Vous aimez cet article <3
Média indocile – nouvelle formule

Actuel


PARTAGER

Il arrive que le verrou des non-dits finisse par sauter. Ainsi on apprend au détour d’une longue interview dans la NZZ que le F-35 a été choisi pas tant pour protéger notre ciel que pour aller bombarder des cibles à des centaines, des milliers de kilomètres de la Suisse. En clair: pour se joindre de facto à l’OTAN dans un conflit généralisé. Qu’il en a rêvé, de cet avion, le commandant de l’aviation Peter Merz, surnommé Pablo par ses potes…



Ce haut responsable du Département fédéral de la défense (DDPS) a tout fait, dès le début, avec l’appui du Conseil fédéral, pour que ce choix soit fait, quoi qu’il en coûte. Rappel: en septembre 2020, le peuple acceptait le principe d’un achat pour un montant de six milliards. A un cheveu près: 50,1 % des votants, 8500 voix d’écart. Sans qu’il ait été précisé le type d’avion pour ne pas heurter les adversaires d’un appareil américain plutôt qu’européen. Ce fut alors les grandes manœuvres en coulisses, le fameux «scandale d’Etat» que détaille dans son livre, F-35 ou l’histoire d’une manipulation, qui vient d’être réédité et actualisé aux éditions Favre, Pierre-Alain Fridez, conseiller national socialiste jurassien et membre de la commission de sécurité. Car au moment de la votation, le cahier des charges n’avait pas encore été montré. Et pour cause: il était taillé de bout en bout pour conduire au F-35. Au vu des surcoûts énormes de cette commande, le Parlement débat ces jours-ci sur la nécessité d’une nouvelle consultation populaire. Mais quelle question poser? Oui ou non à une rallonge? Enterrer le projet pourri? Gauche et droite se disputent.

«La meilleure défense, c’est l’attaque»

On en apprend plus encore sur les raisons du choix initial du F-35 avec les récentes déclarations du grand chef de l’aviation, Peter «Pablo» Merz. Il a démissionné, comme toute l’équipe de Viola Amherd, et va prendre la tête de Skyguide, le contrôle aérien civil. Il parle donc plus librement. Et lâche cette phrase étonnante: «La police du ciel est une tâche annexe. Nous achetons cet avion d’abord pour protéger la population. Or la meilleure défense, c’est l’attaque. Voyez l’Ukraine. Le président Zelensky exige à raison de disposer d’armes capables d’atteindre des objectifs en profondeur en Russie.»

Soit dit en passant, cette tactique d’élargissement du conflit n’a pas diminué la pression sur le terrain. Elle a surtout augmenté les tensions internationales.

L’ex-commandant Merz sait parfaitement qu’envoyer des F-35 jusque vers Budapest, peut-être même jusqu’en Crimée, ne pourrait se faire qu’en coopération avec l’OTAN. L’électronique sophistiquée de cet appareil est contrôlée en permanence, à distance, par l’armée américaine qui peut ainsi autoriser ou interdire un décollage, vérifier sa trajectoire. C’est dire que la polémique technique et économique en cache une autre, plus politique: sommes-nous à ce point les mains liées avec les Etats-Unis?

Nos chefs de guerre ont-ils le sens des réalités?

L’emballement de l’état-major pour le F-35, qui persiste après le départ de l’équipe d’Amherd, laisse songeurs. Le contrat définitif n’est pas signé. Il peut être cassé. Avec une perte, certes, mais moins d’ennuis et de surcoûts à venir. Mais voilà que le nouveau chef du département nous dit qu’évaluer un autre type d’avion durerait au moins trois ans! Ces gens ont-ils le sens des réalités? On les voit s’obstiner dans l’achat des gros drones d’observation israéliens, ruineux et en retard eux aussi, alors qu’ils ne volent pas par temps de brouillard et de grand froid. Un comble d’absurdité. Et cela alors que l’Ukraine, à toute vitesse, s’adapte, invente, fabrique des milliers de drones et de missiles offensifs et défensifs. Avec l’aide occidentales certes, mais avec un savoir-faire, une souplesse et une détermination remarquables. Tout ce qui nous manque.

L’histoire récente des drones russes sur la Pologne, manipulés par on ne sait qui, a fait dire à notre ministre de la défense qu’en tel cas, nous aurions été totalement impuissants. Or ces petits engins volants sont devenus la clé des conflits armés. L’outil parfois de bandes mafieuses. Et que faisons-nous en Suisse? Plutôt que demander à nos super-boutiques d’armements de se lancer ici même dans la production de ces nouvelles technologies, nous achetons des équipements coûteux, qui n’arriveront que dans plusieurs années. Comme les fameux Patriot, ce système de défense aérienne, dont chaque tir coûte environ un million, ceci pour abattre un seul mini-drone bon marché. Comme le système sol-air anti-drones IRIS-T à moyenne portée, aussi ruineux et aléatoire. Et rien est en vue contre les missiles à longue portée. 

Souvenons-nous de la diplomatie!

Nos pilotes se sont aperçus bien tard de l’enjeu. Leur chef «Pablo» confie dans la NZZ: «Avant la guerre en Ukraine, les drones, c’était l’affaire des polices, pas des militaires.» Il est donc temps que les stratèges changent leurs fantasmes. Ils se pâment encore devant l’exploit des Israéliens qui ont bombardé l’Iran à 1500 kilomètres de chez eux. Nous, pardon, cela ne nous fait pas rêver du tout. De grâce, Mesdames et Messieurs les politiques, plutôt que de faire exploser les budgets, souvenez-vous qu’il nous reste, du moins espérons-le, une arme efficace. Pour la guerre contre la guerre. Elle s’appelle diplomatie. 

 

VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

0 Commentaire

À lire aussi