h07

«Et maintenant, on fait quoi avec ça? et nous en avons tous de ces anecdotes anodines, qui, prises une et une isolément, nous feraient sourire. Mais quand cela touche toute une société, la nôtre propre de surcroît, il devient terriblement urgent de prendre de la hauteur, respirer profondément pour s'abstenir d'accumuler des jurons dans l'ambiance déjà lourde, et se concentrer sur les autres anecdotes illustrant la joie de vivre et tous les bons côtés de l'humanité.»


@Maryvon 06.03.2023 | 11h20

«@vlo
Je n'ai pas pour habitude de répondre aux commentaires des lecteurs. Je partage votre point de vue dans le sens qu'il faut essayer de relativiser toutes ces lourdeurs qu'elles soient administratives ou autres. Par contre, je pense que la société a aussi son mot à dire lorsqu'elle constate que le bon sens n'est plus de mise. Un peu de souplesse et d'humour ne me semble pas être un luxe lorsqu'on vit en société. La tentation est grande pour nos Autorités, depuis les mesures prises pendant le Covid, d'instaurer toutes sortes de contrôle sur les citoyens et citoyennes. Comme exemple, je mentionnerais, l'intention des CFF de placer des caméras dans les gares qui a exaspéré beaucoup de personnes dans ce pays. Toutefois, il faut éviter la paranoïa mais restons tout de même attentifs.»


@Spark 08.03.2023 | 17h46

«Le bonus des agents verbalisateurs est calculé en fonction du nombre et des montants des amendes affligés à nous autres; pauvres citoyens. suis étonné qu'ils ne s'acharnent pas davantage. J'ai vu une fois un agent de parking qui attendait devant une voiture afin que les 2 ou 3 dernière minutes du stationnement payé soit écoulées pour coller une amende, mais malchance pour lui, l'automobiliste est arrivé à temps! Le bonus du concepteur d'un algorithme est fonction du nombre d'erreur que son programme réussisse à détecter. Toujours cherchez l'intérêt personnel d'abord! Il existe même une théorie fantaisiste, que Marcel Ospel avait évoqué, selon laquelle l'intérêt public est égale à la somme d'intérêts des particuliers!»


@stef 26.03.2023 | 15h25

«Toutes ces règles absurdes ne poussent qu'à une seule chose: les contourner !!»


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