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Chronique

Chronique / Pauvre Yannick, pauvre misère

Isabelle Falconnier

3 décembre 2017

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La plume qui caresse ou qui pique sans tabou, c’est celle d’Isabelle Falconnier, qui s’intéresse à tout ce qui vous intéresse. La vie, l’amour, la mort, les people, le menu de ce soir.



Non, je n’ai pas été harcelée par Yannick Buttet. Je n’ai pas non plus été sa maîtresse. Sans doute que je ne m’intéresse pas assez à la politique et lui pas assez à la littérature.

Je n’ai d’ailleurs jamais été harcelée, ni agressée, ni violée par un homme.

Ou disons: je n’ai jamais eu le sentiment d’être harcelée, agressée, violée.

En face d’un homme pris de boisson et mettant maladroitement sa main à mon cul, et son haleine dans mon cou, je vois un homme avec un verre dans le nez mettant maladroitement la main à mon cul et son haleine dans mon cou. Soit: un pauvre type. Parce qu’un homme qui boit trop et qui met la main au cul d’une fille, c’est un homme qui a toutes les raisons non pas d’être considéré comme un conquérant fort et dominateur mais, tout au contraire, d’être plaint.

C’est un type en manque – de sexe, d’affection, d’attention, d’amour.

C’est un type qui ne peut retenir ses pulsions, un prisonnier absolu de ses instincts immédiats et bestiaux.

C’est un type qui n’a pas et n’aura pas ce qu’il cherche – du sexe, de l’affection, du respect, une femme à lui, pour la soirée, la journée, la vie.

C’est un type qui en est réduit à quémander, à prendre, à s’humilier, à se salir en salissant.

C’est un type à qui la proximité de femmes fait perdre ses moyens, son intelligence, son âme. C’est un type amoindri, inférieur.

Qui a le pouvoir, dans cette affaire? Moi, la femme qu’il convoite, j’ai ce pouvoir sur lui. Lui, incapable de se maîtriser, incapable de recevoir ce qu’il souhaite, est sa propre victime.

Des hommes à plaindre

Je propose, dans l’océan de paroles post-Weinstein, que nous voyions – aussi – le pouvoir que cela donne aux femmes. Que nous osions considérer la manière dont cela révèle le pouvoir que détiennent – aussi – les femmes. Un homme qui reste scotché à l’interphone de son ex-amante, lui envoie cinquante messages par jour, est un homme fou d’amour déçu, un homme jaloux, un homme blessé, malheureux, un homme désespéré qui ne sait que faire de son désespoir. Ne sait-on pas que l’amour fait mal, que l’amour rend fou? Tient-on à faire remplir un formulaire en dix exemplaires à tous les désespérés de l’amour non réciproque pour qu’ils transforment leur chagrin en comportement administrativo-compatible? Ne peut-on pas juste avoir pitié de Yannick Buttet?

Et pourquoi cela, ce que je viens d’écrire, que lesdits harceleurs sont surtout des hommes à plaindre, qu’un amoureux qui souffre est une victime de sa souffrance, est indicible, inaudible? Pourquoi tient-on tant à faire apparaître une armada, une déferlante de femmes victimes? Et est-ce cela que nous, femmes, voulons être dans nos rapports avec les hommes: des victimes? Je n’en peux plus d’entendre ce mot de «victime», répété à l’envi mille fois par jour à la télévision, à la radio, dans les médias, par des journalistes, souvent hommes, s’en délectant comme d’un bonbon au caramel. Les mots collent à la peau, longtemps. Aucune femme ne souhaite que demain, après-demain, en prononçant «femme», on pense «victime» aussi. Renversons le poids de la négativité: ceux qui ont un problème, ce sont les hommes, harceleurs, agresseurs, en manque, malheureux. Essayons non la peur, non la naïveté, non la soumission: le dialogue, et pourquoi pas, mieux que la pitié, l’empathie.

VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

22 Commentaires

@christophe.andreae@jrmc.ch 03.12.2017 | 03h05

«Enfin un regard plus équilibré ! Bravo Isabelle !»


@Elizabeth 03.12.2017 | 09h12

«Oh, merci, merci, MERCI pour cet article ! Que cette parole fait du bien au milieu de l'insupportable déferlante victimaire de ces derniers temps ! »


@phaber 03.12.2017 | 09h27

«Considérer ces hommes comme des pauvres types, c’est un pas dans la bonne direction. Beaucoup traversent peut-être une fois ou l’autre ce genre d’épisode dans leur vie et s’ils n’ont pas la chance de tomber sur vous ou votre sœur, Isabelle Falconnier, les conséquences peuvent être lourdes et parmi elles, le risque de devenir récidiviste. C’est pour cela que la répression légale reste, si nécessaire, indispensable. »


@Jeff 03.12.2017 | 09h31

«Magnifique chronique à diffuser un max. Elle ouvrirait peut-être les yeux de certains hommes !»


@Chip Raptor 03.12.2017 | 09h46

«Votre point de vue est très juste et bravo de l’exprimer si clairement. J’y mettrai cependant un bémol. Il ne vaut malheureusement pas pour les femmes qui subissent les assaults de phallocrates harceleurs dans le cadre d’un rapport de pouvoir, par exemple hiérarchique. Et qui n’ont d'autre choix que de subir en silence ou de renoncer à un bien essentiel comme leur travail, leur carrière. Celles-là sont bien des victimes et leurs bourreaux ne sauraient inspirer l’empathie. En tous cas pas la mienne.»


@DorisE 03.12.2017 | 11h35

«Merci Isabelle pour avoir le courage d'écrire ce que je ressens profondément mais ce que je n'aurais jamais pu exprimer de façon aussi éloquente. Merci, c'est un message important. Cet article confirme encore une fois la bonne décision que j'ai prise de m'abonner à Bon Pour La Tête. Continuez !»


@Salamandrine 03.12.2017 | 11h41

«Bien sûr que c’est ce type de harceleur qui a un problème. Bien sûr qu’on peur en avoir pitié. Et d’ailleurs j’en ai pour M Buttet, mais pour avoir eu malheureusement affaire à ce genre d’hommes dans mon travail et en politique, je peux dire que même si je pouvais avoir l’impression d’avoir un pouvoir sur eux et une supériorité intellectuelle ou autre, je n’en étais pas rassurée ni fière. A la limite, je me demandais quand mes propos ou mes attitudes avaient pu susciter ces comportements. Je ne pense pas avoir été une victime, mais clairement d’avoir été vue comme de la viande, sans aucune considération pour mes compétences ou mon apport à un projet. »


@flegmatique 03.12.2017 | 13h14

«Bravo chère Isabelle je n'en attendais pas moins de vous ! Je n'excuse pas tous les hommes qui profitent de leur hiérarchie, leur notoriété pour harceler les femmes. Par contre les hommes seuls, en manque, oui en manque d'amour, éconduits, malheureux méritent l'empathie !»


@Emma 03.12.2017 | 14h24

«Madame, à vous lire on constate que quelque part dans ce chaos de soi-disant femmes il en existe une qui mérite le titre de reine.»


@Freya 03.12.2017 | 14h49

«Bravo, bravo, bravo pour ce formidable article. Et merci. Je suis une femme de 39 ans et je me reconnais à 100% dans votre analyse. Je viens de m'abonner à Bon pour la tête et je suis ravie de retrouver votre plume après avoir été une lectrice assidue de L'Hebdo depuis l'adolescence. Bonne suite!»


@smaltine 03.12.2017 | 15h34

«Enfin un article au-dessus de la mêlée. Bravo ! »


@Trabix 03.12.2017 | 18h14

«Bravo bien sûr pour ce commentaire. Ce que vous dites est très vrai, dans le cas qui nous concerne, celui de YB, de son problème d'alcool etc. Mais il y a les autres cas, les hommes de pouvoir, les Weinstein, devant des jeunes femmes qui ne sont pas Isabelle Falconnier, des jeunes femmes dépendantes car endoctrinées par leurs conseurs, par le système que ces hommes ont mis en place. Là le chemin est plus difficile mais il reste calquable dans le vôtre, c'est une question d'éducation. Merci.»


@mpmerlin 03.12.2017 | 21h32

«Chère Isabelle, je suis entièrement d'accord avec vous sur le fait que Yannick Buttet est un pauvre type qui a un problème. Et comme vous, je ne me suis jamais fait harceler ni même simplement embêter.
Mais vous êtes vous déjà posé la question pourquoi vous n'avez jamais été ennuyée, tourmentée par un homme un peu lourd ? Etant née la même année que vous j'ai évolué dans le même monde que vous. Et j'ai vu bien des filles victimes, celles qui vous énervent. Mais toutes les femmes n'ont pas la chance comme vous et moi d'être dotée d'un, disons, certain caractère. Et ces Messieurs le savent bien et s'en prennent à plus faibles qu'eux. Du moins il me semble...»


@Kukisteph 04.12.2017 | 00h05

«Bravo pour votre article, vous avez un regard différent de ce qu'on à l'habitude de lire et qui est à mon avis, beaucoup plus cohérent. Vous avez toujours l'art de mettre le doigt dans le noeud du problème, j'ai beaucoup de plaisir à lire vos articles si percutants! Je vous souhaite tout le meilleur pour la suite.»


@Calvin 04.12.2017 | 10h39

«Bravo pour votre texte qui renverse remarquablement les rôles et pousse à la réflexion !
»


@Chap 04.12.2017 | 11h42

«Vous avez mille fois raison: chaque comportement humain est relié à un besoin fondamentalement profond d'amour et de reconnaissance. Derrière l'agressivité et la lourdeur se cache le désespoir. Le miroir que vous tendez à certains hommes est teinté de perspicacité - le verront-ils?
Ceci-dit, mon imaginaire souffre certainement d'indigence, mais je n'arrive pas très bien à concevoir que le dépit amoureux puisse légitimer une intrusion abusive dans la vie personnelle de quelqu'un. Et j'ai beau me creuser la cervelle, je ne retrouve pas tellement de clichés illustrant des femmes faisant systématiquement irruption dans la sphère intime des hommes de leur entourage sans y avoir été invitées. Les amateurs de théorie du complot crieront à la lacune médiatique. D'autre dénonceront, sûrement avec raison, un tabou. Qui doit nous interroger. Une femme intrusive doit rester invisible de même qu'un homme importuné.
Ces comportements me semblent relever d'une croyance commune: les femmes n'ont pas d'espace personnel, qu'il soit physique ou psychique. Elles sont exclusivement des êtres pour autrui. Disponibles sexuellement et mentalement, éternellement disposées aux attouchements mais aussi aux injonctions et aux jugements non sollicités. Nous avons conquis l'isoloir, c'est bien. Actuellement, c'est le seul endroit où on est sûre d'avoir la paix: c'est peu.
Nous vivons tous avec les mêmes besoins d'amour: mais pas dans les mêmes conditions.
Vous appelez au dialogue, moi aussi. Mais avant de nous enjoindre à nous transformer en puits d'empathie sans fond, je pense qu'on peut sans autre demander aux hommes de notre entourage d'être attentifs à ménager des espaces de vie et de parole aux femmes qui les entourent. Histoire que l'injonction change de camp, tiens. Et aussi parce que je ne considère pas ces hommes comme de pauvres types mais que je les respecte et crois en leur capacités relationnelles.»


@clover 04.12.2017 | 12h23

«Je suis franchement étonnée de ne lire que des commentaires positifs... Je ne suis pas d'accord avec vous Mme Falconnier. Il ne faut pas tout mélanger. Il y a tellement de griefs reprochés à M. Buttet qu'on ne saurait le considérer ici comme un simple amoureux transi. S'agit-il même d'amour? Ne s'agit-il pas plutôt de besoin de possession, d'obsession pathologique dans le cas du harcèlement de son ex-amante? et les autre cas dans le cadre de son activité politique ne sont pas non plus excusables. C'est une chose qu'un anonyme soit un peu lourd apèrs une soirée bien arrosée. C'en est une autre venant d'un élu, personnage public détenant un pouvoir, qui en a fait une manière de fonctionner. Ne mélangeons pas tout et ne mettons pas la faute sur les personnes qui ont subi ses assauts non consentis. »


@Bonzozo 04.12.2017 | 16h43

«Bien tourné, Ghandi n’aurait pas mieux dit»


@Ninotchka 05.12.2017 | 09h30

«Bravo quelle belle plume et quelle belle âme !
Je vous remercie de montrer un autre regard
Ninotchka»


@stef 06.12.2017 | 16h40

«Pas d’empathie pour les gars comme lui, qui sait se faire harceleur et manipulateur.
La pire espèce !
J’aurais de l’empathie pour un poivrot ou un déséquilibré mental. Mais pas pour lui, ni Darbelley, ni Weinstein !»


@Wapiti 07.12.2017 | 02h35

«Isabelle, comme toujours sur le point, bravo. C'est un plaisir de vous lire.»


@Fandeski 28.07.2018 | 20h51

«Bravo Madame Falconnier. Bon! je dis cela. Mais "Bravo et Falconnier" c'est un peu comme un pléonasme tant vos chroniques sonnent toujours juste»


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