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En France, ce n’est pas tant le tourniquet des premiers ministres et la détestation de Macron qui inquiètent, c’est le fossé qui se creuse entre la société et le cirque politicien, avec son jeu d’ambitions qui paralyse le pays. Le tableau n’est guère plus réjouissant en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Espagne. Sur quoi déboucheront ces frustrations, ces colères, ces rejets? On ne le sait encore. Il est sûr cependant que les droites de la droite ont le vent en poupe.



Tant de Français n’ont plus la moindre confiance en leurs élus. Ces derniers sont bien payés, reçoivent de généreuses indemnités de frais, plus de quoi payer des collaborateurs. Ils jurent que leur premier souci est de servir le pays mais ils tiennent d’abord à garder leur siège. Leur origine sociale est loin d’être à l’image de la société. Tout cela s’exprime par une mauvaise humeur latente ou hurlée, par des manifestations récupérées par l’extrême-gauche, ne débouchant sur aucun résultat concret. Le spectacle du Parlement irrite de plus en plus, avec ses ambitions personnelles et ses éclats de voix. Ce n’est pas nouveau. Platon déjà parlait de la «théatrocratie». La «sécession plebis», ce peuple qui quitte le forum public pour se réfugier sur l’Aventin. Aujourd’hui la dérive d’un pouvoir éloigné de la perception populaire coupe tout élan salvateur. Faute sans doute d’une figure qui s’imposerait par sa lucidité, sa force de conviction, qui ne tomberait pas dans l’outrance. Le sociologue Michel Maffesoli a beaucoup écrit sur le sujet. Il estime que «la discrépance entre le peuple et les élites est bien plus profonde que ce que les politiques peuvent en comprendre. Il s’agit d’un différend culturel (…) Notre civilisation moderne est finissante, et une nouvelle culture émerge, ce sont ces effervescences brouillonnes et désordonnées que craignent les technocrates et les bureaucrates qui nous gouvernent.»

La démocratie bâillonnée

Dans plusieurs pays, le désarroi populaire conduit plutôt à droite qu’à gauche. L’inquiétude porte vers l’autorité, vers le rejet de l’autre – l’étranger – vers les bannières haut brandies, vers les discours enflammés. Ce qui se passe aussi en Grande-Bretagne avec l’émergence du parti de l’ultra-nationaliste Nigel Farage (Reform UK). Le Premier ministre britannique Keir Starmer sait pourquoi il veut retarder le plus possible les élections générales qui doivent avoir lieu au plus tard en 2029. Démocratie, dites-vous? Le gouvernement ne supporte manifestement pas la libre expression. Il a arrêté plusieurs milliers de personnes ces derniers mois (900 depuis début septembre) pour avoir participé à des manifestations pacifiques pro-Palestine, ou posté des messages sur le Net en ce sens. Risquant jusqu’à six mois de prison. Amnesty International proteste contre cette «criminalisation» de la libre parole.

L’AfD, le défi allemand

La coalition gauche-droite au pouvoir en Allemagne, en crise interne permanente, a aussi de quoi trembler. Le parti aujourd’hui en tête, dans l’hémicycle et dans les sondages, est l’AfD (Alternative für Deutschland). Avec 25 % des intentions de vote, 40 % dans la partie est. Mais dans ce pays qui a pourtant une longue tradition d’entente entre camps opposés, il se dresse un Brandmauer, un mur coupe-feu, qui interdit toute collaboration avec ce parti. Sa présidente, Alice Weidel, fort instruite (elle parle plusieurs langues dont le chinois!) est brillante sur les plateaux TV et les réseaux sociaux. Ce n’est pas une extrémiste. Elle est certes très critique à l’endroit de l’UE mais ne veut pas en sortir. Son péché? Elle demande la négociation plutôt que le prolongement de la guerre en Ukraine. Ce qui ne l’empêche pas de maintenir un soutien inconditionnel à Israël. Certains, à gauche surtout, demandent carrément l’interdiction de cette grande formation. Dans ce pays, la tradition démocratique, du fait de son histoire, paraît plus fragile qu’ailleurs.

L’Espagne fragile, l’Italie habile

Celle-ci est bien plus récente encore en Espagne. Sa santé économique des dernières années impressionne ses voisins, tout comme le Premier ministre socialiste Pedro Sanchez, brillant et déterminé. Courageux face à l’Israël génocidaire. Mais son pouvoir dépend d’alliances fragiles avec les mouvements autonomistes basques et catalans. Là aussi, la droite de la droite (le parti Vox) grignote des voix dans l’électorat de la formation libérale-conservatrice classique (le Partido popular). Autour de l’unité de la nation et du rejet des migrants. Le suspense politique est plus tendu qu’il n’y paraît.

La donne la plus originale de ce tableau ouest-européen, c’est l’Italie de Giorgia Meloni. Forte de ses succès économiques, elle aussi, habile à critiquer et à faire valoir ses positions auprès de la Commission européenne. Pour en revenir au propos initial, le fossé entre le peuple et les élites, là, au contraire, il semble bien que Meloni ait trouvé le ton et la manière pour l’estomper. Ainsi, par exemple, elle est favorable au soutien à l’Ukraine (sans trop dépenser!) mais refuse d’y envoyer un jour des troupes. Elle réussit à faire passer des paradoxes: ainsi elle s’oppose vigoureusement à l’arrivée des migrants d’outre-mer mais souhaite en accueillir un demi-million pour faire tourner le pays vieillissant. Assez fort.

Alors qu’à Paris, Berlin et Londres, les dirigeants échauffent toujours plus leurs tirades bellicistes. La guerre pour sauver la démocratie péclotante? Tout au contraire!

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