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Actuel

Actuel / D'amour et/ou de raison

Michael Wyler

9 mars 2018

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Ah! la Thaïlande... Un vrai petit paradis aux yeux de quelque 20'000 Suisses qui y résident. Combien sont-ils à avoir un conjoint thaï? Impossible de le savoir, mais, selon des sources proches de l'ambassade de Suisse (qui évidemment ne veulent pas être nommément citées), ils sont plusieurs milliers. Rencontres.



Jean-Richard est furibard. Il est venu tout exprès de la province de Phrae (au nord du pays) avec son épouse thaïe pour faire tamponner son certificat de mariage (il s'est marié en Suisse) et voilà qu'au guichet «mariages» de la section consulaire de l'ambassade on lui dit que c'est à l'ambassade de Thaïlande à Berne qu'il doit s'adresser.

«Font quand-même chmire», me dit-il, avec un un bel accent vaudois. «On a fait huit heures de bus et on a dû se payer une nuit à l'hôtel et voilà qu'ils ne sont pas fichus de nous tamponner notre certificat.» La bureaucratie, il connaît. Il a besoin de ce tampon pour prouver aux autorités de sa province qu'il est marié. Cela pour pouvoir obtenir un permis d'habitation pour la maison que sa femme et lui sont en train de construire. Mais il s'attendait à plus de souplesse chez les Suisses.

Jean-Richard a 59 ans. Mécanicien sur voitures, divorcé, deux enfants adultes, il a rencontré Malee, sa future épouse il y a tout juste un an, lors de vacances à Ko Samui. Malee a 40 ans. Mariée jeune et rapidement divorcée, elle a un fils de 22 ans qui travaille à Bangkok. Elle? «Je travaillais dans un hôtel de Samui quand j'ai rencontré Jean-Richard», me dit-elle dans un allemand très approximatif.

C'est que Malee ne parle pas un mot français, pas plus que Jean-Richard ne parle un mot de thaï et donc, ils baragouinent tous deux un peu en allemand. «Pas vraiment de quoi avoir des conversations suivies, précise JR (comme il aime bien qu'on l'appelle), mais on trouve quand-même des façons de communiquer.»

La mère de Malee viendra vivre avec eux, ce qui ne dérange pas du tout JR: «Elle est veuve, elle a le même âge que moi et elle cuisine super bien! Et comme on dit chez nous, quand y'en a pour deux, y'en a pour trois!»

Amour? Sexe? Un peu des deux? Pour JR, c'est gagnant-gagnant, un échange. «J'ai encaissé mon 2e pilier, qui nous payera la maison, j'ai mis un peu d'argent de côté et je donne un coup de main quelques heures par semaine au garage du village. Puis y'aura l'AVS. Pour Malee, cela signifie sécurité et une certaine qualité de vie et en contre-partie, je reçois reconnaissance et affection. Le sexe? A mon âge? C'est sympa, mais on n'est pas des accrocs, ni elle, ni moi.»

Business is business

On estime que près d'un tiers des quelque 20'000 ressortissants helvétiques installés en Thaïlande ont plus de 65 ans et ce chiffre croît de 3 à 4% par année. Quant aux 210'000 touristes venus de Suisse en 2017, un bon tiers entreraient également dans cette catégorie d'âge. Combien de couples? Combien de célibataires, veufs ou divorcés? Combien de Romands, d'Alémaniques ou de Tessinois? Impossible de le savoir. Mais Ruedi s'en tamponne.

Ruedi? Un entrepreneur originaire du canton de Zurich, 64 ans, toutes ses dents et depuis plus de 20 ans à Pattaya, station balnéaire que des esprits chagrins considèrent être une capitale du tourisme sexuel, ce que réfute avec véhémence le gouvernement thaï.

Petit, rondouillard, la langue bien pendue, Ruedi possède «quelques petits hôtels» et «2-3 bars» fort prisés des touristes alémaniques de passage, aussi bien pour ses «hôtesses» à qui il fait donner des cours d'allemand, que pour les tournois de jass qu'il y organise. Si sa clientèle féminine se compte sur les doigts d'une main, il estime toutefois être à l'origine de «plusieurs dizaines de mariages».

«Je suis un businessman. Pas un pasteur, ni un curé»

Ruedi, 64 ans

«Je sais pourquoi tant d'hommes viennent ici et je ne fais que répondre à la demande. D'ailleurs  si ce n'était pas moi, un autre le ferait à ma place. J'offre aussi un forfait «tout compris»: une chambre dans un de mes hôtels, 5 drinks par jour, une compagne à choix et un scooter, le tout pour une semaine».

Le plus souvent divorcés ou veufs, les clients de Ruedi ont parfois envie de rester en Thaïlande et de s'y marier. Il admet volontiers que si les futures épouses ont rarement plus de 25 ans, les futurs époux en ont rarement moins de 60. «Et alors? me dit-il. Pour les filles, c'est la promesse d'une vie meilleure, hors prostitution, qui va leur permettre d'aider leurs familles, la plupart du temps, très pauvres, car pour un Suisse, verser 100 francs par mois à la famille de sa femme ne pose pas vraiment problème et pour ces gens, qui vivent avec trois fous rien, c'est un cadeau tombé du ciel.»

Et en échange? «Elle s'occupe de lui, fait le ménage et bien sûr, baise si et quand il veut.» Mais, ajoute t-il en souriant: «A 60 ans ou plus, mes compatriotes ne sont pas très exigeants...»

Mariage d'amour...

Charles, 50 ans, d'origine neuchâteloise est marié depuis 15 ans à Apsara, 42 ans, et ils ont un fils de 12 ans.

«Je suis arrivé en Thaïlande à 33 ans pour y travailler pour une entreprise suisse et c'est là que j'ai fait la connaissance d'Apsara, qui était secrétaire comptable. Un peu timides tous les deux, il nous a fallu plusieurs mois pour enfin nous décider à vivre ensemble, puis à nous marier. Heureusement, elle parlait assez bien anglais, moi aussi et nous avons donc réellement pu communiquer. Elle m'a présenté à sa famille et j'ai fait de même lorsque mes parents et mon frère sont venus en visite.

Des amis m'ont dit de me méfier, me disant que de nombreuses Thaïlandaises cherchaient généralement un «farang», un étranger blanc, qu'elles saigneraient à blanc (il rit) en prétextant des parents malades à qui il faudrait payer des médicaments et une nombreuse fratrie à nourrir et loger. Il est vrai que cela arrive, mais ce n'a pas été notre cas. Nous nous aimons et si nous avons choisi de rester en Thaïlande, tout en visitant tous les 2-3 ans la Suisse, c'est que la vie y est agréable. J'aime ce climat de chaleur parfois humide, la gentillesse des habitants, la nourriture et... les prix.

Notre maison fait 220 m2. Nous avons 3 chambres à coucher, 2 salles de bain, une grande terrasse et un jardin où poussent papayes, mangues et quelques légumes. A 10 minutes à pied de la plage, elle nous a coûté 150'000 francs et nous vivons très bien avec 2000 francs par mois, y compris le salaire de notre femme de ménage-cuisinière, qui est là à plein temps. Mais surtout, nous avons une belle vie de famille et un fils qui parle français. Mon thaï? Mouais... je me débrouille pas trop mal: j'ai pris des cours pendant une année et Apsara a fait de même pour apprendre un peu le français. Je continue à travailler, mais évidemment plus avec un salaire d'expatrié. Mais cela nous suffit pour vivre et plus tard, il y aura le 2e pilier et l'AVS, donc, pas de soucis.»

Que pense t-il du tourisme sexuel? «On ne peut que le regretter, me dit-il, car il ternit l'image de ce beau pays. Mais il faut comprendre que des dizaines de milliers de jeunes femmes, qu'elles viennent des campagnes du nord-est ou du Myanmar tout proche, n'ont guère de choix. Le travail dans les champs est dur et ne rapporte rien; elles n'ont souvent pas eu l'occasion de suivre l'école pendant plus de 4-5 ans et donc, n'ont aucune chance de trouver un travail correct. Elles doivent souvent subvenir aux besoins de leurs parents et donc, salons de massage, gogo girls et prostitution sont leurs seuls débouchés.

Quant aux hommes, souvent, dans les campagnes, ils quittent leurs copines ou épouses dès qu'elles sont enceintes, recommencent ailleurs et ne fichent pas grand chose, si ce n'est boire des coups avec les copains. C'est encore une société très macho.»

Gai, gai, marions-nous

S'il n'est pas nécessaire de disposer d'un visa pour des séjours de courte durée, prendre sa retraite en Thaïlande exige que l'on dispose d'un visa, permettant un séjour de longue durée. Les conditions à remplir ne sont pas très compliquées et les consulats de Thaïlande donnent volontiers tous les renseignements voulus, que l'on trouve par ailleurs aussi sur les sites internet.

Épouser un/e Thaïlandais/e? Rien de plus simple, que le mariage soit célébré en Suisse ou dans le Royaume. L'Ambassade de Suisse à Bangkok (tout comme son site internet) met gracieusement à disposition une documentation détaillée sur la marche à suivre dans nos diverses langues nationales. Manifestement, il y a de la demande...

Pas d'assurance maladie obligatoire, mais une très bonne qualité de soins (pour celles et ceux qui peuvent payer ou disposent d'une assurance), des impôts bas et une bonne qualité de vie permettent par ailleurs à de nombreux retraités occidentaux et Australiens notamment, d'envisager passer ici les dernières années de leur vie, qu'ils soient seuls ou en couple.

C'est que divers projets de type EMS ont vu le jour ces dernières années en Thaïlande, certains spécialisés pour les personnes atteinte de démence, tels que celui-ci.

D'autres, aussi sur modèle suisse, accueillent des personnes ou couples en bonne santé et indépendants, tout en leur offrant un environnement médicalisé «pour plus tard». L'avantage? Outre une présence de qualité 24/24, le prix: entre un tiers et la moitié moins cher qu'en Suisse.

Ainsi, si se marier et être pris en charge par leur épouse est un choix pour certains, d'autres choisissent d'autres formules: une résidence type EMS ou l'indépendance, sachant qu'il est facile et bon marché de trouver une aide à plein temps.

Ah, mais j'y pense, je ne vois ai pas dit pourquoi peu de femmes thaïes s'établissent en Suisse avec leur mari. Pour Ruedi, c'est clair: «Elles s'emmerdent en Suisse! Non seulement leurs familles leur manquent, mais entre le climat, la nourriture et le côté coincé de nombre de mes compatriotes, elle ne sont pas à la fête!»


Précédemment dans Bon pour la tête

«Paradis pour les uns...» de Michael Wyler

VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

4 Commentaires

@Bogner Shiva 212 09.03.2018 | 09h59

«Oui , très cool mais ...le problème qui arrive très vite c'est la langue, je ne connais pas beaucoup, même pas sûr qu'il en existe des "Farangs", des étrangers qui maîtrisent la langue ! Et très vite comment partager nos sentiments respectifs de manière intime, profonde avec son ou sa conjointe, lorsque l'on "maîtrise" que les 5 % d'une langue ? Quand on va se rendre compte de la barrière de la mentalité, je parle ici des énormes différences concernant l'intellect, la configuration mentale. Notre base (config) mentale est essentiellement modelée par la Grèce antique, Romaine et un mélange nordique...rien à voir avec l'Asie, mais rien du tout. Prenez dans l'extrême, une mentalité Japonaise VS Allemande.... Vaudois VS Zürichois ou Schwytzois... :-) Une base grammaticale et vocabulaire la plus complète possible dans n'importe quelle langue va permettre l'élaboration d'idées et d'extrapolations complexes et surtout pouvoir les exprimer et échanger. Un exemple, un individu qui ne possède que 200 mots , quelques vagues notions de grammaire et une "base" exclusivement SMS donne des "conversations" surréalistes sur n'importe quel sujet. Donc pour la Thaïlande et autres contrées exotiques, qui offrent vraiment une vie pas comparable avec la Suisse, cet îlot de "cherté" à des personnes qui vivoteraient dans notre beau et trop cher pays, il va falloir très vite se faire à l'idée que nous allons rester des étrangers, des Farangs pour les Thaïs, et peut causer à terme un sentiment de solitude intérieure pas du tout facile à gérer. ce qui fait que l'on va se retrouver dans des ghettos d'expatriés...avec sa femme ou son mari étranger, Thaïs en l'occurence, qui va être confrontée à la même problématique que nous...a méditer !»


@miwy 10.03.2018 | 04h16

«Merci pour ce commentaire fort intéressant. Vois avez raison d'évoquer ces différences cultuelles qu'il convient de ne las négliger. Elles tendent à s'estomper si le farang se donne la peine d'apprendre la langue, tout comme c'est le cas si le/la partenaire Thai a vécu à l'étranger ou maîtrise l'anglais ou l'allemand par exemple. Mes interlocuteurs disons, moins sophistiqués ou peu instruits me dosaient que cela ne les dérangeaient pas d'avoir des conversations limitées avec leur partenaires. Ces dernières ont amis et famille et eux, leur petit groupe de copains et amis Suisses. Un peu limitatif, certes, mais cela semble convenir à dertains.»


@Reno 11.03.2018 | 15h49

«Many Swiss (and others) find love in Thailand. The perverse and racist view is that they go to Thailand because blood-sucking women are "easy" to get. Obviously, Bogner Shiva does not know what he/she is talking about. It looks like someone who never left Lutry. A native of Cortaillod, Neuchatel, I left for the USA where I got my PhD and got married to a ...Japanese. We did not speak English well enough, but after 35 years we are still happily together. Our son was born in the UK and now speaks there languages. We now live and teach in Korea where we do not master (yet) the language. The humanity we received from our students is amazing. In the absence of a full conversational ability, the non-verbal clues are heart-warming. When I hear Bogner Shiva pontificating on "des énormes différences concernant l'intellect, la configuration mentale. Notre base (config) mentale est essentiellement modelée par la Grèce antique, Romaine et un mélange nordique...rien à voir avec l'Asie, mais rien du tout," I frankly reach for my gun, as Goebbels would say. After reading online (from Daejeon, South Korea) the always excellent Bon Pour la Tête feed, we watched a subtitled Korean movie. We leave the discussion on Louis Althusser (who killed his wife) or Gilles Deleuze and Arthur Koestler (who committed suicide) though all spoke French with a 'mélange Nordique' to the likes of Bogner Shiva, reminding him/her that half the marriages in Switzerland end in divorce, including my brother's, and she was from Valais! The Thais numbers are better!»


@miwy 11.03.2018 | 23h53

«Thank you @Reno for your interesting " full of sound and fury " comment, to missquote Sheakspeate. Hope you don't mind if I continue in french, as most readers (like you avtually...) are basically french speakers. Il y a dans le commentaire de Bogner Shiva quelque chose qui me dérangeait un peu, certaines idées me rappelant un peu trop les théories eugéniques en vogue au début du siècle dernier. J'ai toutefois mis cela sur le compte de l'envie d'illustrer son propos.
Il me semble tout aussi faux de vouloir nier les risques que comportemt les différences culturelles (ce qui ne signifie pas que l'une serait supérieure à l'autre) que de les éroger en mur infranchissable. Elles existent, certes, mais cela n'empêche pas que de nombreux couples de culture de base différentes d'être heureux, comme j'ai pu le constater, ayant vécu en Amérique du Nord, dans le Pacifique et en Chine... Cela étant, je ne vous pas très bien le rapport avec le meurtre et les suicides dont vous faites état. Althusser était atteint de démnce lors du meurtre de sa femme, Deleuze ne supportait plus les souffarnces de sa maladie et les époux Koestler, membres de Exit (rien à voir avec Exit en Suisse) ont fait un choix délibéré et réfléchi.»


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