Actuel / A confondre le verbe et l’action, on risque de se planter
De tout temps, dans la galerie des puissants, il y eut les taiseux obstinés et les bavards virevoltants. Donald Trump fait mieux. Il se veut le sorcier qui touille dans la marmite brûlante de ses colères et de ses désirs. Il en jaillit toutes sortes de bizarreries. L’occasion de s’interroger: quand le verbe se nourrit de lui-même que devient l’action?
Deux jours avant son discours à l’ONU, devant un parterre de décideurs, le président américain se vantait déjà d’avoir permis sept accords de paix. Dont, lâchait-il, entre l’Arménie… et le Cambodge! Parlant sans notes, il confondait avec l’Azerbaïdjan. Ou avec le répit entre l’Inde et le Pakistan, d’ailleurs plus inspiré par Pékin que par Washington. Dans les sept cas qu’il cite dans l’espoir de décrocher le prix Nobel de la Paix, la réalité du terrain ne confirme pas les accents triomphants du prétendu raccommodeur. Entre l’Egypte et l’Ethiopie en conflit autour des eaux du Nil, rien n’est réglé. Pas mieux qu’entre Serbie et Kosovo. Quant au Moyen-Orient, pas l’ombre d’un règlement. On ne peut pas prôner les pourparlers, les amorcer, et autoriser l’acteur principal, Israël, à bombarder le siège des négociations (à Doha)! C’est l’enterrement de la diplomatie. Et voilà que le faiseur de paix autoproclamé participe à la guerre aux côtés d’une puissance criminelle qui envahit son voisinage et commet un massacre monstrueux, dénoncé par les Nations Unies. Ce parlement mondial que déteste tant ce président américain. Et pour cause. Il se sent bien seul quand les USA mette leur veto à un appel au cessez-le-feu à Gaza, voté par quasiment tous les autres pays de la planète.
La diplomatie spectacle paie rarement
Le grand espoir, brandi avant même le début de cette législature, celui de la paix entre l’Ukraine et la Russie, s’est effondré dès les lendemains d’une mise en scène prometteuse. Certes, le trio belliciste Macron-Starmer-Merz a tout fait pour que la guerre continue. Zelensky aussi. Poutine aussi. Mais Trump a quelque raison de s’interroger. La diplomatie spectacle paie rarement. Le travail dans l’ombre, modeste, a plus de chances de débloquer les fronts. Nous voilà maintenant dans une situation que l’on dirait cocasse si elle n’était tragique sur le terrain: l’idylle des deux compères d’Anchorage, c’est fini. Le pote américain de Poutine dit maintenant pis que pendre de la Russie. Hier il pensait imposer la paix et des concessions à l’Ukraine en deux coups de cuillère à pot, aujourd’hui il veut lui rendre les territoires perdus, faire déguerpir les Russes par une simple tirade… Voilà envolés les rêves de réconciliation entre les deux puissances. Le taiseux du Kremlin a de la suite dans les idées.
Contradictions et billevesées
Là comme sur d’autres sujets, l’ambitieux président a trop parlé. Confondant la parole avec l’action. Il est vrai qu’il joint l’une à l’autre dans sa politique économique. Dès le début, il a promis de cogner et il cogne. La valse folle des taxes, plus ou moins chaudes selon les partenaires, rapporte bel et bien des milliers de milliards au trésor. Il n’empêche que tous les exportateurs du monde tentent de réduire leurs affaires avec les Etats-Unis, à les étendre partout ailleurs. Peu réjouissant à terme.
Les partenaires soumis du grand manitou, pour attirer ses faveurs, lui promettent des investissements gigantesques. Pour reconstruire l’appareil de production, dit-on. La Suisse, par exemple, y va de 250 à 300 milliards supplémentaires. Là encore, gare aux pièges des discours. Il y a des promesses faites pour ne pas être tenues. D’autant plus que les entreprises ne trouvent pas forcément le terreau humain nécessaire à faire pousser dare-dare des usines performantes. Importer des spécialistes? Indispensable. Mais voilà que Trump impose avec effet immédiat une taxe de 100 000 dollars pour les visas temporaires des experts étrangers. Faire payer ceux qui apportent leur savoir… Une folle billevesée à ajouter au palmarès. Elle ne passe pas inaperçue à Bâle où les pharmas ne savent plus sur quel pied danser.
Les historiens démonteront un jour avec délices cette illustration d’un vieux principe: la théâtralité exacerbée des puissants enfermés dans leur narcissisme accélère plutôt la chute des nations que leur heure de gloire.
VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
3 Commentaires
@aloula 26.09.2025 | 19h03
«Son discours à la tribune de Nations Unies était totalement incohérent. Il est plus que temps que les Européens en général et les Suisses en particulier coupe ce cordon. Le monde est vaste, les BRICs en plein essor et allons voir de ce côté pour investir 300 milliards de l'argent public!
Laissons tomber les œillères et le mythe et regardons les choses en face: les Etats-Unis sont dans un état de déliquescence avancée et il n'y aucune raison que nous soyons entraîné dans son naufrage.»
@simone 27.09.2025 | 11h31
«Va-t-on bientôt créer un prix Nobel des fauteurs de guerres ?
»
@Christode 27.09.2025 | 12h30
«Les USA et son président se rient de nous. Comment est-ce possible que notre gouvernement (pour ne parler que de lui) fasse preuve d'un tel aplaventrisme devant un homme qui a la langue aussi pendue, ce qui ne nous est, à nous peuple suisse, d'aucun avantage?»