Livre / Ceux qui flottent et ceux qui coulent
«Mirages et naufrages», Giosuè Calaciura, Editions Noir sur Blanc, 144 pages.
Les cinq nouvelles qui composent Mirages et naufrages ont la mer comme point commun. La mer et ceux qui y naviguent pour une raison ou pour une autre. La mer comme métaphore de l’existence, sans doute, avec ses remous, ses vagues, ses espoirs et ses désespoirs, avec celles et ceux qui flottent, avancent, surnagent et ceux qui coulent. L’écriture de Giosuè Calaciura est tout à la fois poétique et sans fioritures inutiles. C’est très beau mais il y a toujours quelque chose de tragique qui flotte dans l’air, qui irise la mer, dont l’odeur envahit l’atmosphère. Quelque chose de tragique mais jamais misérabiliste. Dans Courte croisière en mer Tyrrhénienne, le narrateur est un marin qui emmène des touristes pêcher; ce n’est pas un poisson qu’ils attrapent mais le corps d’une migrante. La mer est petite mais Dieu est grand fait le récit du voyage d’Ismaele, sur un bateau de fortune, entre l’Afrique et l’Italie. Ismaele qui d’abord lit à ses parents analphabètes les lettres d’un cousin qui a immigré. Ismaele invente, enjolive, fait croire que le cousin se trouve dans un vrai paradis alors qu’il survit en vendant «pour trois euros des lunettes de soleil scintillant de lumières électriques en poursuivant les touristes jusque dans les restaurants.» Ensuite Ismaele part à son tour vers ce paradis, comme s’il avait lui-même cru à ses mensonges. Est-ce ainsi que vont nos vies? Enjolivons-nous le récit de nos existences, nous leurrons-nous car sinon cela n’aurait pas de sens? «Il vit la coupole de Saint-Pierre reflétée dans le Tibre qui rendait à la mer son eau paisible jusqu’au moment où il sentit qu’était épuisée la parabole de son vol et fut précipité dans une obscurité humide et sans rêve car il n’avait plus d’autres mensonges.»
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