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Actuel / La fermeture de l’USAID, une chance pour l’Afrique?


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Le continent africain est le premier bénéficiaire de l’aide au développement des Etats-Unis. Pourtant, sur les réseaux sociaux, les internautes africains semblent se réjouir de la fermeture de l’USAID décidée par Donald Trump. Ils y voient un encouragement à compter davantage sur leurs propres ressources plutôt que sur une aide extérieure qui n'est en réalité jamais gratuite.



«La corruption chez USAID a atteint des niveaux jamais vus. Il faut la supprimer!», dit Trump. «L’USAID est une organisation criminelle, un nid de vipères de marxistes radicaux de gauche qui détestent l’Amérique», dit Musk. Tels des Dupont-Dupond 2.0 et leur fameux «je dirais même plus», les deux hommes les plus puissants des Etats-Unis font trembler la planète à chacune de leur punchline, tout en nuances. Une de leurs premières cibles fut donc cette Agence des Etats-Unis pour le développement international (USAID), une institution fondée en 1961 sous la présidence de John Kennedy. Aujourd’hui, ce véritable mastodonte doté d’un budget de 65 milliards de dollars en 2023, soit 0,3% du PIB des USA, gère des programmes d’«aide» dans 120 pays, dans tous les secteurs – même si la nouvelle porte-parole de la Maison-Blanche, Karoline Leavitt, n’a mentionné que deux exemples de «dépenses insensées» correspondant aux fantasmes de Trump: 1,5 million de dollars qui servirait à promouvoir la diversité au travail en Serbie et 17 000 dollars pour un opéra transgenre en Colombie.

Parmi la batterie de décrets signés lors de grotesques mises en scène à la Maison-Blanche, celui concernant l’USAID, aussi radical que controversé, a provoqué une déflagration dans le monde entier. Il ordonne une «pause de 90 jours pendant laquelle l’efficacité des programmes et leur cohérence avec la politique étrangère américaine vont être évaluées». Avec, à la clé, une réduction drastique des dépenses et une mise au pas, selon des critères idéologiques, des quelque 10 000 employés. Son siège à Washington ainsi que l’ensemble de ses agences dans le monde sont fermés, son site internet n’est plus qu’une page vide, du jamais vu... La Genève internationale est ébranlée, des ONG licencient préventivement leur personnel, prédisent l’apocalypse pour les populations les plus vulnérables; d’autres optent pour un silence prudent, tout en tentant de plaider leur cause pour éviter la banqueroute. 

«Ceux qui compte sur l’aide extérieure, réveillez-vous!»

Du coup, le poids des Etats-Unis, premier pourvoyeur d’aide internationale, apparaît au grand jour, un montant faramineux, dont le continent africain est le plus grand bénéficiaire, dans des secteurs aussi divers que le développement des infrastructures, le financement de PME, le renforcement des secteurs de l’éducation, de la santé, le développement agricole, l’aide alimentaire. On aurait donc pu s’attendre à une véritable levée de boucliers dans cette région. Des voix officielles de responsables politiques ou d’ONG locales font certes part de leurs craintes. Mais, fait piquant, sur les réseaux sociaux, les internautes semblent plutôt apprécier cet arrêt brutal de l’aide américaine. «Je pense que l’arrivée de Trump est une bonne chose pour nous, on ne peut pas espérer se développer avec l’aide des autres», estime l’un d’eux. «C’est une opportunité que Trump nous donne pour se libérer de tout système qui nous confine dans l’esclavage», renchérit un autre. La question de la souveraineté des pays est largement évoquée et l’aide internationale questionnée. «Ceux qui comptent sur l’aide, qui quémandent toujours, qui croient que les Occidentaux sont nos alliés, réveillez-vous! réagit Abdourahamane Assadeck sur le site d’information en ligne Seneweb. Ils ne sont pas vos alliés, ils sont alliés entre eux. Et nous ne devons compter sur personne.»

Alors que le ministre de l’Education du Sénégal, Moustapha Guirassy, s’inquiète pour l’avenir d’un programme favorisant l’usage des langues nationales financé par l’USAID, les internautes, toujours sur Seneweb, ne le ratent pas: «Confier le financement de la promotion de ses langues nationales à une puissance étrangère!!! Cherchez l’erreur», réagit aussitôt l’un d’eux, tandis que sous le pseudo Bagasse Yagui Nil, un autre commentaire questionne la pertinence d’un tel programme dans un pays où «tout le monde parle les langues nationales». «Chacun va se prendre en charge désormais, c’est très bien», espère José Dézalla Kané. «La suspension de l’USAID est-elle un coup dur pour le continent ou une opportunité de réajustement?», se demande la journaliste Cindy Damaris sur le site All Africa. L’Afrique, qui a longtemps dépendu des financements extérieurs, doit désormais penser autrement», estime-t-elle. «C’est tant mieux que les Américains arrêtent de nous aider, réagit pour sa part le journaliste écrivain ivoirien Venance Konan. Il est temps que l’Afrique apprenne à compter sur elle-même et sur ses ressources. Parce que l’aide n’est jamais neutre, jamais gratuite.»

«L’aide au développement est un outil d’influence»

Vue d’Afrique, le plus souvent, l’aide internationale est bel et bien perçue comme un moyen pour les pays occidentaux d’accroître leur influence avec, en filigrane, toujours, la volonté d’accroître des parts de marché pour leurs entreprises. Vendredi, le chef de la diplomatie britannique, David Lammy, ne disait pas autre chose en rappelant que «le développement reste un outil très important d’influence». Il craint d’ailleurs que la Chine et son soft power très actif sur le continent africain ne tire profit du désengagement américain. La Russie, elle, s’y est engouffrée dare-dare, reprenant en partie les critiques violentes émises par le duo Trump-Musk. Le site d’information Maliweb, au Mali, où la Russie est très active, reprend ainsi une dépêche de l’agence Tass qui accuse l’USAID d’être «devenu un réseau criminel». Des voix, minoritaires, mettent cependant en garde face à l’arrêt brutal d’innombrables projets d’aide au développement: le réveil risque d’être dur. «A moins que les gouvernements africains ne s’engagent dans une gestion plus transparente et efficaces des ressources», plaide encore la journaliste Cindy Damaris.

VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

3 Commentaires

@JoelSutter 14.02.2025 | 09h24

«Je me rappelle d’un roman d’une amie journaliste grand reporter (elle se reconnaîtra) qui racontait le dilemme d’une ONG qui était en train d’atteindre son but. Son directeur avait saboté les action de cette agence pour ne pas perdre son travail… Elle avait écrit cette histoire sous forme de roman pour ne pas se faire des ennemis sur place, mais il semble que c’est une réalité!

Autrement, j’ai souvent entendu le proverbe qui dit: si quelqu’un à faim, plutôt lui donner du poisson, apprends-lui à pêcher. A méditer! »


@Foenix 16.02.2025 | 11h34

«Pour avoir travaillé une trentaine d'années dans le domaine, je confirme que l'objectif est et reste toujours d'aider à s'aider, à devenir autonome et que chaque projet doit prévoir sa fin avant même de commencer. Il est également vrai que ceux qui reçoivent de l'aide peuvent s'installer dans la facilité. C'est toujours la question de choisir les bons partenaires avec des motivations justes et pour une durée connue à l'avance. Peut-être que l'électrochoc sur USAID pourra générer un réveil pour certains et, il fait le souhaiter, mettre le doigt sur la corruption qui sévit souvent autour de l'argent "facile". Mais il y aura inévitablement des victimes.»


@Erwan 18.02.2025 | 20h19

«Donc, pour résumer: le gouvernement des USA qui cherche à mettre en place une gestion plus transparente et efficace des ressources, c'est mal, mais si les gouvernements africains le faisaient, ce serait bien. Double standard selon la tête du client ?»


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