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Article publié le 21 juin 2025 sur Infosperber, traduit et adapté par Bon pour la tête

Dans son dernier rapport, la Campagne internationale pour l'abolition des armes nucléaires (ICAN) estime que, rien qu’en 2024, le montant dépensé par les neuf États dotés d'armes nucléaires s’élevait à environ 190 000 dollars par minute, soit 274 millions par jour. En 2021, ce chiffre était de 138 700 dollars par minute (selonInfosperber).

Or, au début de l'année 2022, les cinq États officiellement dotés d'armes nucléaires – les États-Unis, la Russie, la Chine, la France et le Royaume-Uni (P5) – affirmaient encore dans une déclaration commune: «Nous voulons coopérer avec tous les Etats pour atteindre l'objectif ultime d'un monde sans armes nucléaires et nous réaffirmons notre engagement, exprimé dans le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, de mener des négociations sur la fin de la course aux armements nucléaires et un accord sur le désarmement complet.»

Les chiffres présentés aujourd'hui par l'ICAN montrent à quel point cette déclaration était mensongère: entre 2020 et 2024, les dépenses consacrées aux armes nucléaires ont doublé aux États-Unis. Au Royaume-Uni, elles ont augmenté d'environ 50 % pendant cette période et d'environ 40 % en France. Selon l'ICAN, les six autres puissances nucléaires ont dépensé à peu près autant, ou au maximum 5 % de plus. Toutefois, l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri) souligne qu'il est difficile d'avoir une vue d'ensemble du budget militaire de tous les pays, de la Russie par exemple (lire Infosperber).

Au moins 128 millions de dollars versés à des lobbyistes

L'ICAN a identifié 22 entreprises qui profitent largement de la course à l'armement nucléaire. En 2024, celles-ci ont gagné au moins 43,5 milliards de dollars grâce aux armes nucléaires. L'année dernière, elles ont décroché de nouveaux contrats pour une valeur d'environ 20 milliards de dollars, qui s'ajoutent aux contrats en cours d'une valeur de 463 milliards.

L'année dernière, rien qu'aux États-Unis et en France, ces entreprises auraient versé plus de 128 millions de dollars à leurs lobbyistes. Au Royaume-Uni, par exemple, les employés de ces entreprises ont rencontré 196 fois des représentants de haut rang du gouvernement et même 18 fois les plus proches collaborateurs du Premier ministre, selon les recherches de l'ICAN.

L'ICAN a pu déterminer les sommes versées à ces entreprises en rapport avec les armes nucléaires (en millions de dollars américains). Colonne de droite: part dans le chiffre d'affaires total de l'entreprise. © ICAN: «Hidden Costs: Nuclear Weapons Spending in 2024»

En comparaison, le budget des Nations unies est minuscule

Le rapport de l'ICAN considère toutefois comme positif le fait que les neuf États qui ont investi plus de 100 milliards de dollars dans les armes nucléaires en 2024 soient contrebalancés par 98 autres pays qui ont déjà signé le traité sur l'interdiction des armes nucléaires ou sont en passe de le faire.

Quelques estimations de l'ICAN:

• La Chine possède 600 armes nucléaires. Leur puissance représente environ 18 630 fois la puissance de la bombe atomique larguée sur Hiroshima. Avec l'argent dépensé en 2024 pour ces armes, la Chine aurait pu financer 3,5 fois le budget annuel des Nations unies.
• La Russie dispose de 5449 armes nucléaires d'une puissance équivalente à 63 532 fois la bombe d'Hiroshima. L'année dernière, la Russie a dépensé 15 000 dollars par minute pour ces armes, soit deux fois le budget annuel des Nations unies.
• Les États-Unis possèdent 5277 armes nucléaires, soit l'équivalent de 59 644 fois la bombe d’Hiroshima. En 2024, les contribuables ont dépensé environ 180 000 dollars par minute pour ces armes, soit près de 16 fois le budget annuel des Nations unies.
• L'Inde dispose de 172 bombes nucléaires, le Pakistan de 170. Ensemble, elles représentent une puissance équivalente à 570 bombes d'Hiroshima. La somme qu’elles représentent couvrirait plus que le budget annuel des Nations unies.
• La France possède environ 290 armes nucléaires. Leur puissance explosive équivaut à celle de 1993 bombes d'Hiroshima. L'année dernière, elles ont coûté près de 12 000 euros par minute aux contribuables français, soit deux fois le budget annuel des Nations unies (le gouvernement garde secret le montant exact versé à chaque entreprise). 
• La Grande-Bretagne possède 225 ogives nucléaires d'une puissance équivalente à 1500 bombes larguées sur Hiroshima. Elles ont coûté 19 800 dollars par minute aux contribuables britanniques, soit le budget des Nations unies pour trois ans.
• Israël stocke environ 90 armes nucléaires d'une puissance équivalente à 165 fois la bombe d’Hiroshima. Selon les médias, des entreprises allemandes profiteraient également de la construction de sous-marins nucléaires israéliens.

Ces chiffres diffèrent de ceux estimés en janvier 2024 par le «Stockholm International Peace Research Institute» pour la Chine, la Russie et les États-Unis (Chine: 500, Russie: 5580, États-Unis: 5044). L'ICAN s'appuie sur le Nuclear Ban Monitor et précise que seules les armes nucléaires opérationnelles et potentiellement explosives ont été prises en compte dans son estimation, à l'exclusion des armes retirées du service.

Les gouvernements européens refusent de fournir des informations

Les Pays-Bas, la Belgique, l'Allemagne, l'Italie et la Turquie servent de refuges européens pour les armes nucléaires américaines. L'ICAN critique le fait que le coût de cette opération soit tenu secret pour les contribuables des pays concernés.

A l'exception de la Turquie, tous ces pays seraient en train d’acheter des avions de combat F-35A capables de larguer des armes nucléaires. La Turquie, elle, comme la Grèce, disposeraient déjà d'avions capables de le faire. L'Allemagne aurait déjà commandé 35 exemplaires du F-35 pour 10 milliards d'euros en 2022 et envisagerait d'en acheter 8 supplémentaires. L'Italie a commandé 25 F-35 supplémentaires, la Belgique a récemment annoncé une commande supplémentaire de 11 F-35. Les Pays-Bas ont reçu l'année dernière 40 des 52 F-35 commandés et ont l'intention d'en commander 6 autres.

Selon les estimations de l'ICAN, toutes les armes nucléaires existant dans le monde ont déjà une puissance explosive équivalente à 146 298 «Little Boys», du nom que les Américains avaient donné à la bombe atomique larguée le 6 août 1945 sur la ville japonaise d'Hiroshima. Avec les conséquences dramatiques que l’on connaît. Mais l'armement continue.

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