Actuel / A Genève, on récompense les pires projets immobiliers
A Genève il y a ceux qui construisent dans les règles de l’art et les autres… Le premier palmarès des « pires projets immobiliers » dévoile cinq situations illégales ou immorales selon le collectif d’associations d’habitants de quartiers de Genève. Cinq «récompenses» ont été décernées ce matin aux promoteurs - concepteurs concernés, dont deux conseillers d’Etat genevois.
Aucun des lauréats du 1er concours «des pires projets immobiliers» genevois ne s’était déplacé ce matin pour la cérémonie organisée aux Canons, dans la Vieille Ville. Une sorte de Champignac, décerné à cinq réalisations contestées et pas toujours très légales, si l’on en croit le collectif d’associations d’habitant-es de quartiers de Genève, à l’origine de cette satire. «Dans cette période critique de pénurie de logements, la spéculation effrénée par des processus douteux, menée au détriment des Genevois n’est pas acceptable» entendait-on, devant les banderoles revendiquant le droit au logement.
Le premier concours «des pires projets immobiliers» genevois, une sorte de Champignac, décerné à cinq réalisations contestées et pas toujours très légales, si l’on en croit le collectif d’associations d’habitant-es de quartiers de Genève, à l’origine de cette satire. © Isabel Jan-Hess
Du logement étudiant au loft de luxe
Les aberrations en matière de logement ne manquent en effet pas à Genève. Les cinq projets primés mettent un coup de projecteur sur plusieurs incohérences et dénoncent un certain laxisme des autorités cantonales et communales. La première brique d’or a couronné l’ancien «Hôtel California» des Pâquis dans la catégorie de la spéculation la plus lucrative. Rendue célèbre par ses nombreux rebondissements, cette réhabilitation a accouché de luxueux lofts, pour la plupart inhabités, en lieu et place des logements prévus par les différents accords signés entre la Ville, le canton et les propriétaires.
L'ancien «Hôtel California» des Pâquis, à la rue Gevray 1 a reçu le premier prix dans la catégorie de la spéculation la plus lucrative. © DR
Après la fermeture de l’hôtel, le bâtiment avait été squatté, puis un accord avait été trouvé pour la création de logements étudiants, avant qu’une autre décision impose des logements sous le coup de la LDTR (Loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation). Le résultat final est en effet bien loin du dessin. «On a aujourd’hui 27 appartements de luxe, vendus pour la plupart à plus de 20'000 francs le m2, dénonce Guy Valance, membre de la Survap l'association d'habitants des Pâquis. On laisse mourir des quartiers populaires au profit de spéculations immobilières…»
La boîte à sardine des Vernets
La boite à sardine d’or est allée au conseiller d’Etat Antonio Hodgers, en charge du projet immobilier prévu sur le site de la Caserne des Vernets. Une surdensification dénoncée par les riverains depuis les prémices de ce projet prévoyant la construction de 1500 logements dans plusieurs immeubles. Dont une tour, des activités commerciales et de services, une crèche et une école, le tout sur 48'000 m2. «Reste l’espace de quelques arbres en pot et de deux mini îlots de verdure, ayant même contraint les promoteurs à prévoir la réalisation du préau de l’école sur le toit du bâtiment», ironise le collectif, défendant une baisse de la densité.
Pipeau d'or pour une volte-face
Le conseiller d’Etat, Serge Dal Busco a reçu, lui, le pipeau d’or pour sa volte-face dans le dossier du 154 route de Malagnou. Une bâtisse désaffectée de l’Université, occupée depuis 2012 par les membres d‘un projet d’habitat collectif et autogéré. En 2016, suite à plusieurs menaces d’expulsion, les résidents avaient pu obtenir un contrat de bail jusqu’en 2020. Mais peu après, le Canton est intervenu pour attribuer le bâtiment à l’Hospice général afin d’y loger des migrants. «C’est honteux de la part de l’Etat de jouer une précarité contre une autre.», s’indigne Brigitte Studer, membre du collectif.
Dans la catégorie «pas de quartier pour les alternatives», le bâtiment de route de Malagnou 154 a été primé. © DR
Deux autres briques d’or ont encore été décernées. La première à un projet de surélévation à la rue Butini qui, en lieu et place de quatre appartements, a donné naissance à une «grande villa» avec vue sur le lac. Selon le collectif les propriétaires ont été récemment sommés de modifier cette surélévation pour remettre les quatre appartements prévus sur le marché locatif et de supprimer les quelques modifications non conformes effectuées dans l’immeuble.
Le dernier prix a été remis à une investisseuse suisse alémanique, présentée, l'été dernier, comme sémillante philanthrope par la Tribune de Genève, proposant des appartements meublés dans un immeuble surélevé et rénové de la rue de Lausanne. «Elle a réussi à faire de juteux bénéfices en rénovant et soutirant du marché locatif genevois des appartements loués très cher, soit entre 4900 et 5800 francs mensuels pour un trois-pièces, détaille Guy Valante expliquant que ces logements ne sont pas adressés aux Genevois. Pour pouvoir obtenir un bail, on a dû faire appeler quelqu’un des États-Unis. La société propriétaire a reçu une amende de quelques dizaines de milliers de francs, mais continue son business lucratif et hors la loi d’appart hôtel, alors que des Genevois sont à la rue.»
Aucun des lauréats du premier concours «des pires projets immobiliers» genevois ne s’était déplacé ce matin pour la cérémonie organisée aux Canons, dans la Vieille Ville. © Isabel Jan-Hess
Le collectif à l’origine du «prix des pires projets immobiliers» poursuit son combat en faveur du droit au logement dans un rapport non marchand, une équité et une juste répartition territoriale. Le 7 octobre dernier, la manifestation pour le logement organisée dans les rues de Genève avait attiré plus de 1500 personnes.
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